Il n’y a pas deux carrières de footballeurs qui se ressemblent au point qu’elles peuvent se confondre. Chaque instant dans les cinq, dix, quinze ou vingt années passées à jouer au football peut être décisif. Mais s’il y a un moment qui reste gravé dans les mémoires, c’est bien le tout dernier moment. Le chant du cygne du footballeur.

Désastre

19 mai 2001. Pour la trente-quatrième journée de Ligue 1, le FC Metz reçoit les Girondins de Bordeaux. Dans tout le stade, c’est l’effervescence. Sylvain Kastendeuch, la légende du FC Metz, recordman du nombre de titularisations sous le maillot Grenat, s’apprête à faire ses adieux au football. Le messin est fêté comme il se doit par la foule, et reçoit nombre d’applaudissements. Quand le match commence, le défenseur sait qu’il doit soigner ses adieux et veut faire bonne impression. Mais rien ne se passe comme prévu. Après seulement une dizaine de minutes de jeu, le natif d’Hayange reçoit un ballon en pleine figure et s’effondre, sonné. Kastendeuch passera la nuit à l’hôpital avant de sortir définitivement des terrains. Par la civière, plutôt que par la grande porte.

Quatre ans plus tôt, le 25 octobre 1997, c’est une vraie grande légende du football qui fait ses adieux de manière abrupte. Diego Armando Maradona, D10S pour les intimes, sous la menace d’une troisième suspension pour dopage mais qualifié malgré tout, s’apprête à être titulaire au Monumental, sous les couleurs de Boca, face au rival honni de River Plate. Maradona veut faire le show et remporter le dernier titre de sa carrière. Mais, à court de forme, les jambes coupées par les médicaments et le manque d’entraînement, le joueur le plus exceptionnel de son époque est contraint de sortir à la mi-temps tant son jeu laborieux empêche son équipe de remonter au score. A sa place rentre un jeune milieu offensif droitier, qui écrira à son tour son histoire : Juan Román Riquelme. Quand le chant du cygne devient une passation de pouvoir…

Héros

Il n’a pas encore vingt-huit ans, mais Vicente Martínez Duart sait qu’il est temps de dire stop. Le 17 juin 1923, le catalan pur souche, né en 1895, sait qu’il a déjà marqué la courte histoire de son club de toujours. Car Vicenç, son prénom en catalan, milieu de terrain droit doué d’une palette technique impressionnante et d’une habilité tactique fort surprenante pour son époque s’est forgé un beau palmarès dans le football espagnol des années 1910 et 1920. Avec deux coupes d’Espagne, et cinq championnats régionaux, Martínez Duart est un nom qui fait frémir les défenses : ses 183 buts en 261 matchs parlent pour lui.

Alors quand il est l’heure de dire « adieu » au football, le plus jeune joueur de l’histoire du FC Barcelone jusqu’en 2023 et aux débuts de Lamine Yamal le fait par la grande porte. Contre le CE Sabadell, au tout récent Camp de Les Corts, il dispute un des tous premiers jubilés de l’histoire du football. L’international catalan peut clôturer sa carrière sur une belle partition, avec une victoire 2-1 des siens.

Et si Martínez Duart inaugure les fins de carrières réussies, il n’est pas le dernier à le faire. Après lui, bien des héros termineront sur une bonne note. A Barcelone, le dernier en date est sans doute Carles Puyol. Tout pile 100 sélections avec l’équipe d’Espagne. Près de 600 matchs en club. Et un départ la tête haute après une dernière saison pour la « rempile ».

Surprise

Ceux qui regardaient le football anglais se souviennent tous de ce qu’ils faisaient le 18 mai 1997. Manchester United vient de terminer champion d’Angleterre, bercé par instant par son fantasque meneur de jeu, le King Eric. Certes, Eric Cantona n’a plus le faste de ses plus belles années. Mais il a encore la fougue de ses vingt ans, celle qui lui faisait dire « zut » aux plus grands clubs pour aller signer à Nîmes, celle qui l’a poussée une première fois à arrêter sa carrière pour protester contre une décision arbitrale injuste. Alors en 1997, quand il annonce définitivement sa retraite, c’est la surprise. Peu de gens à Manchester s’attendent à une telle décision. Mais pour Cantona, la réponse est très simple : après treize ans de haut niveau, il veut partir au top. La marque des plus grands.

D’autres vivent leur départs surprise comme des injustices, à l’image de l’éternel numéro dix de la Roma, Francesco Totti. Âgé de quarante-et-un an, il sait qu’il n’est plus dans la forme de sa vie. Mais il sait aussi qu’il peut rendre de fiers services avec son sens du jeu inné. Alors quand son entraîneur de l’époque lui signifie qu’il doit prendre le départ, Totti l’a mauvaise. Pour lui, c’est une surprise. Pour les tiffosi aussi, qui ne comprennent pas que le capitaine prenne sa retraite comme ça, tout de suite, alors qu’il est encore lui-même. Cette surprise a un goût de mauvaise blague pour tout le monde.

Et puis il y a ceux qui se surprennent eux-mêmes par leur propre retraite, au point d’en sortir à peine commencée, à l’image de Wojciech Szczęsny. Le portier de la Pologne tire sa révérence en 2024, à la sortie d’une saison en demi-teinte avec la Juventus… avant de revenir, moins de six mois plus tard, donner un coup de main au FC Barcelone, à l’image d’un Jens Lehmann en 2011, avec Arsenal. Comme quoi, le chant du cygne n’est pas toujours le dernier.

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