Après de longues années d’absence, Tour du Monde fait un retour épisodique, direction l’Afrique. Au cœur du « continent méconnu », nous allons plonger dans le golfe de Guinée, pour venir découvrir un club atypique du Nigeria, le My People F.C.
Au cœur du monde
Le Nigeria n’est pas un pays comme les autres. Avec plus de deux-cent millions d’habitants, c’est le pays d’Afrique le plus peuplé. Indépendant depuis 1960, le pays est secoué par des dissensions ethniques, dernier cadeau de l’ancien colonisateur britannique. Si les Igbos, les Yorubas et les Peuls représentent une large majorité de la population, les Ogonis et les Ijaws sont eux assis sur les grandes ressources du Nigeria : les hydrocarbures. En effet, le pays dépend des entreprises étrangères qui viennent exploiter les ressources fossiles. Et ça ne plaît pas aux minorités ethniques. Car celles-ci se plaignent. Elles se plaignent notamment de ne pas être consultées dans les projets de concessions sur leurs zones historiques.
Et ce ne sont pas les exactions de Boko Haram, qui ont fait plus de vingt-mille morts au Nigeria, qui viennent embellir le tableau. Car en plus des deux millions de déplacés, elles exacerbent les tensions religieuses. Le pays est en effet divisé à part quasiment égales entre chrétiens et musulmans. Mais Boko Haram persécute notamment les minorités musulmanes chiites du nord du pays, et, bien évidemment, les chrétiens qui s’aventurent trop au nord. Pour ne rien arranger, l’armée nigériane a été accusée d’avoir perpétré en 2015 un massacre de trois-cent-cinquante chiites.
Dans ce contexte compliqué, le niveau de vie est bien plus faible que ce que le potentiel du pays laisse à penser. Avec un IDH de seulement 0,534, le pays se classe au 192ème rang mondial. Cette performance est affligeante, d’autant plus que le pays a la première économie d’Afrique, avec un PIB quasiment double à celui de l’Egypte.
Lagos, la citadelle de la vie
Le My People F.C. est né dans ce contexte compliqué, d’un pays trop peu ambitieux par rapport à ses moyens. Le club a vu le jour en 2008, à Lagos, l’ancienne capitale du Nigeria. Il ne faut pas imaginer Lagos comme on pourrait imaginer New York ou Saint-Pétersbourg. Car malgré ses treize millions d’habitants, la ville est encore une espèce de méga-village. Et ce n’est pas le transfert des pouvoirs politiques dans les années quatre-vingt-dix à Abuja qui a changé quoi que ce soit au tableau. En fait, Lagos est l’exemple typique d’une ville africaine. Multi-ethnique, bouillonnante, pleine de grands projets qui peuvent changer la face du pays, comme par exemple Nollywood, l’antre du cinéma nigérian. Mais à côté des quartiers d’affaire flambants neufs, la criminalité et les bidonvilles donnent à la ville sa face sombre si caractéristique des pays ayant grandi trop vite.
Et c’est dans ce milieu d’une immense ville fragmentée socialement et culturellement qu’apparaît un homme, Temitope Balogun Joshua. Ce pasteur charismatique, né en 1963 et considéré par Forbes comme le troisième homme d’Église le plus riche du pays, est un passionné de football. Il se fait connaître au Nigeria comme télévangéliste et homme d’affaire religieux. Avant d’avoir son million d’abonnés sur YouTube, Joshua fonde à la fin des années 80 une méga-Église : « The Synagogue, Church of All Nations ». Cette Église devient très vite populaire dans le pays. Aujourd’hui, elle est la première Église d’Afrique de l’Ouest. 60% des voyageurs étrangers du Nigeria viennent dans le pays pour la SCOAN !
Outre son aspect religieux, la SCOAN s’est parée d’une mission sociale. En effet, le pasteur Joshua souhaite aider les jeunes garçons et filles des rues nigérianes. Et afin de sortir les jeunes de la rue, Joshua décide de créer un club de football.
God will bless you
C’est ainsi que naît le le My People F.C.. Outre la volonté d’offrir à certains un abri, le club a pour vocation de développer les jeunes talents du Nigeria. Et, pourquoi pas, de proposer aux meilleurs d’entre eux des carrières de footballeurs professionnels. C’est ainsi que de nombreux jeunes talents nigérians passent par le filet du My People F.C. Parmi eux, et sans doute le plus connu, Ogenyi Onazi, le milieu de terrain gaucher passé par la Lazio de Rome, qui compte plus de cinquante capes avec la sélection nationale. Cette promotion de joueurs nés en 1992 compte aussi un autre ancien de la Lazio, Sani Emmanuel. Malgré une carrière moins remplie, Emmanuel défendra notamment les couleurs du Beitar Jérusalem, en Israël.
Afin d’accélérer le développement de ses jeunes pépites, le My People F.C., en 2010, conclut un accord avec les suédois du Bodens BK, afin de proposer aux meilleurs jeunes du club un essai en Suède. Aujourd’hui, le My People F.C. fait partie des formations les plus réputées du Nigeria pour la formation des jeunes joueurs. Si l’équipe première n’évolue qu’en troisième division nigériane, la Nationwide League, les équipes de jeunes peuvent rivaliser avec les meilleures du pays. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux jeunes joueurs du My People F.C. sont sélectionnés dans les équipes jeunes du Nigeria, en particulier dans les catégories U17.
Avec un projet résolument axé sur la formation de jeunes joueurs et le développement social des plus pauvres, le My People F.C. représente pour de nombreux jeunes du pays une des opportunités les plus évidentes de sortir de la misère. Tous les jeunes rêvent du MPFC. Et de, pourquoi pas, faire le tour du monde balle au pied.