Le 12 juillet est un jour sacré pour le football en France : c’est l’anniversaire du sacre de 1998. C’était il y a vingt-quatre ans, en 1998. C’était aussi il y a quatre ans, en 2018. Pour certains, c’est hier, et pour d’autres, c’est un temps qui est depuis bien longtemps révolu. Alors, que reste-t-il des victoires de l’équipe de France ? Des titres, évidemment, mais aussi des maillots. Retour en maillots sur les titres mondiaux des bleus
Baby blues
Quatre ans après, et vingt-trois maillots restent dans l’éternité. Mais qui aurait pu en 2014 prévoir quels seraient les heureux détenteurs de ces maillots sacrés ? Et qui, en 2022, est capable d’affirmer avec certitude quel maillot appartenait à quel joueur ? Peu de monde, sans doute. Trop jeune, trop vieux, la mémoire trop bancale ou bien pas assez attentive. Il n’est pas besoin d’excuse pour ne pas se souvenir en détail de chacun des joueurs. Par contre, il est à peu près certain que chacun des supporters de l’équipe de France sait dire à quoi ressemblait le maillot qui verra Samuel Umtiti crucifier Thibaut Courtois. Alors, pourquoi notre mémoire est-elle à ce point sélective ?
Sans doute pour nous forcer à vivre l’instant présent. A vivre avec le maillot sur les épaules mais aussi avec le cœur ouvert à l’inconnu que représente chaque match. Car ces maillots qui rythment pendant un mois et demi notre quotidien ne restent plus que des souvenirs et des morceaux de tissu une fois la compétition terminée. C’est, à proprement parler, la charge émotionnelle que l’on confère à l’instant qui apporte la richesse existentielle du maillot.
En d’autres termes, sans souvenirs, les maillots ne valent rien. Mais sans maillots, les souvenirs n’auraient pas la même prégnance, la même couleur dans l’esprit. Pour tout un chacun, l’équipe de France s’est imposée sur des tons de bleu et de bleu foncé. Pas autre chose. Et c’est cette puissance, cette richesse chromatique qui enracine profondément le rôle des maillots dans nos esprits.
Blue & Lonesome
1998 est plus loin pour beaucoup d’entre nous. Certains n’étaient pas nés. En fait, une large part de la population ne peut pas se souvenir de ce moment. Quinze, seize, dix-sept millions de personne n’étaient pas de ce monde en France lors du premier sacre mondial des bleus. Et peut-être six ou huit autre millions étaient trop petit pour réellement s’en souvenir. Dans le reste des Français, il y en a bien une bonne part qui n’en n’avaient rien à faire. Ajoutons encore dix millions au total. Alors finalement, ce sacre de 1998 n’existe encore réellement que dans l’esprit d’un français sur deux, guère plus. Mais alors, comment le rendre vivant, comment le faire vivre au quotidien ?
La mémoire de ce sacre prend naissance dans la rareté et la richesse de l’histoire du football français. Il n’y a qu’à voir finalement le palmarès des clubs et de la nation au niveau international : celui du pays égale en nombre de titres et dépasse en prestige celui des clubs. Les maillots portés par les joueurs de l’équipe de France sont donc, à époque égale, largement plus prestigieux que ceux des clubs.
Le maillot bleu de 1998 n’y fait pas exception. Car bien sûr, il y avait dans cette équipe de France des joueurs de tous les horizons. Mais cette unicité sous un maillot bleu, blanc et rouge est fondamentale dans la transmission historique du rôle de l’équipe de France dans le football français. En effet, elle permet de voir l’union pour la nation autrement que comme des mots vides de sens, mais bien comme une raison d’être, une raison d’exister. C’est peut-être bien là le rôle premier du football : unir, faire vivre ensemble et permettre d’atteindre une forme d’idéal. Sous forme de football, ou sous forme de maillots.