Mi-juin, Mikkel Damsgaard n’était qu’un inconnu pour la majorité du grand public. Depuis, quatre matchs de l’Euro sont passés par là, où le joueur de la Sampdoria a brillé. Désormais, c’est toute l’Europe qui a ouvert les yeux sur l’enfant de Jyllinge qui, à 21 ans à peine, peut rêver très grand.
Juillet 2000. Mikkel Damsgaard fait désormais partie des quelque 8 500 habitants de la petite ville littorale de Jyllinge, à 40 kilomètres à l’ouest de Copenhague. C’est dans le club local, le Jyllinge FC, qu’il effectue ses premiers pas dans le monde du football. Alors entraîné par son père Henrik Damsgaard, Mikkel se souvient : « Nous étions clairement l’une des meilleures équipes du Danemark ». C’est aussi avec et grâce à Henrik que Mikkel apprend à gagner, à être compétitif. « Si c’est une compétition, alors tu es là pour la gagner, apprenait-on. Et c’est ce que nous faisions », se rappelle l’actuel ailier de la Sampdoria dans un documentaire produit par le FC Nordsjælland.
Mikkel Damsgaard, l’enfant de Jyllinge, en route pour Nordsjælland
À 12 ans, Mikkel Damsgaard rejoint le FC Nordsjælland. Basé à Farum, dans la région de Zealand (et non pas de Nordjyalland comme son nom pourrait l’indiquer), à une trentaine de kilomètres de Jyllinge, le FCN vient alors de remporter son premier (et à l’heure actuelle, toujours son dernier) championnat du Danemark. Il est entraîné par Kasper Hjulmand, l’homme aujourd’hui à la tête de la Danish Dynamite.
Rene Klark, l’entraîneur et chef du recrutement des U12 de Nordsjælland, se souvient de sa première rencontre avec Mikkel Damsgaard. « Je suis sorti un dimanche midi, il faisait beau. En fait, je ne savais pas comment Jyllinge avait pu être si bon en première mi-temps. Je me suis dit : ‘Mais qu’est-ce que c’est que ça ?’ Et en deuxième, ils ont intensifié leur jeu et ont joué un super football. Ils ont gagné 5-2, ou 6-2, si je me souviens bien. »
Rene Klark, qui était alors venu observer d’autres joueurs, tombe tout de suite sous le charme du jeu de Mikkel. « Il était un peu petit et n’était pas le plus rapide sur le terrain, mais vous pouviez voir qu’il avait déjà des idées géniales dans sa façon de jouer. Il savait passer son ballon quand il le devait, il se positionnait très bien avec une posture ouverte au jeu. Même ses prises de balle étaient excellentes, ce qui est vraiment rare pour un joueur de 12 ans. Une fois que nous l’eussions assez observé, nous lui avons fait visiter nos installations et l’avons invité à participer à un entraînement spécifique. Il a joué quelques matchs avant de rejoindre le club. »
Huit ans plus tard, les qualités perçues par Klark sont celles que citent encore en premier ses coéquipiers : pour preuve, son compatriote Andreas Skov Olsen lui envie sa perception. « Il a une vision incroyable sur le terrain et perçoit les choses très vite », analysait l’actuel attaquant de Bologne à propos de celui de la Sampdoria.
Retour en 2012 : du haut de ses 12 printemps, Mikkel Damsgaard a déjà conscience du pallier qu’il franchit. « Il s’agissait de passer du football et du club de mon enfance à quelque chose de plus sérieux. C’est l’une des premières étapes que j’ai franchies en tant que footballeur. »
Mûrissement à Nordsjælland
Mikkel Damsgaard débute ainsi avec l’équipe U13 du FC Nordsjælland. « Nous avions vraiment une très, très bonne équipe, rappelle Alexander Riget, son ex-entraîneur. Je me souviens, dès qu’il est arrivé, nous avons gagné 9-0 contre Aalborg, puis 9-0 contre Odense. » Souvenirs similaires pour celui qui était alors la nouvelle recrue : « Nous avions une très bonne équipe. Nous jouions toujours les premiers rôles mais nous n’avons jamais vraiment rien gagné. Pourtant, on faisait de bonnes performances, même lors des tournois à l’étranger. »
Alexander Riget resitue une anecdote particulière. « Je me souviens d’un tournoi en Suisse. On avait joué contre Benfica, l’une des meilleures académies en Europe. Il avait livré un match extraordinaire, on avait gagné, et les parents des joueurs de Benfica l’avaient applaudi à sa sortie du terrain après le match. Il avait été tellement bon ». Damsgaard, lui, ne se souvient pas d’avoir été applaudi, mais ces tournois à l’étranger lui donnaient l’impression de se professionnaliser.
Mais dans la carrière d’adolescent de Mikkel, tout ne fut pas rose. Alexander Riget poursuit. « Quand il était jeune, il était parfois vraiment bon, et parfois pas vraiment. Mais son sommet était extrêmement élevé. » Damsgaard aurait-il été perturbé par l’importance que prenait le football chez lui ? « Je me sentais comme un joueur professionnel. C’était un peu intimidant : tout à coup, cela devenait sérieux, il y avait plus de pression », reconnaît Mikkel Damsgaard.
« J’ai commencé à me demander si je voulais vraiment continuer à jouer »
Mikkel intègre l’équipe U17 du FC Nordsjælland et son entraîneur de l’époque, Kasper Kurland, semble avoir trouvé la bonne formule pour exploiter le plein potentiel de l’ailier. « Quand on le mettait, et quand il se mettait dans de bonnes dispositions, on pouvait voir ce qu’il savait faire. Il a franchi de plus en plus d’étapes dans la bonne direction », note Kurland. Mais Damsgaard sortait alors d’une très dure saison en U15 et n’avait pas beaucoup joué les six premiers mois de la suivante, avant de prendre confiance en lui et croire en ses capacités. « Ce n’était qu’une question de temps », assure Kasper Kurland.
Mikkel, lui, définit sa première saison en U17 comme la période la plus dure de sa jeune carrière. Concilier les études et le football, ne pas beaucoup jouer de matchs, ou alors avoir affaire à des joueurs plus âgés… « C’était tôt pour moi », analyse Mikkel Damsgaard après-coup. « C’était une période vraiment difficile où j’ai senti que j’avais pas mal de problèmes. Je ne me sentais pas assez bon, j’ai commencé à me demander si je voulais vraiment continuer à jouer. »
Le coup de blues passé, Mikkel revient plus fort. Notamment mentalement, mais pas que. « Lors de sa deuxième année en U17, il est devenu notre meilleur joueur, se souvient Kapser Kurland. Il créait presque toutes nos occasions, il a marqué 8 buts en 20 matchs et délivré encore plus de passes décisives, argumente-t-il. Mikkel était notre élément le plus créatif ». Et Damsgaard de renchérir : « C’était à mon tour d’être plus âgé, de jouer, et j’ai commencé à vraiment développer mon jeu. C’est l’année où je me suis trouvé en tant que footballeur. »
Kasper Hjulmand acte I : le grand bain
27 septembre 2017, Mikkel Damsgaard n’a pas encore 17 ans et 3 mois lorsqu’il effectue ses débuts professionnels avec le FC Nordsjælland, lors d’un match de coupe du Danemark contre Vejgaard. Son coach ? Un certain Kasper Hjulmand. Encore. Ou plutôt, déjà. Après avoir quitté le club en 2014 et un passage de courte durée à Mayence, l’ancien arrière-droit est à nouveau intronisé entraîneur du FCN en 2016. Le 26 novembre 2017, Hjulmand lance Damsgaard pour la première fois en championnat : il remplace Jonathan Amon à la 80e minute du match de la 17e journée de Superliga contre Horsens, où son équipe mène déjà 6-0.
Mikkel inscrit sa toute première réalisation en faveur de Nordsjælland à 17 ans, 8 mois et 1 jour. Le 4 mars 2018, son but permet à son club de l’emporter 3-0 sur la pelouse de Randers. Un mois plus tard, alors que le FCN crée la sensation et mène 1-0 à Copenhague, Damsgaard rentre en jeu à 25 minutes du terme, mais se fait exclure un quart d’heure plus tard pour la première (et seule) fois de sa carrière. Et son équipe craque dans le temps additionnel, s’inclinant finalement 2 buts à 1 au Parken.
Auteur d’un but lors de sa première saison en pro, le natif de Jyllinge prend néanmoins une tout autre importance la saison suivante, lors de laquelle il inscrit un but également. Alors que Nordsjælland est confronté à une cadence folle de 13 matchs en 6 semaines au début de la saison 2018/2019 (qualifications de Ligue Europa et championnat), Damsgaard accumule lors de cette période 1 090 minutes jouées sur les 1 170 possibles, disputant 11 de ces rencontres en intégralité.
Mikkel Damsgaard explose les compteurs lors de sa dernière saison au Danemark. À seulement 19 ans, il est un élément indéboulonnable de l’équipe qu’a repris en main Flemming Pedersen. Titulaire à 31 reprises, il trouve la faille 11 fois – autant que son compère d’attaque Mohammed Kudus – et distribue 6 caviars ; des performances qui lui valent de remporter le titre de meilleur jeune de la saison. Le 6 février 2020, l’Unione Calcio Sampdoria officialise son transfert à compter de la saison suivante contre la somme de 6,75 millions d’euros. Il joue finalement son dernier match avec Nordsjælland à Copenhague, le 26 juillet 2020, et clôt une aventure longue de 93 matchs pour 13 buts inscrits et 20 passes décisives, le tout à 20 ans tout juste fêtés.
Ranieri et des racines
20 septembre 2020, première journée de Serie A. Première de Pirlo sur le banc de la Juve, qui accueille la Sampdoria et s’impose 3-0, but de Ronaldo, bref, les regards étaient logiquement concentrés sur cette équipe de la Vieille Dame, et l’entrée en jeu de Mikkel Damsgaard à la place de Morten Thorsby à 20 minutes du terme passe inaperçue. Trois journées de championnat plus tard, la Samp’ colle un 3-0 à la Lazio au Luigi Ferraris. Lancé par Claudio Ranieri à la 68e minute en lieu et place de Jakub Jankto, Damsgaard inscrit le dernier but du match, son premier avec la Sampdoria, d’une frappe venue se loger sous la barre de Thomas Strakosha après l’avoir heurtée. « Je dédicace ce but à tous mes coéquipiers, ma famille, mes amis, je suis vraiment reconnaissant envers eux », lançait l’heureux buteur à la fin du match.
Car oui, Mikkel Damsgaard n’est pas du genre à oublier. Jonas Madsen, son ami d’enfance à la carrière moins glorieuse, l’assurait après la signature de son compère dans le club génois. « Je suis sûr que Mikkel ne deviendra pas ce genre de footballeur arrogant, parce qu’il a toujours été ‘enraciné’. Il a toujours été ouvert et calme. Je sais pertinemment que, où qu’il aille, à Barcelone ou qu’il soit le meilleur buteur de l’équipe nationale, il ne laissera jamais tomber sa famille et ses amis, parce qu’il n’est pas ce genre de personne. Je suis absolument certain qu’il ne changera jamais. » Preuve à l’appui : au lendemain de l’élimination du Danemark en demi-finale de l’Euro, Mikkel Damsgaard s’est rendu à Jyllinge, où des centaines d’enfants ont pu recevoir un autographe du buteur de la veille.
Kasper Hjulmand acte II : le tremplin
Les soirs comme ceux du 11 novembre 2020, Mikkel Damsgaard s’en souviendra. Convoqué pour la première fois en équipe nationale danoise par le sélectionneur Kasper Hjulmand, le même qui l’a lancé en pro à Nordsjælland, le nouveau joueur de la Sampdoria honore sa première sélection lors d’un match amical face à la Suède. Le Danemark l’emporte 2-0 au terme d’un match que Damsgaard dispute en intégralité.
De retour à Gênes, il termine l’année civile en ouvrant le score face à Crotone, un match que le Samp’ remporte 3 buts à 1. Moins décisif par la suite, Mikkel Damsgaard clôt sa première saison en Italie avec 2 buts et 4 passes décisives en 35 matchs (dont 18 titularisations), mais sans contre-performer pour autant. Au contraire. C’est d’ailleurs ainsi qu’il conserve sa place au sein de l’équipe nationale et brille de mille feux pour sa deuxième sortie sous la tunique danoise. En mars dernier, la Danish Dynamite reçoit la Moldavie pour le compte des éliminatoires à la Coupe du monde 2022 et Damsgaard est titulaire. Il éclabousse la rencontre de son talent, s’offrant un doublé sur deux passes d’Andreas Skov Olsen avant d’offrir à son tour deux passes décisives à Kasper Dolberg et Robert Skov. Score final ? 8-0 pour le Danemark.
Avec le poids d’Eriksen
Début juin, l’Euro ouvre ses portes. C’est contre la Finlande que le Danemark entre en lice en alignant un 4-3-3 classique. Mikkel Damsgaard figure sur le banc des remplaçants, les ailes étant animées par Martin Braithwaite et Yussuf Poulsen. On ne redétaillera pas les événements de cette fin de soirée, mais ces derniers forcent Kasper Hjulmand, privé de la touche technique de Christian Eriksen, à revoir ses plans. Exit le 4-3-3, place au 3-4-3 : Jannik Vestergaard intègre la défense à 3 et remplace numériquement l’avant-centre Jonas Wind, tandis que Mikkel Damsgaard, 20 ans, est propulsé titulaire pour pallier la technicité qu’apportait Eriksen.
Le reste appartient à l’histoire. Il ne suffit que de 2 minutes aux Danois pour faire craquer les Belges dès le match suivant. Submergés pendant les 45 premières minutes par les vagues rouges et blanches, les Red Devils s’en remettent à De Bruyne pour renverser le score après le repos.
Folie furieuse
Troisième et dernier match de poule, que le Danemark doit remporter par 2 buts d’écart face à la Russie tout en espérant un revers finlandais face à la Belgique pour assurer sa qualification. Le match est équilibré, jusqu’à ce que la magie ne s’empare de Mikkel Damsgaard : le numéro 14 hérite du ballon aux 20 mètres, plein axe, avant d’expédier une merveille de frappe à la trajectoire imprévisible. Pleine lucarne. Le Danemark mène 1-0 et l’emporte finalement 4-1 au terme d’une soirée de pure folie au Parken.
Jouant un rôle prépondérant dans la qualification du Danemark en quarts de finale en délivrant une passe décisive à Dolberg face au Pays de Galles, puis tenant toujours aussi bien son rang face à la République tchèque au tour suivant, Mikkel Damsgaard fait logiquement partie du onze de départ à Wembley, face à l’Angleterre, en demi-finale de l’Euro.
Damsgaard s’illustre d’abord par une frappe qui frôle la lucarne, puis agite la baguette magique. Les Danois obtiennent un très bon coup-franc, à 25 mètres des buts de Jordan Pickford, légèrement excentré côté gauche. Jens Stryger Larsen s’efface et laisse le soin à son jeune coéquipier de tenter sa chance au but : l’enroulé est somptueux, le ballon passe par-dessus le mur et retombe sous la barre de Pickford, hors de portée du gardien d’Everton. Le Danemark mène 1-0 mais s’incline finalement après prolongations. Son merveilleux Euro prend fin, à l’heure où « Damsinho », le surnom à la consonance brésilienne donné par ses coéquipiers, vient à peine d’éclore.
Et après ?
Mikkel Damsgaard, c’est cette folie, cette capacité à émerveiller le public sur chaque prise de balle. Car celles-ci sont remarquables. Capable d’éliminer dès sa première touche, Damsgaard possède un bagage technique qui lui permet de s’en sortir dans les petits espaces. De plus, sa vision du jeu soulignée nombre de fois lui permet de prendre presque systématiquement les bonnes décisions face au jeu.
Milieu relayeur à Nordsjælland, ailier gauche, numéro 10, faux 9… Mikkel Damsgaard possède aussi l’avantage de maîtriser et connaître les fonctions de nombreux postes. Un atout pour son entraîneur, mais la question mérite d’être posée maintenant : celui-ci sera-t-il Claudio Ranieri à la Sampdoria la saison prochaine ? Rien n’est moins sûr, tant l’enfant de Jyllinge pour ses proches, « Dams » pour son sélectionneur, « Damsinho » pour ses coéquipiers, « Damsgarde » pour un Français lambda (la prononciation exacte en danois à 1:36 de cette vidéo) a impressionné cet été.