Deux fois par semaine, retrouvez votre digest de l’Euro 2020 sur demivolee.com. Aujourd’hui, il est temps de débriefer les demi-finales afin d’avoir toutes les clefs pour le dernier match de la compétition.

L’évènement : L’Angleterre retrouve une finale 55 ans après

Tout vient à point à qui sait attendre. Et que les Anglais auront attendu ! Depuis la Coupe du monde 1966 organisée à la maison, l’Angleterre n’avait plus connu les joies d’une finale de tournoi majeur. Les spectres de la demi-finale de 2018 ont frappé à la porte, bien sûr, mais les hommes de Gareth Southgate connaissaient le film et ont inversé les rôles : ouvrir le score sur coup franc direct avant de perdre 2-1 en prolongation était leur écueil, ce scénario est devenu leur salut.

Contre ce si séduisant Danemark, les Three Lions ont été les protagonistes de la rencontre du début à la fin. Pour ce qui aboutit probablement au meilleur match de leur compétition, les Anglais n’ont pas laissé le luxe aux Danois de s’installer dans le camp adverse. Ces derniers souffraient pour tenter de faire sortir les ballons, tant les menaces de Raheem Sterling et Bukayo Saka pesaient sur leurs latéraux tandis qu’un fort pressing à la perte s’occupait de neutraliser le double-pivot danois, caractérisé par un Thomas Delaney en grande peine.

Pour une sélection qui s’appuie tant sur ses individualités, c’est toujours plus pratique quand celles-ci brillent. Et ça n’a pas manqué hier soir. Harry Maguire a encore failli se muer en buteur tout en restant précieux à la relance et grandiose défensivement. L’autre Harry, Kane, à qui la phase à élimination directe va à ravir, s’est illustré à la création, trouvant cette sublime passe pour Saka sur le but anglais. Raheem Sterling, enfin, continue d’être décisif à chaque match en ayant « provoqué » le but contre son camp et le penalty.

Cela reste donc un match très abouti pour la sélection de Gareth Southgate, même si le cœur du spectateur neutre en dira autrement. En effet, en plus d’avoir éliminé les chouchous de la compétition et empêché le somptueux coup franc de Mikkel Damsgaard d’entrer dans la légende, l’Angleterre a pu par moment donner l’impression de s’empaler, de ne pas pouvoir marquer, puis valide sa qualification sur un CSC et un penalty très litigieux converti en deux temps. Sans parler de l’avantage gracieux de pouvoir être le pays hôte d’une compétition sans pays hôte.

Mais, à tête reposée, impossible de qualifier cette victoire d’autre chose que de méritée. Contraints d’éteindre la lumière dès la 60e minute, les Danois ont rarement été proches de surclasser l’Angleterre. Même un grand Kasper Schmeichel n’aura pas pu fermer les écoutilles jusqu’aux tirs au but.

Le chiffre : La chance azzuri aux audacieux

Mardi, dans ce très beau match entre deux grandes nations du football, l’Italie a décroché sa dixième participation à une finale d’un tournoi majeur (Euros et Coupes du monde). C’est seulement la deuxième sélection à atteindre ce cap, derrière l’Allemagne qui distance tout le monde avec ses quatorze finales. Et si c’était la plus belle finale de l’histoire de la Nazionale ?

On n’a pas l’habitude de voir l’Italie impressionnante offensivement dès le début d’une compétition majeure en plus d’être tournée vers l’attaque et la possession. La Botte s’illustre historiquement par son catenaccio et ses hommages plus ou moins fidèles et réussis, ainsi que par ses débuts poussifs. Problème : la possession, c’est aussi la grande obsession espagnole. Et l’on imaginait assez mal Roberto Mancini mettre de l’eau dans son prosecco, abandonner le ballon, poser le bloc bas et opérer en contres. Non, l’Italie n’est pas revenue à ses classiques. Ce qui, contre cette Espagne encore en rodage générationnel, aurait pu marcher, et avec un scénario similaire.

Ceci étant, l’enjeu du match n’était pas tant la possession que l’utilisation du ballon. On le sait, l’Espagne s’est toujours illustrée dans ce premier domaine, mais plus irrégulièrement dans le second. Mardi, la Roja s’est très bien occupée de ces deux aspects et était incontestablement la meilleure équipe sur le terrain. Mais les Azzuri ne sont pas restés sans réponse.

Presque paradoxalement, puisque dépourvus de Leonardo Spinazzola pour organiser le jeu depuis son aile, les Italiens ont abandonné l’axe pour tout de même s’organiser sur les côtés une fois balle au pied. Le losange espagnol les en a sans doute contraints. Mais, bien que volontaire, la Squadra Azzura aura eu beaucoup de mal à se sortir d’un schéma attaque-défense du fait d’un pressing à la perte rendu impossible par… une perte, justement, trop basse sur le terrain et trop rapide en secondes passées avec le ballon.

En dehors de rares séquences plutôt bien menées, encore depuis les ailes, où le danger parvenait à être créé dans le dos de la défense espagnole, la résistance est surtout venue des transitions. Des sorties de balle qui se symbolisent par Federico Chiesa. D’une superbe frappe enroulée depuis l’entrée de la surface, il expose la fébrilité de la Roja dans sa propre surface et donne l’avantage, contre le cours du jeu, à la Nazionale.

Du reste, les changements de Mancini, probablement sous la contrainte de physiques empruntés, condamnent quelque peu l’Italie à subir les principes espagnols jusqu’à la fin du match. Une égalisation de Morata plus tard, les Azzuri ne pourront plus compter que sur un tir au but de Jorginho pour se qualifier en finale.

Le but : Morata, métonymie de l’Espagne

Ne cherchez pas, tout ce que veut faire, tout ce que veut être l’Espagne figure dans l’action du but d’Álvaro Morata. En décrochage jusqu’au rond central, il reçoit une passe d’Aymeric Laporte qui, en fixation, est encouragé à casser une ligne plutôt que de perpétrer une phase de possession en U. Puis la prise de balle de Morata casse une autre ligne. Arrivé face à Giorgio Chiellini, il combine en une-deux avec un Dani Olmo qui empoisonne les demi-espaces et finit, face au gardien, d’un sang-froid qui ne le caractérise pas forcément. Lui, le mal-aimé, le sans-club, le maladroit, vient de remettre l’Espagne à hauteur de l’Italie. À la hauteur qu’elle méritait.

Car si la Roja était la meilleure équipe sur le terrain mardi soir, c’est grâce à la partition récitée par Olmo et Pedri.

Titularisé en lieu et place de Morata, l’ailier du RB Leipzig représentait le coup tactique de Luis Enrique pour trouver la clef du cadenas italien. Depuis son rôle de faux neuf, il laissait parler sa science de l’espace pour aller gêner le milieu italien dans la zone de Jorginho, là où Leonardo Bonucci ne pouvait le suivre. Avec Pedri, qui n’a raté que deux passes en 120 minutes, il a permis d’instaurer le jeu de position traditionnel à l’Espagne tout en étant très productif en situations de but. Positionné tantôt dans un demi-espace, tantôt dans un interligne, le milieu du Barça guidait le jeu par le pied, avec ses prises de balle et ses transmissions bien senties, comme on l’attend d’un n°8 espagnol, mais aussi avec ses mains, faisant preuve d’un leadership tactique exceptionnel et toujours juste, comme on l’attend moins d’un gamin de 18 ans.

Malheureusement pour la Roja, c’est l’efficacité dans la surface qui péchait cette fois-ci. Et c’est probablement ce que beaucoup retiendront de ce match. Comme pour Morata, il est beaucoup plus tentant de voir ce que l’Espagne fait de mal que ce qu’elle fait de bien. Lorsque le trident offensif mange encore la feuille à 0-1 et se montre incapable de convertir la domination territoriale en avantage au score, on peut facilement oublier à quel point il a fait imploser un milieu italien qui régnait en maître sur la compétition. Et quand Morata manque son tir au but, son égalisation s’évapore avec ses décrochages et permutations si utiles pour craqueler la défense italienne.

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