Deux fois par semaine, retrouvez votre digest de l’Euro 2020 sur demivolee.com. Mais comme la journée d’hier valait bien un Digest à elle seule, on s’est dit qu’un troisième rendez-vous hebdomadaire ne serait pas de trop. Analyse des qualifications de la Suisse et de l’Espagne.
L’évènement : Didier déchante
En cette saison alternant le chaud et le froid, on ne sait plus vraiment comment s’habiller. Didier Deschamps fait visiblement face au même problème. Ce lundi soir, à Bucarest, son équipe de France se pointait au bal revêtue d’un 3-5-2 des jours maussades. Elle est sortie, bien abimée, par la porte dérobée.
Sans dire que la débâcle était prévisible, le sélectionneur aura au moins eu le mérite de voir la supériorité tricolore se déliter quelque peu. En attestent les essais hivernaux et, plus tard, son pas vers le retour de Karim Benzema, puis ses tests de losange et de 3-5-2 pour l’incorporer au onze. Malheureusement, ces essayages préparaient davantage une roue de secours que des pneus tout-terrain.
Arrivé au cœur du tournoi, ce 3-5-2 n’avait pas assez muri. Surtout, il est d’une faute tactique effrayante quand ses postes les plus importants, les pistons, sont occupés par un défenseur central et un milieu de terrain. Si le bricolage s’explique par une cascade de blessures, il eut au moins été préférable d’utiliser une bonne colle. L’animation pèche, aussi. Sans liant, sans fil conducteur, sans esprit conquérant, sans aller chercher haut l’adversaire, l’équipe de France n’a pas pu empêcher la Suisse de déployer son jeu. Et, avec le ballon, elle n’a pas su montrer mieux que quelques temps forts très dépendants des éclats de Paul Pogba entre des séquences inabouties. Alors qu’elle était censée montrer les muscles de la meilleure équipe du monde qu’elle proclamait être, c’est un bien triste tournoi, passée l’illusion de la victoire en Allemagne, que la sélection française nous livre.
Contre la Suisse, la France n’aura bien traité le ballon qu’un gros quart d’heure durant. La marge psychologique acquise sur le penalty arrêté par Hugo Lloris, une première depuis neuf ans, relance une équipe de France déjà embellie par l’entrée de Kingsley Coman dans un 4-4-2 à plat avec Antoine Griezmann à droite. Karim Benzema, dont l’apport au match était déjà intéressant de par ses déviations, signe dans la foulée un doublé éclair. Son contrôle « bergkampien » et sa tête en renard des surfaces donnent l’avantage aux Français. Quinze minutes plus tard, Pogba soigne son énorme match par un nettoyage de lucarne. On tenait le match référence des Bleus, le déclic pour le reste du tournoi. Et puis l’emprise a laissé place à la suffisance une fois le break fait.
D’habitude si habile pour fermer le match, l’équipe de France est retombée dans ses travers de 2021. Pas de maîtrise collective, pas de supériorité physique : si la France étouffait ses adversaires comme un cobra pendant la Coupe du monde, elle n’aura ici qu’eu l’aura d’une couleuvre. Et dans couleuvre, il y a « coule ». Alors que Clément Lenglet, fautif sur le premier but suisse, avait confirmé que sa sélection – tout comme sa première période – était de trop, il est bientôt rejoint par le reste de la défense. Abyssal de fébrilité, trop prompt à se jeter, les deux buts suisses dans les derniers instants du match résument bien le fond de cale inondé du bateau bleu.
L’équipe de France ne connaîtra pas l’ivresse d’un nouveau doublé Coupe du monde – Euro. Ce mardi laisse la place à la gueule de bois et l’équipe de France dans une situation inédite. Vrai échec dans le résultat comme dans la manière, cet Euro est le pire tournoi international de l’ère Deschamps. Tristement habituée aux claques extra sportives et aux reconstructions, la sélection française se trouve ici dans une situation très intéressante. Didier Deschamps tient toujours un groupe d’une qualité exceptionnelle, qui ne sera pas lâché par son public, mais il devra trouver la bonne formule avant les prochaines échéances. Il est désormais l’heure de se tourner vers la suite : le dernier carré de la Ligue des Nations à court terme et la possibilité d’un « back-to-back » en Coupe du monde l’année prochaine.
Le chiffre : Compte en Suisse
Cela faisait 67 ans que les Suisses attendaient ce moment. Pour la première fois depuis la Coupe du monde 1954, la Nati atteint le quart de finale d’un tournoi majeur. Mais c’était un tournoi où les poules laissaient de suite place aux quarts de finales. Pour trouver une victoire suisse dans un match à élimination directe, il faut remonter à la Coupe du monde 1938 et un huitième remporté contre l’Allemagne après… une séance de tirs au but… à Paris. Ça ne s’invente pas.
La Suisse est donc loin d’être un cador européen. Et pourtant, hier, son match n’a rien du petit David renversant Goliath. C’est bien la Suisse qui entame parfaitement la rencontre. Ce sont bien Haris Seferović et Breel Embolo qui sèment le trouble dans la défense tricolore. C’est bien Granit Xhaka qui contrôle l’entrejeu. Enfin, c’est bien la Suisse qui ouvre la marque et s’accroche solidement au score sans se renier.
Si la Nati se laisse quelque peu sombrer dans le doute après que Ricardo Rodriguez a buté contre Lloris sur penalty, et sera punie de trois buts pour son temps faible, elle profite à la perfection du relâchement français auquel Deschamps ne saura répondre pour placer une incroyable remontée. Peut-être inspirée par les Croates quelques heures auparavant, la Suisse recolle à 3-3. Le fruit d’une équipe qui ne s’est pas laissée faire, qui a toujours essayé de poser son jeu même en traversant les turbulences. Au bout du compte, elle réussit à créer du doute chez une équipe si réputée pour sa gestion du money time. La performance est colossale.
La sélection helvétique se paie même le luxe de s’imposer en maître du jeu en prolongations. Là où les finalistes du dernier Mondial avait coulé en fin d’après-midi, les Suisses cherchent à enfoncer le dernier clou dans la croix française. Ils seront les plus à l’aise sur cette période avec, comme au début du match, la science de la supériorité numérique à chaque mètre carré, même si le face à face manqué de Kylian Mbappé aurait pu précipiter la fin de l’histoire. S’en suit une séance de tirs au but parfaitement maîtrisée, car, rappelons-le, rien ne tient de la « loterie » dans cet exercice.
Au lieu de faire porter le chapeau à quelqu’un, tirons-le plutôt à nos voisins suisses, dont la victoire n’a rien d’un hold-up.
Le but : Et Morata ne rata pas
Un centre millimétré de Dani Olmo, un contrôle parfait d’Álvaro Morata pour se mettre sur son bon pied en éliminant le défenseur trop court, et un face à face qui se profile face au gardien. Si vous connaissez le bonhomme et que vous êtes d’un penchant cynique, vous lâchez un rictus et une prédiction : « il le rate ». Il n’a pas raté. Volée limpide sous la barre qui envoie l’Espagne en quarts de finale et efface au passage les innombrables critiques envers le buteur madrilène. Quel beau moment pour retrouver le chemin des filets !
Des prolongations sous haute tension avec un quart de finale à la clef, l’Espagne aurait pu, et dû, les éviter. Mais voilà que concéder deux buts dans les dix dernières minutes était la mode de la journée. Ce match aussi incroyable que prolifique (5-3 pour l’Espagne) avait pourtant mal commencé pour la Roja. Un but contre son camp ubuesque dû à un mauvais contrôle d’Unai Simón sur une passe anodine fait suite à d’énormes ratés espagnols en tout début de match. L’Espagne retrouve cependant peu à peu son rythme et son animation. C’est d’ailleurs remarquable qu’elle ne se soit pas reniée malgré deux matchs parodiques de leur style – de ridiculement stérile, la voilà désormais à dix buts en deux matchs. La Roja efface sa bavure et trouve un 3-1 mérité avant de voir la Croatie arracher les prolongations.
Au début de celles-ci, l’exceptionnelle parade à bout portant de Simón pardonne largement sa boulette. Puis l’Espagne arrive à dérouler grâce notamment à ce but de Morata. Elle retrouvera la Suisse en quart de finale.
Le programme :
Mardi 29 juin 2021
Angleterre – Allemagne (18h, BeIN et TF1)
Suède – Ukraine (21h, BeIN et TF1)