Les joueurs polonais ont fait l’histoire du football français. Car parmi toutes les nations immigrées en France, la Pologne a une place tout à fait à part. Dans  le nord de la France en particulier, les joueurs polonais ont été, en quelque sorte, les apôtres du football.

« Au nord, il y a les corons »

C’est dans les mines que tout commence. Alors, commençons par les chiffres. L’on estime qu’entre le début du football à grande échelle après-guerre et la fin des années 50, près de 10 % des footballeurs étaient d’origine polonaise. Car formé dans l’école de la vie, les footballeurs polonais regorgeaient de qualités. Ce qui n’a d’ailleurs pas changé aujourd’hui. La première était leur disponibilité. Car les Polonais possédaient d’abord l’avantage de ne pas avoir de fortes attaches. En effet, étant souvent stigmatisés, tout comme les autres immigrants, leur forte mobilité permettait à toutes les équipes du coin d’en profiter. De Lens jusqu’à Lille, en passant par Valenciennes et Villeneuve d’Ascq, partout des Polonais disponibles.

Ensuite, l’autre avantage des Polonais était leur courage. Car « dur au mal », c’est le minimum qu’on puisse dire d’un polonais. Ainsi, comme tant d’autres de ses compatriotes immigrés, le grand Raymond Kopaszewski, travaillait à la mine. Et dans la mine, il a perdu lors d’un éboulement une partie de ses phalanges. Combien se seraient arrêtés ? Combien auraient interrompus la pénible tâche ? Mais le dur polonais a continué. Continué à « gagner le pain de sa vie, de l’aurore jusqu’au couchant, toujours bêchant, toujours bêchant ». Même ses débuts de footballeurs n’ont pas empêché le premier grand joueur français de l’histoire. Certes, avoir le premier grand joueur français d’origine polonaise peut paraître quelques peu étonnant. Mais la France est un pays d’immigration !

Mais est-ce vraiment étonnant de voir autant de Polonais dans le championnat de France ? Pas vraiment, au regard de la richesse de l’immigration venue de ce pays. Ainsi, au détour des années 1930, 19 % des étrangers de France étaient polonais. Un chiffre considérable, qui explique ce succès des footballeurs polonais dans l’Hexagone. C’est tout simplement la deuxième nationalité de France !

L’émergence de la PZPN en France

Aujourd’hui, l’acronyme PZPN fait référence à la Fédération Polonaise de Football, la Polski Związek Piłki Nożnej. Mais en 1924, en France, parler de PZPN fait référence à quelque chose de différent : la Polski Związek Piłki Nożnej we Francji. En quelque sorte fédération nationale des footballeurs polonais en France, la branche française de la PZPN va organiser des compétitions avec les clubs comptant au moins trois joueurs polonais ne participant pas aux compétitions de la FFF. Très vite, la PZPN-France va devenir un membre incontournable du paysage footballistique français. De neuf clubs en 1924, elle en compte une quarantaine en 1930 ! Et en octobre 1929, elle sera même adoubée comme membre extraordinaire du Comité Olympique Polonais.

La PZPN-France organise alors un championnat comprenant deux divisions, et décerne chaque année un titre de champion. Avec des clubs au nom évocateurs – Wiktorja Barlin, Urania Nœux-les-Mines, Wisła Hersin-Coupigny, Naprzód Commentry, Odra Commentry, Ruch Carvin, Gwiazda Lens ou encore Polonia Waziers – la PZPN-France va réussir à organiser des amicaux contre les plus grands clubs polonais, à l’aide d’une espèce de sélection nationale des polonais en France, qui s’en ira en Pologne défier le Wisła Cracovie ou le Pogon Lwòw.

Après un passage plus complexe durant la Seconde Guerre Mondiale, en raison notamment des accointances de certains dirigeants avec le Parti Communiste, la PZPN-France va revoir le jour en 1945. Elle compte alors plus de 4000 membres répartis sur tout le territoire national. Cependant, la PZPN-France va s’éteindre en 1950, par un arrêté ministériel invitant tous les clubs licenciés à rejoindre la FFF ou la FSGT. Ce qu’ils feront, parfois à contrecœur. En 1967, la promotion en CFA du KS Polonia Montjoie-Youx rappellera l’espace d’un instant ce que fut le championnat polonais en France.

« Marsz Marsz, Dombrowski »

Mais cette influence ne va pas s’éteindre après les années 1950. En effet, les joueurs venus tout droit de Pologne ou d’origine Polonaise vont continuer à être nombreux. Car après les fils d’immigrés, ce seront dans les années 1970, et ce notamment grâce à l’arrivée d’Edward Gierek au pouvoir en Pologne, des joueurs recrutés directement en Pologne par les clubs français. Bénéficiant d’un rapport qualité-prix plus qu’avantageux, les joueurs polonais vont se multiplier à nouveau dans le championnat de France.

Le seul inconvénient des joueurs polonais à l’époque ? Il faut qu’ils aient plus de trente ans. C’est à cet âge-là qu’Andrzej Szarmach rejoindra l’AJ Auxerre en 1980, et deviendra l’un des joueurs les plus importants de l’histoire du club cher à Guy Roux. Auxerre sera un des spécialistes en France des joueurs Polonais : il y en aura un dans l’effectif chaque saison de 1974 à 1992. Et l’AJA ne sera pas le seul à aligner des Polonais en nombre : Boulogne, Châteauroux ou Lens seront les têtes d’affiche de cette seconde vague d’immigration de footballeurs polonais en France.

Dans les années 1990, la vague de joueurs Polonais en France va diminuer, sans cependant se tarir. Grâce à des joueurs comme Zbigniew Kaczmarek, sept années dans le championnat de France, ou bien Jacek Bak, dix ans entre Lyon et Lens, la Pologne continuera de garder quelques représentants d’envergure dans le football professionnel français. Au moment de leur départ, l’éclosion d’Ireneusz Jelen ou du bi-national Ludovic Obraniak continueront de perpétuer la tradition polonaise en France. Plus récemment, grâce à Rafal Kurzawa, Maciej Rybus ou encore Grzegorz Krychowiak, la Pologne a pu faire flotter ses couleurs sur les terrains de Ligue 1.

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