Chaque mois, des millions et des millions d’euros sont dépensés par des clubs dans des salaires de joueurs n’ayant aucune perspective d’avenir. De quoi nous rappeler qu’un transfert n’est jamais une certitude sportive, qu’importe le nombre de zéros sur l’offre ou le bulletin de paie. Mais une fois l’erreur commise, comment sauver les meubles ?
Pour tout le monde de tout temps
En ce dernier jour de mercato, certains dirigeants s’affairent à conclure le transfert de la pépite qu’ils traquent depuis deux mois. D’autres viennent de se rendre compte qu’il leur manquait un latéral droit remplaçant. Puis, il y a ceux qui promeuvent la cinquième démarque sur certains de leurs joueurs dans l’espoir de vendre les indésirables. Et cet exercice n’est pas à sous-estimer.
Leurs gloires et succès sont derrière eux mais ces joueurs dits « indésirables » restent bloqués dans le même club, et leur salaire conséquent avec. Des gros contrats coincés sur le banc de touche voire en tribune, c’est le cauchemar de tout directeur sportif et, malgré tout, un phénomène qui touche tous les clubs. Du plus modeste au plus cher, il y a les plus moqués (Germain à l’OM ou Yanga-Mbiwa à l’OL), les plus retentissants (Jesé au PSG), ou les plus grandes disgrâces (Özil à Arsenal). Et si certains clubs sont devenus tristement spécialistes de la discipline – on pense à l’ancien loft lillois ou à l’actuel Manchester United avec Smalling, Dalot, Rojo, Romero, Jones, Pereira… –, on constate, avec Boateng au Bayern ou Shaqiri à Liverpool, que cela arrive même aux meilleurs.
Pourtant, ce n’était évidemment pas l’effet escompté lors du recrutement. L’idylle avait peut-être même très bien démarré. Qu’est-ce qui a pu mal tourner ?
Éléments perturbateurs
À moins d’une perte subite de performance suite à une blessure ou tout simplement à cause de l’âge – auquel cas il faudrait plutôt questionner la durée du contrat –, le passage d’un joueur au statut d’indésirable est principalement le fruit d’un changement de circonstances. Et même, bien souvent, d’un changement d’entraîneur. Le joueur peut en effet moins sentir l’affect du nouveau technicien, devenir incompatible tactiquement ou stylistiquement avec lui, voire partir au clash. De son côté, l’entraîneur peut mal percevoir ce « choix d’un autre ». Autant de paramètres qui font fluctuer le temps de jeu, l’utilisation et donc la confiance. D’où le faible nombre de joueurs indésirables chez les clubs stables au niveau de leur staff.
Au demeurant, ce ne serait pas un souci si les deux parties pouvaient simplement se séparer. Le club trouverait de l’argent pour un autre qui conviendrait mieux à son nouvel entraîneur, le joueur rebondirait ailleurs. Or, un footballeur est indésirable justement parce qu’il est très difficile à vendre, et parce qu’il reste.
Tout doit disparaître
Très difficiles à vendre, d’abord, certains joueurs le sont car ils s’accrochent à leur contrat. Ils refusent tout simplement de partir avec le ferme intention de toucher la totalité prévue par leur contrat. Et ce, même si ça signifie, comme pour Mapou Yanga-Mbiwa, un ticket sans retour pour la réserve pendant deux ans, signe ayant double valeur de punition ou moyen de pression et de préservation du moral de l’équipe première.
Très difficiles à vendre, ensuite, car les prétendants sont difficiles à attirer. Il y a d’emblée le préjugé « si le club ne veut plus de ce joueur, c’est que quelque chose ne tourne pas rond chez lui ». Bien qu’il existe un bon nombre de bons joueurs à relancer. Mais surtout, la plupart des indésirables touchent un salaire en décalage avec leur niveau, ou du moins leur production récente. Et rares sont ceux qui acceptent de baisser leurs revenus pour rebondir sportivement – à tort ou à raison. De fait, ces joueurs attirent donc moins de prétendants. Or, pour le club vendeur, moins il y a d’options, plus il se trouve en position de faiblesse et plus il faudra y laisser des plumes.
Sauver les meubles
Sauver les meubles, c’est alors l’expression de rigueur quand un deal tourne mal sportivement. Tandis que le club continue de payer le joueur et d’amortir son transfert, il doit lui trouver une porte de sortie. Si le quasi-pestiféré se trouve dans sa dernière année de contrat, la négociation d’un parachute doré à l’amiable est la solution privilégiée. En effet, les dirigeants voient généralement d’un meilleur œil le fait de racheter la dernière année de contrat autour des 80% du montant prévu, plutôt que de voir le joueur passer l’année au club et en toucher 100%. C’est ce qu’a fait Manchester United pour se séparer d’Alexis Sanchez. Si le club a perdu de l’argent, l’émergence a posteriori de Mason Greenwood depuis le départ du Chilien lui rapportera beaucoup plus sportivement et économiquement.
Néanmoins, l’erreur de recrutement apparaît souvent un ou deux ans après le transfert, si ce n’est immédiatement, et nécessite donc de plus amples mesures pour un indésirable qui a encore plusieurs années à tirer. La plupart des dirigeants ont alors recours au prêt en vue de protéger la valeur marchande du joueur. On cherche à ce que le marché considère toujours que ce joueur sait être bon en le confiant à de nouvelles personnes dans un nouvel environnement. L’opération est cependant à double tranchant et le propriétaire paie toujours au moins une partie du salaire durant le(s) prêt(s). De plus, si le salaire est d’emblée trop élevé, cela limite le nombre de clubs pouvant n’en payer ne serait-ce qu’une partie.
Une solution en amont
Réussir tous ses transferts est impossible. Même le directeur sportif le plus vénéré a ses casseroles. Pour éviter de se retrouver dans des situations aussi étriquées avec des contrats hors de prix, le plus simple reste encore de maîtriser sa politique salariale en amont, avant les propositions de contrat trop risquées. Facile à dire ? Cela résoudrait en tout cas un bon nombre de problèmes. Les sauvetages de meubles seraient plus faciles et, dans les pires cas, moins dommageables. Par exemple, et pour reprendre la volonté de prêter un indésirable afin de protéger sa valeur marchande, comment le faire quand son salaire serait un record pour les seuls clubs intéressés ?
Maintenir une balance salariale saine et équilibrée avec une vision à long terme reste une corde sous-estimée à l’arc des directeurs sportifs, surtout dans un tel climat d’inflation footballistique. Car oui, s’il y a bel et bien des moments où les dirigeants peuvent arrêter les frais, vendre un indésirable relève presque toujours du parcours du combattant et annonce une sévère moins-value.
Le plus simple reste donc de prévenir plutôt que de guérir. Encore faudrait-il, évidemment, que l’objectif principal des parties négociantes d’un transfert soit d’ordre sportif et non pas d’arroser de commissions les intermédiaires.