Trois ans et demi après son arrivée entre Rhône et Saône, Memphis Depay va vraisemblablement, comme il l’avait souhaité, rejoindre un grand club. Capitaine charismatique au talent indéniable, capable de coups de génie dont il a le secret, retour sur le périple d’un lion à Lyon.
La fin du cauchemar au diable rouge
Automne 2016. Un an après son arrivée à Manchester United, Memphis Depay ne joue plus avec Red Devils – seulement 8 petites rencontres lors de la première moitié de saison – et songe sérieusement à quitter l’Angleterre. Giels Brouwer, fondateur de l’agence SciSports (une compagnie qui étudie informatiquement les clubs les plus adaptés aux joueurs selon leurs profils) tient une conférence à Manchester. L’occasion rêvée pour Kees Ploegsma, l’agent du joueur de 22 ans, d’organiser une entrevue pour extirper son joueur de cette expérience qu’il qualifiera comme un « cauchemar » dans son livre.
Après avoir dressé le profil du Néerlandais, les ordinateurs de SciSports affichent les résultats. L’AC Milan, Valence, Schalke 04, l’OM, et l’OL, pourraient correspondre à Memphis. Le dernier cité avait déjà fait part de son intérêt pour Depay à Ploegsma, et, après une affaire rapidement conclue, Memphis signait à l’OL en janvier 2017. Et il ne lui fallait pas plus d’une conférence de presse de présentation pour se mettre les supporters lyonnais dans la poche. « Oui, il y avait penalty sur Nilmar, » a reconnu l’ancien joueur du PSV.
Un lion à cerner
Memphis effectue ses débuts en rouge et bleu le 22 janvier en remplaçant Mathieu Valbuena à la 79e minute de jeu face à l’OM, alors que l’OL mène déjà 3-1. Le 8 février de la même année, il inscrit le premier de ses 57 buts lyonnais face à l’AS Nancy-Lorraine. Trouvé entre les lignes par Maxime Gonalons, Depay ajuste Sergeï Chernik du plat du pied droit et marque le premier des quatre buts lyonnais de la soirée. Impossible pour lui de prendre part à l’aventure en Europa League, puisqu’il a déjà porté le maillot de Manchester United lors de la même édition, pour quelques minutes seulement. Il se contente des matchs de Ligue 1 pour s’adapter à sa nouvelle formation et marque deux doublés : le 26 février contre Metz puis le 12 mars contre Toulouse, où il inscrit un but qui sera probablement le plus beau de sa carrière. Sans même jeter un coup d’œil à la position d’Alban Lafont, il arme un tir de près de 50 mètres qui lobe le gardien toulousain et finit sa course dans le but. Un premier aperçu du personnage.
« I got the stadium screamin’ my name » (Memphis, 2 Corinthians 5:7)
La saison suivante, Memphis est un élément décisif, mais paradoxalement pas incontournable. Il est souvent sur le banc, et c’est d’ailleurs de là que viennent ses éclairs de génie. Le 21 janvier, il remplace Houssem Aouar à l’heure de jeu contre le PSG et fait exploser le Groupama Stadium en nettoyant la lucarne d’Areola dans le temps additionnel. Mi-février contre Villarreal, il sort du banc et marque le but du 3-1 venu de nulle part, sur une demi-volée lointaine qui trompe Sergio Asenjo. Le 18 mars, l’OL doit s’imposer à Marseille pour espérer finir sur le podium. Il remplace Maxwel Cornet et fait taire un Vélodrome bouillant en arrachant la victoire et son arcade sourcilière sur un dernier coup de tête. Enfin, son récital ponctué d’un triplé contre Nice lors de la 38e journée qualifie l’OL en Ligue des Champions et met le Groupama Stadium en feu.
La confiance en soi plutôt que l’arrogance
Lors de la saison 2018/2019, les statistiques de Memphis sont à la baisse – il ne marque que 12 buts toutes compétitions confondues – mais reste l’un des meilleurs créateurs d’occasions en Europe. En revanche, au même moment, avec la sélection batave, il est impressionnant d’efficacité en pointe du 4-2-3-1 concocté par Ronald Koeman. Tant par la passe que le but, Memphis est un élément prépondérant de la réussite des Pays-Bas lors de la Ligue des Nations aussi bien que lors des éliminatoires à l’Euro 2020.
Memphis a toujours dit et assumé vouloir jouer pour un grand club. Au sortir d’un match à Angers en 2018 où il est encore une fois mis sur le banc, il déclare à la fin du match « je mérite mieux que ça ». Il ne s’en cache pas, il veut toujours jouer. « Physiquement, je suis capable de jouer tous les trois jours jusqu’à la dernière seconde. On ne me met pas sur le banc : ni au Sparta (son club formateur), ni à Lyon, ni aux Pays-Bas » déclare-t-il dans son livre Heart of a Lion paru l’année dernière. Si beaucoup veulent faire passer ces propos pour de l’arrogance, il assure de son côté qu’il appelle cela la confiance en soi. La confiance, valeur maîtresse pour Memphis à laquelle il a récemment accordé son dernier clip de rap, 2 Corinthians 5:7, dont le titre évoque le passage biblique « marchons par la foi et non par la vue », une parole qu’il n’hésite pas à mettre en exergue sur ses réseaux sociaux.
Appétit de lion
À l’aube de la saison 2019/2020, alors que le duo brésilien Juninho-Sylvinho prend les commandes de l’OL, le nouveau directeur sportif assure vouloir garder Memphis, à qui il reste deux ans de contrat. De son côté, le Néerlandais demande aux supporters de se tenir prêts pour la « Lion season ». Il ne s’est pas trompé. En 17 titularisations, il marque 13 buts, trouvant notamment le chemin des filets lors de chacune de ses sorties européennes. Puis, le 15 décembre, alors que l’on joue la 25e minute entre l’Olympique Lyonnais et le Stade Rennais, Depay vient prendre quelques instructions auprès de Rudi Garcia. Ce dernier semble lui dire de prendre l’aile gauche. Quelques secondes plus tard, il provoque déjà sur son côté et s’effondre après un contact à l’angle de la surface. Il se relève, difficilement, et finit tout de même la mi-temps en boîtant. Le verdict est terrible : les ligaments croisés sont touchés.
Avec un Euro finalement repoussé en ligne de mire, Memphis est remis sur pied pour la finale de la Coupe de la Ligue et le Final 8 de la Ligue des Champions. En manque de rythme, ses prestations sont logiquement inférieures à celles de ses coéquipiers.
Memphis Tennessee bien l’OL
En trois ans et demi, on aura donc eu la chance de voir Memphis porter 141 fois la tunique au blason frappé du lion pour un total de 99 implications directes dans un but (58 réalisations et 41 passes décisives). Depay aura été plus décisif encore à l’OL qu’au PSV qui l’avait révélé. Outre l’accomplissement d’un attaquant hors normes, l’Olympique Lyonnais a vu, d’un joueur présenté comme difficile à cadrer, mûrir un capitaine, un leader sur tous les fronts. Comme son fils, l’OL a vu grandir Memphis. Il est le seul lion. Vous avez capté, ça ?