Enzo Francescoli, c’est l’histoire d’un Uruguayen ayant marqué l’histoire argentine, française et italienne. C’est l’histoire d’un des footballeurs les plus élégants de sa génération. L’histoire de celui qui représente la madeleine de Proust de nombreux amoureux de ballon rond dont Zinédine Zidane. En effet, le légendaire maestro né à Marseille ne jure que par celui qui a enchanté la ville durant un an. Une courte année qui fait mêler émoi et frustration chez les supporters olympiens. Comment marquer l’histoire d’un club et l’esprit d’un adolescent en seulement un an ? C’est en cela que réside la magie du prince Enzo Francescoli.
Né à Montevideo, c’est chez les Wanderers que Francescoli débute dans le monde professionnel après s’être fait repérer chez les Cadys Juniors. Durant trois ans, la capitale uruguayenne n’a d’yeux que pour ce jeune attaquant qui se joue de ses adversaires avec une grâce rare. Le petit club de Montevideo accède, grâce à son joyaux, à une seconde place en 1980, une quatrième et une cinquième les deux saisons suivantes. Ces trois années ainsi qu’une très belle compétition continentale remportée avec les U20 uruguayens en 1981 lui permettent de signer à River Plate où il va pouvoir prouver au continent entier son talent.
Prince adoubé à River
Sa première saison du côté du Monumental n’est pas très bonne. Malgré cela, il est appelé avec l’équipe d’Argentine pour la Copa America 1983. Il ne marque qu’un seul but durant cette compétition. Mais quel but. D’un superbe coup-franc, il ouvre le score dans une finale serrée face au Brésil de Socrates et Junior. Alors positionné en tant qu’attaquant de soutien, Francescoli réalise tout de même une année en dent de scie. C’est suite à cela que l’entraîneur, Héctor Veira, arrivé à l’intersaison, décide de le repositionner en tant que seul avant centre.
Choix payant puisque la saison suivante est celle de son couronnement. Terminant meilleur buteur de son club avec vingt-neuf réalisations, il remporte le titre de meilleur joueur sud-américain et hérite également du surnom « El Principe« . Lors de la troisième année, il impressionne encore plus car il marque vingt-cinq buts. Quatre de moins que la saison précédente mais en seulement trente-deux rencontres contre quarante-neuf. Ses nombreux exploits permettent aux Millionarios de remporter le championnat.
Après la Coupe du Monde 1986 où son Uruguay se fait éliminer en huitième par l’Argentine de Maradona, il décide de passer de l’autre côté de l’Atlantique. Il pose ses valises à Paris afin de signer pour le Matra Racing. Le club qui fait ses premiers pas en D1 mise tout sur Francescoli et Luis Fernandez sans grand succès. Les trois années franciliennes du prince de Buenos Aires ne sont pas du tout à l’image de ses aventures sud-américaines.
Marseille, l’idylle éphémère
C’est dans la cité phocéenne qu’il va retrouver de sa superbe. Une seule saison va suffire à lui faire reprendre confiance ainsi qu’à marquer les esprits de tout le peuple olympien. Suite à des blessures, aux choix de Gérard Gili et au talent de Chris Waddle, Enzo Francescoli n’est pourtant pas dans les meilleures conditions à l’OM. Tant est qu’il est relégué sur l’aile droite de l’attaque aux côtés du génial Anglais et du goleador français Jean-Pierre Papin. Il dispute toutefois près de quarante rencontres durant cette saison.
Une saison marquée par les gestes de classe de Francescoli qui ont régalé le Vélodrome. Si, aujourd’hui, les supporters de l’Olympique de Marseille estiment autant un joueur qui n’a passé qu’une année dans leur club, c’est justement pour ces illuminations. Ses roulettes, coup-francs ou extérieurs du pied ont fait lever un stade déjà incandescent. Entre virtuosité et élégance, Enzo Francescoli n’a eu besoin que d’une saison pour conquérir Marseille.
Pour cela, un match a énormément compté dans l’esprit du club et de ses supporters : OM-Benfica 1990, soit la demi-finale aller de Coupe des clubs champions. Lors de cette rencontre, l’Europe est tombée amoureuse comme l’Amérique du Sud quelques années plus tôt. Le spectacle qu’il offre ce soir là n’a aucune fausse note si ce n’est son manque de réalisme. Une inefficacité propre à tout l’effectif marseillais qui ne l’emporte que deux buts à un alors qu’il aurait été possible de marquer davantage. Au retour, l’histoire est marquée tragiquement. La virtuosité de Francescoli fait frissonner le Stade de la Luz jusqu’à ce que l’événement connu sous le nom de « la main de Vata » se déroule. Un coup du sort qui met fin à l’aventure d’Enzo Francescoli à l’OM. Une période où le club n’avait pas encore le froid réalisme de 1993 mais était plus enthousiasmant. L’Uruguayen n’y était pas étranger.
L’Italie avant le retour en Argentine
Après avoir conquis l’Argentine et Marseille, le virtuose se devait de faire de même en Italie. C’est notamment lors de ses trois saisons à Cagliari qu’il impressionne. Il part ensuite au Torino pour une seule année qui suffira à enchanter les tifosi. Quatre saisons transalpines où il ne glana pas le moindre trophée, mais peu importe puisqu’il remporta la reconnaissance des supporters des deux clubs ainsi que celle du grand public. Ce dernier n’est pas resté insensible aux gestes de Francescoli.
Après cette pige en Italie, le prince rentre dans son club d’adoption, River Plate. Le Monumental retrouve son idole qui était parti en exil depuis huit ans. Les trois derniers de sa carrières sont magiques. Ils rappellent à l’Argentine le joueur qu’il est et n’a jamais cessé d’être. Entre buts mémorables et dribbles élégants, Francescoli ravit Buenos Aires et fait rêver l’Amérique du Sud entière en remportant la Copa Libertadores 1996. Le prestigieux trophée est l’un des derniers de sa fantastique carrière.
Si Enzo Francescoli a marqué chaque club pour lesquels il a joué, il a construit, au fil du temps, une relation plus que spéciale avec River Plate. Ses six années cumulées passées chez les Millionarios l’ont fait devenir la légende que l’on connait aujourd’hui. La madeleine de Proust de tout supporter de River Plate, de nombreux fans de l’Olympique de Marseille ainsi que des tifosi de Cagliari et du Torino.
Francescoli idole de Zidane
Parmi les supporters olympiens, un a été particulièrement marqué par le touché de balle de l’Uruguayen. Il était alors à Cannes dans le cadre de sa formation mais son cœur était encore à la Castellane. Zinédine Zidane était, en effet, un grand admirateur de Francescoli. « Tout ce qu’il faisait sur le terrain, je voulais le reproduire. J’aimais particulièrement son élégance, et en plus il jouait à l’OM, qui était mon club, je n’avais pas d’autre modèle, » glisse le champion du monde 1998. Le principal intéressé sur la question : « Entendre un joueur de cette trempe, qui était déjà une icône, dire qu’il allait te voir jouer tous les après-midis et que tu faisais ci et que tu disais ça, c’était très émouvant pour moi ».
Zidane n’était pas dans une démarche de fascination mais plutôt dans celle d’appropriation. Il s’est inspiré de tous les faits et gestes de Francescoli. Des élégants dribbles aux frustrants coups de sang. Francescoli face au Chili en 1987, Zidane contre l’Italie en 2006. Des différences physiques notables mais un romantisme balle au pied les rassemblant. Roulette, aile de pigeon ou passement de jambes, le prince faisait tout cela avant Zizou. C’est cependant ce dernier qui récolta le plus de lauriers. Pourtant, il l’a fait sans le crier sur les toits. Ce n’est qu’en 1996, lorsque la Juventus de Zidane rencontre le River de Francescoli que l’on apprend l’admiration que voue le premier au second. Qu’il dort avec le maillot blanc à bande rouge lors des mises au vert. Plus tard, le fils ainé de Zinédine et Véronique se nommera Enzo en l’honneur de l’Urugayen.
Enzo Francescoli, c’est l’histoire d’un joueur ayant marqué plusieurs générations. La sienne tout d’abord grâce à son élégance qui semblait le faire voler sur le terrain. Celle, également, de tous les enfants qui ont vu ses dribbles chaloupés et ses frappes majestueuses. Zinédine Zidane était l’un d’eux. Un des adolescent qui l’admiraient, un des footballeurs qui s’en inspiraient, le seul à le dépasser. Lorsque ses deux coups de casque ont fait chavirer la France entière, Francescoli a dû le percevoir comme sa victoire. Lui, l’Uruguayen, qui n’a jamais pu remporter le si prestigieux trophée. Un palmarès moins fourni que celui de son élève mais une reconnaissance tout aussi gratifiante.