Chaque année, Electronic Arts et Konami sortent leur opus de FIFA et PES. Et chaque année, les mêmes regards médusés sur l’intérêt d’une nouvelle version et la qualité intrinsèque de ces jeux en série demeurent. Pourquoi l’industrie la plus rentable du secteur culturel est-elle incapable de doter le sport roi d’une simulation correcte ?
Armes du crime
Du haut de ses désormais quasi 300 millions de copies vendues depuis le début de la série, le jeu vidéo FIFA est l’un des produits culturels les plus rentables de l’histoire. Et ce, alors que la qualité ne suit plus tellement depuis une bonne décennie. Vendue comme une simulation, l’impression ressentie en est loin lorsque l’on contrôle un à un onze pantins exécutant automatiquement et avec peu de personnalité les actions demandées à l’à-peu-près par l’utilisateur, le tout dans une vitesse de jeu défiant les lois de la physique. Des reproches qui reviennent inlassablement chaque année. Et les versions finales déçoivent rapidement les quelques uns épris d’un regain d’espoir à l’approche de la sortie du nouvel opus.
Le mode de jeu FIFA Ultimate Team, présent au sein de chaque FIFA, n’est pas étranger à cette médiocrité. Cristallisant déjà les critiques pour être un “Pay to win” (payez pour gagner) avec des achats cosmétiques de moins en moins dispensables dans un jeu déjà payé plein pot (60 voire 70€) et engendrés par un cycle de frustration truqué lui valant d’être poursuivi en France pour tromperie et jeux d’argent non réglementés et même interdit en Belgique, ce mode rapporte bien plus à EA que les ventes du jeu standard, ne les encourageant pas tellement à améliorer ce dernier au détriment de la sortie d’une nouvelle collection de cartes brillantes.
PES moi le sel
Si l’essence même de ce que pourrait être la simulation FIFA est gangrenée de l’intérieur par tout son pan “casino”, elle l’est aussi en quelque sorte de l’extérieur par une concurrence bien faiblarde. Depuis 2009, Konami n’a jamais réussi à renverser la tendance et récupérer ses parts du marché. Pourtant, les versions récentes de PES sont prometteuses. Dès les premiers matchs, on sent un rythme et une physique de jeu moins fantaisistes et des animations plus réalistes, plus propres aux footballeurs en question en plus d’une amélioration graphique certaine.
Néanmoins, l’idylle dure peu. Si le joueur survit au manque cruel de contenu aussi bien au niveau des licences (qui sont certes compensées par les créations de la communauté, sauf sur Xbox One) que des modes de jeu, il sera bien vite obsédé par les défauts criants d’une intelligence artificielle qui a tendance à toujours jouer de la même manière ainsi que par l’instable et vide multijoueur. Et s’il se rabat sur l’équivalent du mode carrière, il verra bien assez tôt Lionel Messi venir à Lorient pour 20 millions d’euros. Pas de quoi fidéliser le client toute une année et encore moins pour la suivante.
Amour impossible
Mais finalement, qu’importent les progrès que réaliseront – ou non – ces deux franchises d’un opus à l’autre, on peut se questionner sur la pertinence même du choix vidéoludique de l’omniscience, de l’automatisation et de la vue du dessus pour une simulation de football. Car, après tout, même la meilleure version de ces jeux – et ce n’est pas pour demain – ne serait au fond qu’une sorte de Pong un peu plus sophistiquée à l’apparence footballistique. Ces sagas ne seraient-elles pas, en fait, tout simplement sur le mauvais chemin, non pas marketing, car personne ne donnera de leçon à EA de ce côté, mais vidéoludique, dans la conception d’une simulation de football ?
La tâche semble particulièrement difficile à imaginer. Bien plus, par exemple, que d’imaginer une simulation de sport automobile ou même le pendant footballistique de la simulation de gestion, à savoir Football Manager. En effet, l’option actuelle qui nous offre le contrôle de tous les joueurs comme s’ils étaient nos pions, si elle était une vraie simulation, impliquerait de devoir penser pour dix joueurs de champ à un niveau de prise de décision quasi professionnel. Autant dire que si vous avez ce talent, passez plutôt des détections au lieu de jouer à la console.
Une autre option, plus accessible, serait de ne contrôler qu’un seul joueur. FIFA le propose théoriquement déjà, sauf que ni le gameplay et ses défauts, ni l’automatisation générale, ni le champ de vision ne changent.
Pas de salades
Dans les deux cas, il faudrait que le ballon soit aussi volatile que dans la vraie vie, là où il n’y a dans ces jeux aucun effort à réaliser pour que la balle colle aux pieds. Cela donnerait des passes à ajuster avec autant de rigueur que dans la réalité et une attention tactique ET technique de tous les instants notamment pour le positionnement. Ce jeu de football hypothétique se rapprocherait alors de l’idée du football et de son essence : le toucher de balle. Par conséquent, il faudrait un moteur de jeu se rapprochant des jeux d’aventure à la troisième personne, où les gestes contextuels que sont les coups de poing et les assassinats deviendraient des passes et des tacles.
Cette description de ce qu’on pourrait attendre d’une simulation de football n’est encore trouvable nulle part sur le marché. Néanmoins, un candidat inattendu dans ce registre s’en approche : Rocket League. Développé par Psyonix, ce jeu de football, bien que pratiqué à bord de petites voitures, procure de fait des sensations bien plus proches de celles ressenties sur un terrain que toute l’expérience FIFA et PES réunis. De plus, même si ce n’est pas la priorité d’EA, sa scène esport est bien plus développée et intéressante grâce au spectacle offert par les potentialités d’actions plus nombreuses et moins stéréotypées. Presque malgré lui, Rocket League n’est autre que le meilleur jeu de football du catalogue. Il ne manquerait plus qu’à y appliquer une apparence footballistique avec des humains, des licences et un ballon taille réelle.