Lorsque l’idée d’un Dieu unique fit son apparition dans les esprits de quelques prêcheurs, ils ne pensaient sans doute pas avoir autant de succès. Mais l’Homme, fruit de l’union charnelle, est capable de reproduire les schémas qu’il trouve beau et délicat, facile à comprendre et rapide à apprendre, avec une facilité déconcertante. La Cité des Hommes est celle-là même, où le football est prépondérant et ne trouve aucun obstacle à sa reproduction.

Transcendantal

La Cité des Hommes connaît le football dans sa plus grande candeur. Dans une splendeur ultime, parée de blanc, de mauve et de pourpre. Avec des reflets alcalins sur les bords. Le goût de l’air est craquant comme des grains de café torréfiés. Comme des graines d’amarante rôties au four. C’est cette douce saveur, si délicate, si émotionnelle, qui nous rappelle le football. La Cité des Hommes sait reconnaître en quelle matière va se former la cognition, espace inscrit dans un temps trop profond pour être appréhendé par un Homme seul.

« Une connaissance est dite a priori, si elle est indépendante de l’expérience, a posteriori, si elle en dépend ». 

Un mot d’Emmanuel Kant, comme un autre pourrait l’avoir dit, mais qui résonne différemment. La connaissance que nous avons du football, à défaut d’être certaine, est heureuse. Car vivante. Et la vie est toujours accès au bonheur. Aucun individu, aucun animal ne vit pour être malheureux. Le seul état qui ne vise pas au bonheur est celui de la survie. La survie, « überleben » en allemand, c’est vivre par-dessus la vie. Car nous avons tous la liberté. Liberté même parfois cachée : Sartre n’écrivait-il pas que nous n’avions jamais été aussi libre que sous l’occupation ? La liberté est parfois là où nous ne la voyons pas.

Vie dangereuse

L’Homme est capable de mourir par sa propre main. C’est quelque chose de très étonnant. Car le suicide est quelque part un moyen de ne pas voir les choses en face. Et c’est aussi une négation de la mort que de se tuer. En effet, la vie, comme tendance néguentropique permanente à lutter contre la destruction et la désorganisation de la matière induite par l’entropie universelle, ne fait pas de sens si elle est niée. Car cela revient à un geste sans but. Si, nous l’avons vu plus haut, mourir – se tuer – est une voie d’accéder à une forme de bonheur, cela ne veut pas dire que ce dernier est atteint. Car la mort par suicide va attrister les être aimés. Et donc, dans un sens, aller à l’encontre du but visé. En effet, le but est le bonheur individuel. Et le bonheur est aussi combinaison du bonheur des êtres chers. Celui-ci étant bafoué, alors c’est un échec. En effet, le bonheur d’un mort, d’un cadavre, n’est pas. On ne peut pas parler de bonheur pour un amas de chair en décomposition.

Le bonheur est donc quelque chose d’entièrement lié à la mort. Car la mort n’est qu’un état supérieur de vie. Un état, je peux même l’écrire, qui touche à la transcendance. C’est dans cet état de bonheur que nous oublions que nous sommes mortels. C’est pour cela qu’il peut être intéressant de rechercher cet état de bonheur en toute circonstance. « Glücklich », dit-on en allemand pour désigner cet état de bonheur. Il y a à la fois le préfixe « Glück », la joie, et le suffixe « lich », qui signifie la plénitude de cette action. Les allemands ont mieux compris que nous ce que représente le bonheur : ils peuvent en effet exprimer cela à la façon d’une jauge qui se remplit petit à petit.

Ainsi est la Cité des Hommes. Avec le football comme roi.

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)