En regardant l’un et l’autre, les comparaisons fusent. Mais assez étonnamment, la médiatisation des sports traditionnels a, en dehors des chiffres, davantage à envier à celle de l’esport que l’inverse. Voici quelques aspects sur lesquels la grande sœur doit copier la petite.
Un écart culturel pas si grand
Un monde semble séparer l’esport – ou les esports – des sports traditionnels. Les plateformes ne sont pas les mêmes. Les chiffres ne sont pas les mêmes. Les joueurs sont des pseudonymes. Les équipes ne sont pas des villes. Et regarder une compétition de jeu-vidéo sans jamais n’y avoir touché de sa vie se fait dans la plus grande incompréhension. Voilà pour les apparences. En réalité, et en omettant le si peu intéressant débat « l’esport, est-ce du sport ? », les deux mondes se rejoignent. Entraînement, exigence, tension, mercato, supporterisme, trashtalk, formats de compétition, l’amateur de sport ne sera pas dépaysé par l’industrie esportive.
De fait, la médiatisation de l’esport tend vers le même schéma. Se professionnalisant en même temps que les joueurs et les infrastructures, elle a bien sûr puisé dans ce que ceux qui racontent le football, le basketball, etc. faisaient. Et comme nous allons le voir, l’élève dépasse le maître sur certains aspects assez frappants lorsque l’on connaît les deux mondes.
Des offres premium qui ont du sens
Football, basketball, tennis, rugby : même combat. Le téléspectateur paie pour obtenir le droit de regarder tel ou tel championnat. L’esport n’a quant à lui pas la popularité suffisante pour justifier des millions d’euros de droits télévisuels et donc un abonnement pour y accéder. Tout est gratuit, en clair, par les voies de streaming les plus classiques d’internet. Néanmoins, la frénésie de l’abonnement pour générer plus de revenus n’a évidemment pas échappé à l’esport, et les éditeurs, quand ils en proposent, doivent motiver l’achat par un contenu bien plus développé qu’un simple accès au flux, puisque celui-ci est gratuit. Vue subjective, vue multi-angles, statistiques plus poussées, la valeur ajoutée est réelle.
Adapté au football, où la différence brute entre un match en clair sur TF1 et le match crypté du dimanche sur Canal + est ténue, ce type d’offre pourrait-être un investissement supplémentaire à fournir pour le spectateur ou même un argument « offert » avec l’abonnement lorsque, par hasard, un diffuseur chercherait à vendre un peu mieux sa Ligue 1 pour 25 euros mensuels. La vue subjective est pour l’instant inenvisageable – même si l’on ne mettrait pas sa main à couper qu’elle ne le soit jamais – mais un accès à la demande à la caméra grand angle du stade, à la chronologie, au mixage du son ou avoir la possibilité de se la jouer réalisateur et de changer soi-même les caméras opposées serait une expérience intéressante pour le spectateur de football.
Le goût de l’explication tactique
Un autre aspect sur lequel la jeune industrie semble être en avance sur son aînée concerne les analyses tactiques des parties professionnelles de jeux-vidéo, où, évidemment, rien n’est laissé au hasard. Si vous êtes vous-même féru de tactique footballistique et joueur d’un jeu esportif, le traitement de la stratégie pourra rendre quelques commentaires footballistiques entendus çà et là, fades.
Certes, les télévisions veulent parler au plus grand monde et ne s’adressent pas, contrairement aux web-télévisions esportives, uniquement au public niche qui joue et connaît déjà le jeu en question. Certes encore, il semble plus naturel de s’attarder sur la stratégie des professionnels en commentant un jeu de… stratégie. Mais les émissions purement tactiques sans être trop élitistes telles que la Data Room manquent au football. Surtout, c’est sur l’analyse du jeu en direct que l’écart se creuse entre les deux médiatisations. Quand l’une analyse chaque mouvement comme lors d’une partie d’échec, l’autre nous parle davantage de rumeurs, de niaque et d’envie. Comme si le football était un jeu dénué de stratégie.
Bref, par soucis de concurrence, l’industrie de l’esport s’est mise en tête de faire comme à la télévision, mais en mieux. Et alors qu’au football, les droits TV explosent en même temps que les porte-monnaie des consommateurs et que les IPTV deviennent le nouvel ennemi, rendre l’ascenseur avec une amélioration du contenu proposé pourrait être une bonne idée.