On ne dirait pas, comme ça, avec le calendrier actuel, mais l’almanach habituel du joueur de l’élite du football professionnel est très garni. Trop, même, au point pour nous, amateurs de football, de militer pour une diminution du nombre de matchs.
Quand ‘y en a plus, ‘y en a encore
La surcharge des calendriers dans le football a beau être un sujet récurrent pour diverses raisons, les réformes et inventions, récentes ou à venir, sont loin d’aller dans le sens d’une accalmie. Le constat est simple. Expansion de la Ligue des Champions pour quatre jours de matchs supplémentaires, création d’une C3 avec la Conference League, réflexions autour d’une Coupe du monde des clubs nouvelles formule à la sauce Ligue des Champions, élargissement de la Coupe du monde de 24 puis 32 et jusqu’à 48 équipes, suppression des matchs amicaux pour la Ligue des Nations ; tout est bon pour générer plus de matchs afin de percevoir plus de profit.
Seulement, quelqu’un doit bien les disputer, ces matchs empilés les uns à la suite des autres. Et c’est là que le bât blesse. Alors que ces réformes successives ont été décidées par des cadres plus proches des comptes dans le vert que du rectangle vert et dont les intérêts sont purement commerciaux, les compteurs s’affolent pour les principaux acteurs du football : les joueurs. Dans un rapport publié l’été dernier, la FIFPro tire la sonnette d’alarme.
Boulot, boulot, boulot
Le syndicat international des joueurs professionnels met notamment en avant le calendrier d’Heung-Min Son. Le Sud-Coréen affiche un résultat record de 78 matchs joués de juin 2018 à juin 2019. 25 d’entre eux furent disputés sous le maillot de sa sélection nationale, de la Coupe du monde aux Jeux Asiatiques en passant par la Coupe d’Asie. Plus inquiétant, le finaliste de la Ligue des Champions a logiquement participé à 56 de ces 78 matchs avec moins de cinq jours de repos dans les jambes. On lui compte en effet, toujours sur cette période, 22 jours de coupure l’été et… aucun l’hiver, boxing day oblige. Et quand il ne joue pas, Son passe une bonne partie de son temps dans l’avion, puisque le rapport de la FIFPro lui attribue 110 600 kilomètres parcourus avec sa sélection.
Heung-Min Son est l’extrême exemple pris par le syndicat. La FIFPro présente ensuite le même procédé avec un échantillon de joueurs internationaux. Pour cette quinzaine de joueurs, le nombre de matchs se situe entre 49 et 73 rencontres en un an, pour une moyenne de 61. L’association pointe surtout la part de matchs joués après moins de cinq jours de repos, qui reste très souvent largement majoritaire. Elle complète de plus son point de vue par un sondage déclarant qu’un joueur sur deux disputant entre 50 et 60 matchs par saison pense qu’il joue trop, et que 85% des joueurs en général sont favorables à une quatorzaine de pause à la mi-saison.
En outre, la FIFPro alerte sur une scission entre « deux mondes professionnels » chez les footballeurs. Ceux qui jouent des rencontres internationales d’un côté, ceux qui ne quittent pas le monde des clubs de l’autre. Scission qui se mesure là aussi selon les indicateurs du nombre de matchs joués et du repos entre ceux-ci.
Offre et demande
Alors en quoi cela nous concerne-t-il, pourrions-nous légitimement nous dire ? Les joueurs n’ont qu’à faire valoir leurs droits eux-mêmes grâce à leurs syndicats, on ne va pas les plaindre. Ce n’est certes pas une injustice prioritaire à combattre, mais les conséquences de cette surcharge sur le jeu que nous aimons sont aussi multiples que néfastes. Il y a d’abord, évidemment, le bien-être des joueurs. Leur fatigue, morale ou physique, leur exposition aux blessures et leur capacité à tenir bon tout au long de leur carrière influent grandement sur la qualité du football que nous achetons.
Et puisque nous sommes les cibles commerciales de ces calendriers surchargés, c’est aussi à nous d’intimer aux dirigeants de revoir leur copie. Les motivations économiques de ces réformes pourraient en effet être prises à leur propre jeu. D’une part, parce que la surcharge ne fait pas bon ménage avec la qualité. Un surplus de matchs signifie des matchs joués fatigués ou lassés, et donc de mauvaise facture, de quoi faire fuir les clients. D’autre part, ce retrait de l’exceptionnalité des grandes affiches atténuerait l’engouement autour d’un clasico, par exemple. De quoi, là encore, lasser la clientèle.
Cap ou pas cap ?
Si la demande ne se charge pas de réguler l’offre, alors l’accalmie – et la qualité sportive qui l’accompagne – pourrait venir des « ouvriers » eux-mêmes. Outre les sondages auprès des principaux concernés allant dans le sens des constatations de la FIFPro, certains dirigeants et entraîneurs mais surtout joueurs se sont publiquement exprimés sur la problématique. Quand Giorgio Chiellini déclare le besoin d’être protégé de ces « programmes excessifs », Vincent Kompany propose tout bonnement un nombre plafonné de matchs auxquels un joueur peut participer en une saison. L’ancien capitaine des Citizens précise même « qu’il n’y a d’autre solution, sans quoi nous aurons bientôt probablement 100 matchs à jouer. »
La FIFPro demande de l’envisager mais, en guise de solutions moins radicales, ponctue son rapport d’autres préconisations en apparence plus simples à tenir. La première est l’instauration et le respect de deux véritables pauses sans football, longues de deux semaines en hiver et de quatre en été. Un bousculement du calendrier qui se ferait sans congestionner les périodes jouables, puisque la deuxième doléance souligne le besoin de limiter les matchs successifs ne permettant pas un repos de cinq jours. Enfin, le reste des recommandations se résumerait en un changement de perspective. Plutôt que d’envisager les calendriers par club, le syndicat privilégie de les considérer par joueur. En découleraient donc un temps de jeu mieux réparti, des dispositions spéciales aux joueurs internationaux quant à leurs longs voyages et un système analytique et syndical plus présent pour mieux gérer fatigue et repos.
En attendant, une chose est sûre : les demandes des uns – syndicats, staffs, certains dirigeants – entrent en conflit avec les demandes des autres – instances, diffuseurs, d’autres dirigeants. L’avenir est donc entre les mains du consommateur.