La problématique ressurgit brusquement avec l’actualité entre les demandes des clubs aux joueurs de baisser leur salaire et les différentes œuvres de charités. Les joueurs doivent-ils faire preuve d’exemplarité ?
Image et mimétisme
Ce devoir d’exemplarité est intimé aux footballeurs par deux biais. Le premier, et il est normal, c’est l’image de marque qu’ils représentent sur le terrain, où ils sont filmés et où ils exercent la partie publique de leur métier. Le second consiste justement en le caractère publique de leur activité. Une activité qui plus est très médiatisée et admirée : la moitié de la planète était devant la finale de la Coupe du monde. Du point de vue du club, de la ville et de la nation qu’ils représentent, les joueurs de football semblent donc bien avoir un devoir d’exemplarité dans l’exercice de leurs fonctions, en témoigne la honte que les joueurs de l’Équipe de France ont pu générer lors de la qualification et la tenue de la Coupe du monde 2010.
En plus de l’image et de la représentativité, ce devoir d’exemplarité vient aussi du fait que les footballeurs sont littéralement des exemples. Inévitablement, fédérer une population autour de soi génère l’admiration et l’envie – dans le bon sens du terme – de sa plus jeune génération. Ces enfants s’identifient à des stars parfois à peine majeures, miment leurs gestes techniques sur le terrain, veulent devenir « comme eux ». Ce phénomène s’illustre bien par le port de maillots floqués des noms des joueurs professionnels. Le footballeur devient alors un modèle scruté, copié. Cela vaut aussi bien pour ses dribbles que pour, hélas, ses sauts de comportement, qu’il a comme chaque humain.
Bien sûr, un enfant ne va pas se jeter d’un pont si son joueur préféré venait à le lui dire, mais les joueurs sont ainsi devenus des symboles qui jouent un petit rôle dans l’éducation – au moins footballistique, on peut penser aux comportements vis-à-vis des arbitres par exemple – des enfants, en étant tout bonnement leur modèle.
Hors du rectangle vert ?
Si tout le monde s’accorde à dire qu’insultes et bagarres n’ont rien à faire sur un terrain de football, l’extension de ce devoir d’exemplarité en dehors du rectangle vert reste plus discutée. Car autant la vie privée de ces jeunes adultes ne regarde pas la société tant qu’elle respecte la loi, autant les joueurs restent des exemples pour les jeunes. Bien sûr, en tant que personnalités publiques, ils doivent assumer leurs propos, sorties, comportements et peuvent être, comme tout le monde, critiqués. Mais, justement comme tout le monde, ont-ils pour autant le même devoir d’exemplarité en vacances ou dans la rue ?
Plus la frontière entre hors et sur terrain est floutée par une médiatisation à outrance du moindre fait privé « critiquable » d’un footballeur, plus leur moralisation semble intrusive et malvenue. Hors de leur métier, les joueurs agissent et s’expriment en leur nom et ne devraient pas forcément répondre d’un tribunal médiatique qui tend à s’éloigner toujours plus du ballon rond.
Quant aux affaires actuelles de baisses des salaires des joueurs, elles sont bienvenues moralement mais doit-on vraiment blâmer les plus réticents ? D’une part, tous les salariés n’ont pas baissé leur salaire, et cela s’entend parfaitement, bien que les footballeurs professionnels soient en capacité de diminuer leur train de vie quelques mois. D’autre part, ces retenues sur le salaire ne servent pas une cause plus charitable que celle d’amortir la crise pour des clubs de football, pas une épicerie familiale. Clubs qui sont eux-mêmes très critiquables sur le plan moral de leurs habitudes de travail, pourtant beaucoup moins discuté publiquement.