Le nom de Marco Rose est de plus en plus retentissant en Allemagne. En moins de trois ans, il est passé d’entraîneur U18 à un manager jouant le titre de Bundesliga avec le Borussia Mönchengladbach. Comment est-il devenu l’un des coachs les plus prometteurs d’Allemagne et sans doute d’Europe ? Retour aux sources…
Jürgen Klopp, Thomas Tuchel, probablement les deux entraîneurs qui viennent à l’esprit lorsqu’on évoque les coachs allemands. Et pourtant, ils sont loin d’être les seuls allemands à s’élever sur les bancs de Bundesliga et à connaître le succès. Julian Nagelsmann, Niko Kovac ou encore Marco Rose. Ils sont nombreux à avoir profité de la confiance qu’offre le football allemand aux nouvelles générations d’entraîneurs pour se faire un nom.
C’est ainsi que, une fois n’est pas coutume, nous allons nous pencher sur le cas Marco Rose, encore peu connu en France, mais qui ne cesse de surprendre et faire parler de l’autre coté du Rhin. Jouant les premiers rôles avec le Borussia Mönchengladbach en Bundesliga, il n’est sans doute qu’une question de temps avant de le voir occuper le banc d’une grosse écurie européenne. Alors profitons des quelques mois ou années qu’il nous reste avant que la hype franchisse les frontières, pour jouer aux hipsters quelques instants. Qui est Marco Rose ?
Marco Rose, un joueur de football pour commencer
Marco Rose est un enfant de Leipzig, né à l’est du pays sous l’ancienne RDA en 1976. Il fait toutes ses gammes footballistiques dans sa ville natale. Il connaît sa première expérience professionnelle à l’âge de 19 ans au poste de latéral gauche, avec le VfB Leipzig (devenu 1. FC Lokomotiv Leipzig) en 2.Bundesliga. En 2000, il rejoint un club plus prestigieux : Hanovre 96 en deuxième division. Le club parvient à monter en Bundesliga au bout de deux saisons, mais Marco Rose reste dans l’antichambre, puisqu’il est prêté à Mayence 05 dans la foulée.
Son prêt est prolongé pour la saison 2003-2004. Sous les ordres d’un certain… Jürgen Klopp, il contribue une nouvelle fois à une promotion en Bundesliga et cette fois-ci c’est la bonne, le club finit par engager Marco Rose.
Le défenseur allemand fait ses premiers pas dans l’élite à l’âge de 28 ans, mais au cours de la deuxième partie de saison 2004-05, Rose est relégué en doublure de Benjamin Weigelt par Klopp. Il parvient à reprendre sa place de titulaire un an plus tard, mais il est déjà âgé et peinera à devenir un indiscutable dans le système de Jürgen Klopp.
Lors de sa dernière saison professionnelle (2009-2010), le staff de Mayence est dirigé par Thomas Tuchel qui fait ses premiers pas sur un banc professionnel. 8 ans plus tôt, c’est l’actuel coach de Liverpool qui vivait le même scénario. Sur les 20 dernières années, Mayence 05 a lancé de nombreux novices sur son banc grâce à un seul homme : Christian Heidel, ancien directeur sportif du club.
Reconversion à Mayence
Avant de prendre sa retraite, Rose effectue une ultime saison avec la réserve de Mayence 05. En même temps, il devient entraîneur adjoint de Martin Schmidt pour l’équipe 2 de Mayence. Il collabore également avec Thomas Tuchel au cours de la saison suivante pour faire le lien avec l’équipe sénior. Rose n’aura pas la même faveur que Klopp et Tuchel, sachant que ce dernier était toujours en poste et obtenait des bons résultats.
En 2012, il tente de prendre son envol en revenant dans sa ville de cœur, il est nommé entraîneur principal au 1.FC Lokomotiv Leipzig. Mais cette première expérience ne se déroule pas comme espéré, les résultats sportifs ne sont pas bons et le club connaît de grosses difficultés financières. Marco Rose quitte le club à l’issue de la saison pour un nouveau défi : conquérir l’Autriche !
L’ancien latéral gauche quitte l’Allemagne en ayant engrangé beaucoup de savoir-faire en l’espace de quelques années. De Jürgen Klopp à Thomas Tuchel, en passant par Martin Schmidt, il a pu travailler avec des entraîneurs très talentueux. Idéal à l’aube de lancer sa propre carrière d’entraîneur ?
Le duo Rose-Maric
En 2013, Rose rejoint le Red Bull Salzbourg, il va au préalable passer par la case « formation ». Le club autrichien lui confie ses U16. Très rapidement, il est promu chez les U18.
Durant son passage dans cette catégorie, il est soucieux de bien s’entourer. Il fait ainsi la connaissance de René Marić (23 ans à l’époque) en 2016. Ce dernier s’est fait connaître sur le web grâce à ses chroniques tactiques sur le site Spielverlagerung.de. Le jeune rédacteur acquiert une notoriété dans le milieu du foot, on apprend que Thomas Tuchel à Mayence, lui demandait d’analyser ses adversaires au cours d’une saison. Alors que Marić coache au niveau amateur, il noue une amitié avec Rose. Le Red Bull Salzbourg lui propose un contrat pour en faire l’adjoint de Rose en U18. Les deux hommes ne le savent pas encore, mais leur association va changer à jamais leur carrière !
L’alchimie entre Marco Rose et René Marić va rapidement porter ses fruits, ils remportent l’édition 2016-17 de la Youth League. Le jeu pratiqué par les U19 du Red Bull Salzbourg a été très encensé, notamment pour sa vocation offensive, sa capacité à presser très haut. Un football intense.
Crédit photo : t-online.de
Rose au sommet de l’Autriche
A l’issue de la saison, Oscar Garcia – entraîneur principal de l’équipe première du RB Salzbourg – quitte le club et rejoint l’AS Saint-Etienne. Conscient du talent de la doublette Rose-Maric, le Red Bull Salzbourg prend le pari de leur confier le banc. Un coach de 40 ans accompagné par un adjoint de 24 ans, cela symbolise assez bien les initiatives du Red Bull dans le football : ils n’hésitent pas à casser les codes pour activer de nouveaux leviers. Ils avaient par exemple déjà révélé Adi Hütter qui a ensuite fait son trou en Bundesliga avec l’Eintracht Francfort.
Pour sa première saison en tant que coach professionnel, Marco Rose remporte le titre de Bundesliga autrichienne avec 13 points d’avance sur le poursuivant et notamment une moyenne de 2,25 buts par match. Le coach allemand va rentrer dans l’histoire du club en emmenant le club de Salzbourg en demi-finale d’Europa League (2ème plus grosse performance européenne de l’histoire du club). Le club autrichien échoue au pied de la finale face à l’Olympique de Marseille, malgré une victoire 2-1 au match retour. Autre déception, Rose perd la finale de la coupe nationale contre le SK Sturm Graz durant les prolongations.
Marco Rose bat un record la saison suivante (2018-19), le Red Bull Salzbourg devient le premier club de Bundesliga autrichienne à remporter les 10 premiers matchs de championnat.
Rose réalise cette fois-ci le doublé (Coupe nationale et Championnat) et va jusqu’en 1/8 de finale d’Europa League, éliminé par le Napoli. L’équipe du coach allemand aura une fois de plus fait bonne figure, mais malgré une victoire 3-1 à domicile au match retour, la défaite 3-0 à San Paolo aura condamné les autrichiens.
Come-back gagnant en Allemagne
En quête d’un nouveau challenge après avoir remporté trois titres en deux saisons et en allant jusqu’en demi-finale d’Europa League avec le Red Bull Salzbourg, Marco Rose quitte le club.
Le 10 avril 2019, il est officialisé au Borussia Mönchengladbach avec son adjoint et ami René Maric. Rose fait son grand come-back en Allemagne avec beaucoup plus d’expérience (et de cheveux de blancs, au passage) que lorsqu’il quittait Mayence et l’Allemagne.
Si la saison 2019-20 n’est pas achevée, le Borussia Mönchengladbach aura eu le temps de surprendre en Bundesliga. Notamment entre novembre et décembre où le club allemand va réaliser six victoires en sept matchs, dont des victoires références (AS Rome et Bayern Munich). Les hommes de Marco Rose vont même connaître la première place à l’issue de certains week-ends.
Actuellement, le Borussia Mönchengladbach pointe à la quatrième place à six points du Bayern Munich, leader de la Bundesliga. A neuf journées du terme du championnat, Rose avait encore toutes les raisons de croire au titre, ou tout du moins espérer grapiller quelques places, sachant que le Bayern Munich et Leipzig sont (en théorie) encore engagés en Ligue des Champions. En attendant, le club résident de Mönchengladbach tourne à près de 2 points par match. Une très grande performance à l’échelle du club.
La campagne européenne du Borussia laissera quelques regrets. Dans un groupe très serré en Europa League, le club allemand termine à la troisième place, à deux points du leader. Néanmoins, on peut largement relativiser, jouer sur tous les tableaux avec un effectif assez limité était très difficile.
Après deux très bonnes saisons avec le Red Bull Salzbourg, Marco Rose a réussi à faire du Borussia Mönchengladbach l’équipe surprise de la saison en Bundesliga. Simple coïncidence ou génie tactique ?
Philosophie Klopp ou patte Tuchel ?
On le rappelle, Marco Rose a joué sous Jürgen Klopp, terminé sa carrière professionnelle avec Thomas Tuchel comme entraîneur, est devenu l’adjoint de Martin Schmidt à la réserve de Mayence avant de pouvoir intégrer le staff de Thomas Tuchel. Pouvait-il espérer une meilleure formation avant de lancer sa carrière professionnelle ? A-t-il plus tiré de Klopp ou de l’actuel entraîneur du PSG ?
Lorsque la question lui est posé, il préfère couper la poire en deux. Rose n’a jamais caché s’être inspiré de Klopp et Tuchel avant de démarrer sa carrière d’entraîneur : « Tuchel et Klopp sont des entraîneurs exceptionnels à leur manière, j’ai emporté avec moi les choses qui m’attiraient particulièrement. Après, il faut rester authentique (avoir son propre style; ndlr) ».
Le rôle du staff
La première chose que l’on peut relever sur la philosophie de Marco Rose, c’est qu’elle n’est pas calquée sur des idées préconçues. Et lorsqu’on évoque cela, on est obligé de parler de René Maric, le bras droit du coach allemand.
Dans une interview accordée au média américain Athletic (traduit par La Grinta), René Maric nous livrait sa vision sur le rôle du staff :
« Vous pouvez commencer avec certaines idées de la façon dont vous allez jouer. Puis, l’adversaire réagit, change la façon dont il récupère la balle ou se replie, et vous devez changer en réaction. Et, cela n’arrive pas toujours à cause de l’entraîneur, non plus. Parfois, un joueur réalise qu’il doit être à quatre mètres à gauche pour combler un écart et par ce simple acte, il résout un problème pour son équipe et en crée un nouveau pour l’adversaire. Il y a des décisions infinies prises dans un match de football. Il est impossible pour l’entraîneur de prendre ces décisions pour les joueurs. Mais nous pouvons leur donner une ligne directrice ou un « solution space » à travers des principes qu’ils doivent percevoir, déterminer et exécuter sur le terrain. »
Vous l’avez compris, le tandem Rose-Maric ne s’inscrit pas dans une mouvance pour laquelle l’entraîneur va inculquer des idées précises aux joueurs qu’ils doivent répéter en match. Ce qu’ils souhaitent faire en premier lieu, c’est mettre en éveil les capacités d’analyse de leurs joueurs. Dans un monde idéal, ils espèrent avoir 11 analystes actifs sur le terrain. Si les joueurs sont en mesure d’identifier les problèmes par eux-mêmes, alors c’est déjà un grand pas pour remporter la bataille tactique.
Crédit photo : Dirk Päffgen
Et pour René Maric, c’est à ce moment précis que le rôle du staff est déterminant. Pour aider les joueurs à trouver des solutions et être capable de les mettre en pratique, Rose et Maric vont faire travailler leur groupe sur une multitude d’exercices où il faut répondre à un problème tactique. Ils vont d’une part leur proposer une série de solutions et d’autre part les faire travailler dessus de façon à ce que l’alternative proposée en match par les joueurs soit exécutée le plus parfaitement possible. L’objectif étant que les joueurs soient le mieux préparés possible face aux difficultés que peut imposer l’adversaire sur le plan tactique.
Marco Rose est davantage dans la réaction, dans l’adaptation. Ça peut s’illustrer par le nombre élevé de dispositifs qu’il a utilisé cette saison avec le Borussia. Si son dispositif préféré semble être le 4-4-2 losange, il n’a pas hésité à aligner d’autres systèmes : le 4-2-3-1, le 4-3-3, le 3-5-2 ou encore le 3-4-3.
Et concrètement, quels sont les principes de Marco Rose ?
Comme nous l’avons vu précédemment, Marco Rose est un entraîneur flexible. Néanmoins son style de jeu est basé sur un principe fort : être proactif. En toutes circonstances, il demande à ses joueurs d’attaquer. Attaquer avec le ballon mais également attaquer sans le ballon, ce qui s’apparente au contre-pressing. L’idée est de mettre en difficulté son adversaire en l’obligeant à défendre en reculant. Via ce procédé, il sera beaucoup plus difficile pour l’adversaire de ressortir le ballon, ce qui favorisera alors l’occupation de la moitié de terrain adverse. Si cette stratégie perdure sur une grande partie du match, il sera très compliqué pour l’adversaire de tenir physiquement, ce qui augmentera la probabilité d’erreur de ce dernier.
Pour effectuer un pressing efficace, l’équipe de Marco Rose s’organise souvent en 4-4-2 losange sans le ballon. Comme on peut le voir dans le schéma ci-dessous, les deux attaquants vont venir faire pression sur les deux défenseurs centraux adverses. Pendant ce temps, le quatuor au milieu de terrain sera en supériorité numérique, laissant le milieu offensif (ou le milieu défensif selon le dispositif adverse) libre d’aider au pressing lorsque c’est opportun. Les latéraux ont vocation à neutraliser les ailiers adverses. Le défenseur central relanceur a ainsi trois solutions, dont deux solutions risquées menant aux latéraux. Dans un contexte très dense, il sera difficile de les servir dans de bonnes conditions.
L’intention du pressing tout-terrain est de forcer l’adversaire à jouer sur le gardien qui n’aura guerre d’autres choix que de procéder à un long dégagement pour éloigner le danger. Dans ce cas-là, les hommes de Marco Rose ont de grandes chances de récupérer le ballon. Et dans le meilleur des cas, le contre-pressing peut provoquer une erreur de l’adversaire, permettant de récupérer le ballon très haut.
Source : Tacticsboard
En ce qui concerne les phases avec ballon, pour Marco Rose, le porteur du ballon est roi. Il ne doit jamais se retrouver sans solution, il doit y avoir un mouvement constant autour de lui pour lui permettre de jouer vite et idéalement vers l’avant.
On retrouve la notion de proactivité, tout le monde s’active pour aider le porteur du ballon à faire progresser le jeu. Rose mise quasiment exclusivement sur du jeu court. Cela permet de maximiser le contrôle au cours de la possession mais également d’effacer les éventuelles lacunes techniques de certains joueurs.
Si on peut retrouver quelques similitudes avec Jürgen Klopp dans l’intensité du pressing, Marco Rose prône un jeu plus vertical avec le ballon se rapprochant plus d’un Pep Guardiola sur certaines séquences.
Quel avenir pour Marco Rose ?
Marco Rose fera-t-il une saison supplémentaire au Borussia Mönchengladbach ? Essayera-t-il de rejoindre une plus grosse cylindrée en Bundesliga ? C’est pour l’instant verrouillé en Allemagne, Hansi Flick vient de rempiler avec le Bayern Munich, mais on peut imaginer que si Favre et Nagelsmann venaient à bouger cet été, Marco Rose serait certainement l’une des priorités de Dortmund et Leipzig. Néanmoins, le contexte actuel n’aide pas à se projeter davantage et on peut penser que beaucoup opteront pour la stabilité durant le prochain mercato… Et cette saison tronquée incitera peut-être l’ancien latéral à faire une saison de plus au Borussia pour boucler la boucle… Une chose est sûre, le plus haut niveau tend les bras à Marco Rose !