Alors que tout le monde a la tête ailleurs, le mercato estival s’approche avec son lot d’incertitudes. Mais cet été s’annonce encore plus particulier que d’habitude avec la pandémie du coronavirus et les crises qui en découlent. Quelles conséquences pour le marché du football ?
Une saison sur les bras
En même temps que le soleil se rapproche de nous autres Européens et daigne veiller plus longtemps, cette période de l’année est aussi synonyme des premières rumeurs qui animeront le mercato estival. Seulement voilà, il ne vous aura pas échappé qu’un certain virus ait quelque peu bousculé les plans de tout le monde. Tous les matchs étant reportés jusqu’à nouvel ordre à cause de la COVID-19, c’est toute l’économie du football (entre autres) qui se voit menacée. En effet, si certains championnats, comme le Ladbrokes Premiership en Écosse, tirent une plus grande part de revenu que les autres en billetterie et se voient donc particulièrement impactés, c’est même désormais les droits TV, qui représentent l’immense majorité du pactole lié au football, qui sont compromis.
On l’a vu en France, après que Canal et BeIn ont suspendu leurs paiements à la Ligue Professionnelle de Football. On le voit aussi en Angleterre, où bien que les paiements aient été assurés, les clubs devraient retourner les quelques 850M€ aux diffuseurs si la saison venait à ne pas pouvoir se terminer. Et la saison 2019-2020 passant à la trappe est une hypothèse qui chaque jour prend de plus en plus de poids. Et ce à différents niveaux du football. Par exemple, hier, Jean-Michel Aulas déclarait à l’Equipe que « les chances de reprendre ont beaucoup diminué ». La veille, le président du Stade Brestois, Denis Le Saint, appelait à l’arrêt définitif de la saison. Et l’avant-veille, le championnat belge prenait même les devants en arrêtant officiellement sa saison et en sacrant Bruges champions.
Un mercato historiquement bas ?
Et il n’y a pas que les compétitions qui sont à l’arrêt. Les discussions de transferts et les pourparlers contractuels le sont aussi. Du fait de l’incertitude globale à tous les étages, aucune offre ne peut être conclue actuellement. Et de toute façon, les visites médicales seraient impossibles en plein confinement. Les clubs sont réduits à tâter le terrain, estimer les pertes et les prix, et attendre de voir l’issue de la crise sanitaire à l’échelle sociale et gouvernementale avant de penser ballon rond. Les échéances de paiements comme le sont les droits TV, tenues ou non, détermineront un mercato qui devrait vraisemblablement tourner autour de la survie plutôt que du trading habituel qui déterminait un marché du football présupposant un mercato normal.
En effet, c’est inévitable, certains clubs se trouveront dans d’énormes difficultés financières. Il y a d’abord ceux qui devaient déjà écouler les stocks cet été à cause du fair-play financier. C’est le cas de Marseille, Bordeaux ou Lille en France. Mais il y a surtout ceux qui étaient déjà en crise avant même la pandémie. Porto devait par exemple d’ores et déjà lever 50M€ avant que la crise ne frappe, mais on peut aussi penser à Arsenal qui s’oriente vers une troisième année sans Ligue des Champions malgré d’énormes dépenses.
Ces clubs-là auront besoin d’argent rapidement. Si les acheteurs tiennent déjà d’ordinaire les cartes en main dans ce genre de situation, ce qui tendrait donc vers des ventes au rabais, cet aspect est encore accentué par la baisse de liquidités générale du marché financier. Logiquement, le cours du joueur de football s’effondre avec les autres. Mêmes échos du côté du CIES, qui estime la perte sur les valeurs de transfert des joueurs à 28% en moyenne. Or, quand on vend moins cher, on achète moins cher.
Premier arrivé, premier servi
En ces temps de difficultés économiques au sein d’un monde au bord de la légalité et de la moralité, il y a donc fort à parier que cette période de transfert été 2020 soit un mercato de vautours. Beaucoup plus de clubs chercheront des proies au bord du gouffre à dépouiller pour moins cher. Celles-ci, pressées de renflouer les caisses rapidement, ne pourront pas refuser beaucoup d’offres… Si elles ne sont pas tout simplement déjà abattues. C’est le cas du premier club victime de la crise. Le MSK Zilina, sept fois champion de Slovaquie, a mis la clef sous la porte à cause du refus de chômage partiel de ses joueurs. Lesquels joueurs n’ont pas manqué d’avoir été observés par des charognards flairant l’actif gratuit.
En outre, les joueurs en fin de contrat, déjà au centre de toutes les intentions en cas de prolongement de la saison au-delà du 30 juin, seront au centre d’une bataille féroce. Car si plus de clubs rechercheront la bonne affaire sans indemnités de transfert, lesdits joueurs ne seront pas plus nombreux que d’habitude.
Les recruteurs plus que jamais sur le devant de la scène
Une autre conséquence un peu plus annexe de la crise sur ce mercato est l’impact sur et pour les recruteurs. S’il y a bien un secteur footballistique qui carbure en ce moment, c’est celui du scouting. Les clubs ont effectivement rarement eu autant de temps pour analyser ce qu’ils pouvaient reléguer au second rang dans la frénésie de la saison. Recruteurs et analystes vidéo ont le futur de leur club entre les mains. Dans la mesure où ce n’est pas le bon moment pour faire une erreur sur un joueur à 30M€, il serait aussi particulièrement bienvenu de trouver la bonne pioche capable de quintupler sa valeur marchande en une ou deux saisons. Les recruteurs ont dont plus que jamais le pouvoir d’inscrire leur club dans une nouvelle dynamique vertueuse devant des clubs qui géreront moins bien le virage coronavirus.
Encore faudrait-il ne pas avoir mis son équipe de scouting au chômage partiel, comme Newcastle ou Tottenham.
D’autant plus qu’à l’heure du confinement, le télétravail est assez peu contraignant pour les recruteurs grâce à des outils comme Wyscout ou Scout7. Alors que la distanciation sociale désavantage plus les agents de joueurs et de clubs qui marchent parfois sur leurs plates-bandes, tout est réuni, les moyens comme les intentions, pour que ces hommes de l’ombre brillent et fassent briller. Et si les clubs pensent aujourd’hui un peu plus à leurs scouts que d’habitude, peut-être ce métier, très demandeur et pourtant moins bien payé et/ou coupé parmi les premiers, obtiendra-t-il une meilleure reconnaissance en sortie de crise.