Certains parviennent à devenir un héros du club en n’y jouant qu’une saison. Glauber Berti, qui n’a joué que cinq minutes sous les couleurs de Manchester City, met donc la barre très haut.
L’Europe comme seul rêve
Demandez à un supporter de Manchester City de citer ses légendes du club. Yaya Touré, Pablo Zabaleta, David Silva, Vincent Kompany, Sergio Aguero seront probablement en tête de liste. Voire Colin Bell pour les historiens. Mais parfois, un plus passionné, plus romantique, plus sensible ou une meilleure mémoire vous citera aussi Glauber Berti. Ce dernier n’acquiert pas son statut de héros par des performances extraordinaires aux moments décisifs, ni par un but libérateur dans un derby. Non, Berti parachève un tel statut à sa manière. Une manière qui peut échapper à l’observateur lointain mais qui ne reste pas moins légitime et instructive sur la vision des joueurs par les supporters.
Loin de l’Etihad Stadium, Glauber Berti débute sa carrière pour le compte du club de Palmeiras. En 2003, le club pauliste plonge dans la pire crise de son histoire, qui le conduit en seconde division pour la première fois. L’année suivante, les joueurs accomplissent la mission de remonter le club dans l’élite en remportant directement le titre. Un jeune Glauber Berti est l’un d’entre eux. Avec treize matchs joués, dont le dernier, notre Brésilien lance sa carrière et s’octroie même sa première sélection lors d’un amical de 2005 aussi connu pour être le jubilé de Romario.
Une vitrine suffisante pour lui faire traverser l’Atlantique et rejoindre son rêve de toujours : l’Europe. Ses valises se posent d’abord à Nuremberg, où il gagne avec le club éponyme la DFB Pokal en 2007, sans pour autant pouvoir empêcher la relégation du club l’année suivante. Cette relégation active alors une clause dans son contrat qui lui permet de partir libre. Et c’est donc avec Manchester City, à la recherche d’un défenseur central pouvant jouer à gauche, que les négociations aboutiront…
L’homme invisible
Glauber Berti rejoint City le jour du Deadline Day 2008 sur les bases d’un contrat d’un an et conclut un mercato agité du côté des Sky Blues. Et pour cause, il fait partie d’une délégation de sept nouveaux joueurs : les sept premières acquisitions de l’ère du Cheikh à Manchester parmi lesquelles figurent Zabaleta, Kompany ou encore Robinho. Toutefois, Berti n’est pas un transfert de premier plan ni ne compte particulièrement dans les plans du staff de l’équipe première. Il fait ainsi ses débuts en équipe réserve. S’il laisse une très bonne impression et témoigne de beaucoup de professionnalisme quel que soit le groupe auquel il est affecté, Berti ne s’impose pas dans l’équipe première.
Tant et si bien que s’il est certes convoqué à treize reprises dans le groupe de Premier League, il s’assied autant de fois sur le banc. Et il ne rentre jamais en jeu. En outre, les sept autres occasions de jouer en A dans d’autres compétitions trouvent aussi la même issue. Pour autant, bien qu’il confesse volontiers avoir détesté cette situation, Berti n’est pas orgueilleux. Alors que tout le monde loue son intégration et professionnalisme, lui assure de son côté n’avoir aucune rancœur contre Mark Hughes, l’entraîneur de l’époque. En fait, tous les témoignages s’accordent à le dire : malgré un temps de jeu famélique, Berti s’est toujours battu honnêtement pour obtenir sa place.
« Je m’asseyais et j’encourageais l’équipe. Comme eux. »
Le mythe de Berti trouve heureusement une conclusion semblable à celle d’un conte. Nous sommes à la dernière journée de Premier League 2008-2009. Manchester City est alors assuré de ne pas pouvoir obtenir mieux qu’une place dans le ventre mou et Glauber Berti, de son côté, n’a toujours pas effectué ses débuts sous le maillot citizen. La situation a tourné depuis longtemps à la running joke et les supporters réclament depuis déjà plusieurs semaines l’apparition de l’ « Homme invisible » sur le terrain. Tenant à remercier son joueur et peut-être à écrire une belle dernière page à cette histoire, Hughes écoute alors les chants des fans et le fait rentrer en cours de match.
Glauber Berti entre donc en jeu à cinq minutes du terme de la saison, face à Bolton. C’est l’hystérie. À chaque fois qu’il touche le ballon, les supporters citizens acclament le Brésilien. Ce dernier pourra, enfin, se targuer d’avoir accompli un rêve, celui de remporter un match de Premier League. Tout compte fait, Berti aura atteint un statut de héros en ayant joué moins de dix minutes. Car si les fans aimaient d’abord, d’un humour très anglais, se moquer jovialement de lui, ils ont tout simplement fini par l’aimer.
Son rapport avec les supporters est de fait très intéressant. Arrivé libre, ne jouant pas, figurant peu dans les groupes professionnels ; dans bien d’autres cas, ce joueur aurait été oublié même au cours de sa seule saison. Mais Berti était cet outsider, apprécié de tous et auquel on peut s’identifier, qui atteignit son objectif à la régulière. Il était en fait comme chaque supporter qui rêverait de fouler la pelouse de leur antre. Car effectivement, à chaque match, Glauber était là, assis au bord de la pelouse à encourager les joueurs de son équipe. Sauf qu’à l’un d’entre eux, il a finalement pu pénétrer sur la pelouse.