La semaine dernière, notre premier volet sur la construction de l’Inter Miami, cette nouvelle franchise d’expansion de la MLS 2020 aux côtés de Nashville et pilotée par David Beckham, vous présentait le processus d’institutionnalisation de l’Inter Miami. Aujourd’hui, il est temps de parler terrain.
Idées désignées
Nous l’avions déjà évoqué : l’Inter Miami connaît d’ores et déjà un mini-contretemps puisque la franchise n’a pu faire venir une grande star capable d’incarner le projet aussi bien internationalement que localement. « Mini », car si c’était un souhait, l’Inter Miami n’a pas pour autant cherché à l’exaucer n’importe comment.
Cela tombe bien, imprégner et attacher des idées de jeu claires au club est certes plus difficile mais marquerait son institutionnalisation bien plus qu’un joueur désigné record. Paul McDonough a confié cette lourde tâche à Diego Alonso, entraîneur-manager de l’équipe depuis le début d’année.
Au nord, c’était les hérons
Diego Alonso saute donc le pas de la MLS en provenance du CF Monterrey. L’Uruguayen a près d’une décennie de métier, ayant commencé en 2011 sa carrière d’entraîneur au CA Bella Vista, club qui l’a vu brillé en tant que joueur. Une pige au Paraguay plus tard, on le trouve de nouveau en Uruguay, cette fois à l’Atlético Peñarol, avant d’être nommé dans un autre club paraguayen. Après quatre clubs en trois ans, sa carrière se stabilise lorsqu’il est finalement appelé pour prendre les rennes de Pachuca. Le natif de Montevideo y restera quatre ans.
Là, Alonso se forge un début de palmarès. Sous ses ordres, Pachuca remporte le championnat hivernal de Liga MX en 2016 et la CONCACAF Champions League en 2017. En 2018, c’est une pige chez le rival Monterrey qu’il effectue. Il retrouve dans un premier temps les joies de remporter la Champions League, mais une série de mauvais résultats lui coûte son contrat. Quelques mois plus tard, son ascension vers le nord de l’Amérique l’emmène à Miami.
À l’Inter Miami, le jeune manager de 44 ans devra d’abord transformer ce manque de star en force. D’ailleurs, Alonso lui-même n’était pas forcément le coach au nom clinquant attendu par les fans. Néanmoins, ne pas pouvoir se reposer sur un Zlatan Ibrahimovic ou un Carlos Vela force d’une part à travailler d’autant plus, et d’autre part met en avant un collectif. Des conditions idéales pour commencer à imprégner un style de jeu dans cette nouvelle franchise. Mais par où commencer ?
Refus du dogmatisme
Dans sa première interview à The Athletic, Alonso n’apparaît pas comme un théoricien fou : « Petit, je suis tombé amoureux du ballon, pas de la tactique ou de la défense. Je sais que c’est important. Mais j’adore par-dessus tout marquer des buts, c’est pour ça que je veux avoir la balle ». En effet, une part non négligeable du travail d’entraîneur est en premier lieu de tenir son groupe. De faire en sorte que les joueurs croient en lui, qu’ils adhèrent et se battent pour le projet : « Je crois que gagner doit être notre objectif numéro un. Quand le groupe croira en cela, les joueurs se sentiront intégrés et dévoués au projet. Et c’est plus facile de défendre les idées d’un groupe que d’un individu ».
Mais au-delà du discours assez habituel de la gagne, Alonso distille également ses préférences tactiques. « Je suis un coach qui aimer presser haut. J’aime imposer de l’intensité. J’aime attaquer rapidement », précise-t-il. Et d’ajouter : « Nous devons comprendre que le football est une question de contrôle. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas jouer bas et contrer si nécessaire. On le peut. Beaucoup d’équipes gagnent comme ça et j’aime aussi cette approche. Justement, si vous pouvez contrôler quand vous contrez, alors vous allez vraiment comprendre comment contrôler les transitions défensives ».
Ce contrôle, donc, ne réside pas nécessairement dans la possession du ballon. Ce que veut à tout prix éviter Alonso dans son match-type est un jeu box-to-box. D’après lui, les conditions climatiques de grande chaleur à Miami rendraient n’importe quel match de ce type aléatoire. Et on aurait tendance à le croire, lui qui a l’habitude des températures aussi variables que l’altitude en Liga MX.
L’Inter Miami de la théorie…
Concrètement, Diego Alonso appliquera son polyvalent 4-2-3-1 déjà observé au Mexique. Quand ils avaient l’intention de construire depuis la surface, ses joueurs à Monterrey prenaient exactement ce dispositif. Dans l’axe, les deux joueurs du double-pivot ne s’alignaient pas horizontalement mais verticalement (du point de vue du gardien, une sorte de 4-1-1-3-1). En jouant ainsi entre les lignes, ils favorisaient une construction par les défenseurs centraux et/ou les latéraux en assurant les dédoublements avec ces derniers pour atteindre le dernier tiers. Là, le centre ou la passe vers le numéro 10 en plein rôle de créateur, étaient logiquement privilégiés.
Alonso l’a dit, il organise sa palette défensive sur la base d’un pressing et d’un bloc hauts. À Monterrey, tout reposait sur la capacité des milieux à intercepter la balle quand le premier passeur adverse, isolé à cet effet par le buteur, engouffrait le cuir dans l’axe. Cependant, les grands risques que présentent une défense totalement déséquilibrée en cas d’échec dans la première phase ont fait du secteur défensif la grande plaie de Monterrey. À voir, donc, si cette forme sera reconduite à l’identique en MLS. Car si le board miaméen l’a engagé en partie pour son expérience en Champions League, encore faut-il s’y qualifier via un trophée domestique.
…à la pratique
Gagner, il le faudra d’abord avec l’effectif actuel. La première feuille de match de l’histoire de l’Inter Miami n’est pas mauvaise, loin de là. Alonso a sous la main un groupe compétitif qui a de quoi jouer les play-offs en fin de saison. Les joueurs désignés déjà évoqués, l’ailier Matias Pellegrini et le milieu offensif Rodolfo Pizarro, sont les têtes d’affiche. Et en sachant que l’on attend toujours un troisième joueur désigné ! Aux deux extrémités, le poste de buteur est très bien équipé (sauf blessure, et c’est malheureusement le cas pour ce début de saison) par Julian Carranza ainsi que le premier choix de la Superdraft Robbie Robinson ; et la valeur sûre Luis Robles tiendra les cages.
Par ailleurs, des tauliers de MLS viennent encadrer ce petit monde. Le vétéran Wil Trapp s’alignera avec Victor Ulloa. Les deux seront suppléés par l’ancien Angelinos Lee Nguyen. Enfin, si le poste de latéral droit pose quelques questions entre l’international jamaïcain Alvas Powell, le nouveau Dylan Nealis et le doyen A.J. DeLaGarza, Ben Sweat, Nico Figal et Roman Torres occuperont les autres places de la défense avec assurance, Christian Makoun en embuscade depuis le banc. Le dernier non cité, Lewis Morgan en provenance du Celtic Glasgow, est le deuxième ailier. Telle est donc la première équipe type de l’Inter Miami.
Avec toutes les précautions à garder lors de l’analyse du premier match d’un entraîneur en place, et d’autant plus lorsque c’est aussi le premier de la franchise, le fameux 4-2-3-1 était en tout cas de la partie lors de la défaite inaugurale chez le Los Angeles FC. Face à un adversaire écrasant de possession, Alonso a tenté de jouer le coup des transitions. Ce qui s’est néanmoins avéré compliqué avec un manque d’automatismes. Mais pas de panique, ils n’étaient de toute façon pas favoris chez le tenant du Supporter’s Shield.
Le vrai test sera la réception du LA Galaxy, le 14 mars. Alonso optera cette fois-ci probablement pour une approche avec la possession, face à une équipe plus à l’aise sans le ballon. En attendant, un déplacement ce week-end dans la capitale pourra permettre de se roder face à un adversaire prenable.