Peut-on vraiment être heureux lorsque l’on est footballeur de haut niveau ? La question mérite d’être posée. En effet, le football de haut niveau, de la même manière d’ailleurs que tous les sports pratiqués à partir d’une certaine difficulté, exige des sacrifices nombreux. Outre l’hygiène de vie qui se doit d’être irréprochable, le footballeur de haut niveau voit ses faits et gestes scrutés par des dizaines de milliers de personnes chaque week-end ou parfois même en semaine dans les enceintes qui rythment sa vie de footballeur.
Sacrifice personnel
Un footballeur de haut niveau n’entreprend pas sa vie personnelle de la même manière que tout un chacun. Il ne choisit pas ses conquêtes hors du terrain comme n’importe quel être humain. Au contraire. Il est mis face a des dilemmes difficiles à résoudre pour un simple cerveau. L’argent, la gloire et la médiatisation font tourner plus d’une tête. Les membres des entourages des joueurs se relaient les uns après les autres afin de prodiguer des conseils plus ou moins avisés. Chacun y va de son petit avis personnel, et ces avis s’immiscent aussi dans la vie personnelle, sentimentale et conjugale des footballeurs professionnels. Mais loin de faciliter les choix auxquels les footballeurs sont confrontés, cette multitude d’opinion ne fait souvent qu’empirer la situation.
Car chaque membre de l’entourage d’un joueur a des intérêts vis-à-vis des différents choix de celui-ci. Et cet intérêt ne va pas toujours dans le même sens que celui du joueur. Le père d’un joueur privilégiera sans doute une femme fidèle à une bimbo. Un agent sera plus tenté par les charmes d’une star de la télévision afin de faire apparaître son joueur dans le plus de médias possible. Et le joueur ? Lui, c’est presque comme s’il n’avait pas le droit au chapitre. Tout juste peut-il choisir la couleur de cheveux. Et encore, cela dépend si le père de ce dernier lui autorise d’avoir une femme – qui deviendra bientôt membre des fameuses WAGs – aux cheveux décolorés. En bref, il vaut mieux qu’il ne soit pas homosexuel. Car l’homophobie ordinaire du football fera vite fait son chemin.
Choix de vie
Lorsque l’on est un être humain normal, on est à peu près libre d’aller où l’on veut. Riche ou pauvre, directeur marketing ou informaticien, category manager ou data engineer, CHO ou COO, chacun peut choisir la ville où il va s’installer, ou presque. Quand on est footballeur, la donne n’est pas exactement la même. Les choix de ville ne se font pas au même rythme, et toute fréquentation hors du milieu footballistique est soumise à l’instabilité. Quelques gros billets convainquent vite une famille entière de déménager du sud-ouest de la France jusqu’au nord de l’Angleterre. Et tant pis si cela ne rime pas à grand chose d’un point de vue social, intellectuel ou linguistique. Le footballeur n’a pas vraiment son mot à dire, surtout avec un entourage parfois radical.
En plus, cette logique déracinante ne commence pas à vingt ou trente ans. Non, dès leurs quatorze, quinze, seize ans, les jeunes prodiges du futur sont soumis à ce jeu délétère. Et rares sont les personnes qui à cet âge où certains ne sont pas encore rentrés au lycée, sont capables de prendre une vraie décision. Encore une fois l’entourage. Comme un leitmotiv un peu malsain. Mais le vice ne s’arrête pas là. En prenant toutes les décisions à la place du joueur, celui-ci ne sait plus prendre des décisions par lui-même. Et lorsque que huit ans – c’est la moyenne – après ses débuts en professionnels, il se retrouve à la retraite, le footballeur est comme abandonné. Violent. Et déroutant, et dangereux. Car avec un patrimoine encore important, les footballeurs en fin de carrière sont une proie facile.
Malheur et damnation
Les footballeurs ne sont pas vraiment libres de leur choix, et cela influe par conséquent sur leur bonheur. Être heureux n’est certes pas impossible lorsque l’on est footballeur, loin de là. Mais être heureux est plus compliqué lorsque l’on n’est pas en capacité de faire ses propres choix. Les footballeurs professionnels sont de jeunes hommes, et ils ne savent pas réellement ce qui les rend heureux tant qu’ils ne prennent pas leurs propres décisions. Ce n’est pas en couvant excessivement – et à dessein – les footballeurs que l’épanouissement est aisément possible. Heureux et footballeur semble être presque antinomique, sur certains aspects en tout cas.
Cela ne veut pas dire que tous les footballeurs sont malheureux. Au contraire, sur bien des aspects, leur statut hors du monde permet un bonheur, en tout cas en apparence. Mais en fait, quand on regarde plus en profondeur, au-delà des photos sur Instagram et des vidéos sur Twitter, les footballeurs souffrent. Tout autant que les autres êtres humains. Pas de la même façon, mais avec la même violence. Le slogan change, mais le questionnement reste le même. La maladie peut être présente même si les symptômes ne paraissent pas visibles.
Les footballeurs, généralement, ne se préoccupent pas des questions financières à court terme. Mais les problématiques économiques sont néanmoins réelles : à trente ans, sans formation, sans emploi, sans expérience, ils sont les rebuts du marché du travail. Ce sont des problématiques rarement abordées, mais qui contribuent à la fragilité des footballeurs. Et qui jouent sur la possibilité d’être réellement heureux, pas seulement en facette. Tous les être humains, finalement, riches ou pauvres, sont opposés à des failles. Personne ne vit la vie parfaite. Même ceux qui passent à la télévision tous les semaines et qui font le show devant des publics déchaînés.