« […] Vous vouliez du Zlatan, Je vous ai donné du Zlatan. De rien. Désormais, vous pouvez retourner regarder du baseball », déclarait le buteur suédois en quittant le Los Angeles Galaxy au terme de son contrat. Néanmoins, avec l’arrivée de Chicharito, les Angelenos pourraient bien s’en tenir au football encore quelques temps.

Home run

L’information n’a pas eu si grand fracas en Europe et vous a peut-être échappé, mais c’est un séisme outre-Atlantique. Mardi dernier, le Los Angeles Galaxy officialisait l’arrivée d’un joueur si souvent lié à la MLS ces dernières années : Javier « Chicharito » Hernandez. L’international mexicain débarque sur la côte ouest avec, donc, la lourde tâche de remplacer le géant suédois. Géant par la taille, par les performances, par le passé de joueur, par le symbole et par le poids marketing.

Pour rappel, Los Angeles eut l’honneur d’accueillir en son sein Zlatan Ibrahimovic deux ans auparavant. Celui-ci signait son arrivée d’une publicité en page entière dans le Los Angeles Times d’un prémonitoire « Los Angeles, de rien ». Roi de la ville, la machine marketing était immanquable. Bientôt, la machine footballistique, aussi. Ses premières minutes de jeu ? Une légendaire entrée face au Los Angeles FC et un magnifique doublé pour retourner le Trafico 4-3 en faveur du Galaxy. Quand les actes forts rejoignent des paroles fortes, ça marque. Et si le club n’aura pas su bénéficier de l’aura zlatanesque pour gagner des titres ou ne serait-ce qu’empêcher le LAFC de devenir le premier club de la ville, le coup était digne de la signature de David Beckham en son temps.

Pour remplacer le Z, retourné à Milan, les dirigeants du Galaxy n’ont pas visé moindre. En effet, en lui offrant le plus gros salaire de la Ligue, ils ont décroché Chicharito de Séville pour en faire la star de Los Angeles. Venu évidemment sous contrat de joueur désigné – c’est-à-dire un des trois gros contrats autorisés par équipe ayant un impact réduit sur le plafond salarial auquel les franchises doivent se tenir – à hauteur de 6M$ l’année, Chicharito n’est qu’à un « petit » million par an du record salarial obtenu par Ibrahimovic. Bien sûr, l’attaquant mexicain n’a jamais été ni n’est le joueur que fut Zlatan. Et ce, que ce soit sur comme en dehors du terrain. Mais son séjour en Californie pourrait être au moins aussi bénéfique au Galaxy que celui du Suédois, si ce n’est plus.

Sous le soleil de Mexico

Dans un État où les Latino-Américains sont plus nombreux que les Blancs anglo-saxons, il est logique d’un point de vue marketing de se faire valoir auprès de la communauté d’origine mexicaine. Certes, Javier Hernandez n’est pas le meilleur joueur de la sélection. En fait, il n’a pris part qu’à trois matchs internationaux l’année dernière. Trois amicaux, même, puisqu’il n’a pas été appelé pour les matchs de Gold Cup et de Nations League. Le natif de Guadalajara ne sera d’ailleurs pas, s’il y parvient, le premier Mexicain à marquer le Galaxy, ou Los Angeles. Mais qu’importe, il est de loin la plus grande icone mexicaine actuelle et sur la dernière décennie. Loin devant, par exemple, Carlos Vela.

Alors qu’avec Zlatan, le Galaxy cherchait à conquérir des fans à l’échelle mondiale, il se reconcentre sur l’échelle locale avec la signature de Chicharito. Il faut dire que cela s’imposait. En effet, le Los Angeles FC avait allègrement raflé le centre-ville. Géographiquement d’abord, le Banc of California étant mieux placé que le Dignity Health Sports Park, mais surtout sportivement et médiatiquement. Meilleure équipe de la saison régulière, ce club nouveau-né signe un bilan sportif effectivement largement supérieur au Galaxy. En outre, il n’a pas manqué d’attirer les foules avec son MVP mexicain Carlos Vela, se constituant en deux ans l’un des meilleurs publics de MLS.

Nul doute alors qu’il faille lire l’arrivée de Chicharito par le prisme du Trafico. Le LAFC s’était d’ailleurs, quelques minutes après l’officialisation, fendu d’un tweet qui n’avait rien d’anodin. Cette rivalité entre les deux clubs Angelinos s’est déjà imposée comme LE classique de la MLS. Leur confrontation en demi-finale de conférence en automne dernier a rassemblé 871 000 téléspectateurs entre ESPN et ESPNDeportes. C’est le record pour un match de MLS hormis la grande finale. Et c’était en semaine, à 23h00 sur la côte est, à une époque où Chicharito ne s’alignait pas encore avec Jonathan dos Santos pour affronter Carlos Vela.

Gagnant-gagnant-gagnant

Si le club semble particulièrement se distinguer dans ce deal, le joueur peut lui aussi se frotter les mains. En paraphant un contrat avec la Major League Soccer, Chicharito s’octroie bien sûr un excellent salaire mais aussi un temps de jeu sain, dont il manque cruellement depuis plusieurs saisons, en plus d’un statut de star, de « franchise-player ». C’est inévitablement un moyen de se rapprocher de la sélection mexicaine. Le sélectionneur Tata Martino, qui a gagné la MLS avec Atlanta, sera sans doute plus sensible à des belles performances chez l’Oncle Sam qu’à un séchage de banc à Séville. Uriel Antuna et Jonathan dos Santos ont d’ailleurs dû servir d’exemples et de conseillers puisque tous deux ont amélioré leur statut avec la sélection mexicaine en portant les couleurs du Galaxy.

La MLS se retrouve aussi largement gagnante au change par rapport à Zlatan Ibrahimovic. Outre les audiences du Trafico, c’est tous les matchs du Los Angeles Galaxy et de la Ligue qui pourraient connaître un sursaut d’intérêt. Alors que les marchés suédois et européen ne sont pas forcément assez concernés et passionnés pour se lever la nuit et regarder les matchs, la MLS peut s’appuyer sur la communauté latine pour dépasser son statut que l’on pourrait qualifier de « très négligeable » en Amérique du Nord. Les Latino-Américains sont évidemment les plus susceptibles culturellement de s’y intéresser. Pour ainsi dire, la Liga MX est le championnat le plus regardé aux États-Unis. Devant la MLS, devant la Premier League. C’est donc en captivant cette foule locale que la MLS grandira, bien plus qu’avec des stars européennes. Et en l’occurrence, Chicharito coche les deux cases.

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"Le joueur de football est l'interprète privilégié des rêves et sentiments de milliers de personnes." César Luis Menotti.