Monaco, Juventus, Alicante, Baniyas, River Plate, Newell’s et enfin Pune. Telle est la carrière tumultueuse de David Trezeguet. Si on omet les clubs exotiques, Trezegol n’a connu que trois pays, la France, son pays natal et celui de ses parents, l’Argentine, et l’Italie, sa nation adoptive footballistiquement. Si, pour lui, « le maillot bleu est un choix de carrière », il y a un goût d’inachevé dans notre pays. En effet, il n’a rien de français. Il aimait le foot comme un Argentin tandis qu’il y jouait comme un Italien.
Le jeu italien
David Trezeguet, le joueur de surface qui ne pense qu’au but par excellence. « La surface de réparation va devenir [son] monde, [sa] maison » se disait-il, petit. Un pur numéro 9 a une époque où il y en avait peu et où l’on en recherchait peu. Un joueur anachronique qui sert d’allégorie au football lent remplacé, aujourd’hui, par la vitesse et le physique. En plus de ne pas être très rapide, il ne courait pas beaucoup, si ce n’est pour célébrer ses buts…
Sur son style de jeu, Zinedine Zidane, coéquipier de Trezeguet en équipe de France et à la Juve, peut nous en dire plus. « En général, le défenseur anticipe mieux que l’attaquant. Mais lui avait toujours une demi-seconde d’avance sur son défenseur ». Un joueur simple très intelligent dans ses appels et placements qui aurait pu naître en Italie tant son jeu correspond à l’identité transalpine. Sur les terres de Toto Schillaci, Paolo Rossi et bien d’autres, David est devenu roi.
S’il ne parle que très peu, Trezeguet s’exprimait avec le ballon. L’Italie l’a très vite et bien compris. La Vieille Dame également puisqu’il porta le maillot de la Juventus Turin durant dix ans. Il est, aujourd’hui encore, le meilleur buteur étranger de l’histoire des bianconeri. Plus qu’un excellent buteur, c’est en véritable légende qu’il est érigé en Italie. Claudio Ranieri dit de lui : « je la fais gagner car c’est un gars qui marque tout le temps » tandis que Marcelo Lippi le considère comme un « animal du but ».
Son aventure turinoise est couronnée de succès et de buts, mais ce qui restera sûrement comme le symbole de son passage italien, de sa carrière voire de sa vie, c’est le fait qu’il soit resté au club lorsque celui-ci fut relégué en Serie B. Bien aidé par ses légendes comme Trezeguet, Del Piero ou encore Buffon, la Juve remonte, grandie, un an plus tard.
Le cœur argentin
Si David Trezeguet est le plus italien des français, c’est également le plus argentin de l’Hexagone. Né à Rouen, où son père Jorge jouait, il part cependant à l’âge de deux ans en Argentine. Là-bas, il y apprend le foot, et de quelle manière ! Dès son plus jeune âge, David comprit ses points faibles, en particulier son manque de vitesse. Il compense alors cela par sa science du placement et son sens du but au dessus de la moyenne. Un joueur simple, qui n’a besoin que d’une unique occasion pour marquer, comme seule l’Argentine sait en produire. Une humilité également argentine puisque, malgré son talent, il préfère l’ombre à la lumière. Celui qui est surnommé le Roi David dit d’ailleurs qu’il « ne veut être le Roi de rien du tout ».
Son enfance, Trezegol la passe dans les potreros de son barrio (les terrains vagues de son quartier) avec ses amis et un grand amour pour River Plate. Il dit qu’ « enfant, [il] voulait faire exploser le Monumental » et il y arrivera à 34 ans. En effet, après un passage pour raisons personnelles à Alicante et une pige exotique à Baniyas, il retrouve son club de cœur… en D2 argentine ! Comme à Alicante ou avec la Juve, il va de nouveau jouer en seconde division. Une preuve de plus de sa simplicité.
Avec River, Trezeguet brilla, marqua et fit remonter le club en A. Lorsque nous disions précédemment qu’il ne courait que pour célébrer ses buts, il en faisait encore plus à Buenos Aires en se frappant le cœur pour montrer son amour aux Millonarios. Florent Torchut, auteur de la biographie sur le buteur, raconte une anecdote : « Avant chaque match, David se regardait dans le miroir avec ce maillot à la bande rouge sur le torse en n’en revenait pas ». Un amour de River qui symbolise son amour pour le football.
Le désamour français
On pourrait dire que la carrière de David Trezeguet en équipe de France a commencé le 3 juillet 1998 et s’est terminée le 2 juillet 2000. Le quart de finale du mondial français face à l’Italie puis la finale de l’Euro belgo-hollandais contre l’Italie, encore ! Lors du premier match, il prend ses responsabilités en tirant et en transformant son tir au but dans une séance insoutenable. La seconde rencontre est l’une des plus emblématique de l’histoire de l’équipe de France et Trezegol marqua le but le plus important de sa carrière.
Un débordement de Robert Pirès, un appel contre appel de Trezeguet, un centre, une volée et une course torse nu, le but en or est marqué, la France et David sont champions d’Europe après avoir été rois du monde ensemble. Malgré ses prouesses face au but, il est cantonné à un rôle de remplaçant de luxe sous le maillot bleu floqué du numéro vingt. Peu de temps de jeu mais un temps bien utilisé car il est, à ce jour, le quatrième buteur le plus prolifique de l’histoire de l’équipe de France.
Bien sûr, sa carrière bleue ne s’est pas arrêtée un soir d’été à Rotterdam mais elle a été ensuite plus complexe. L’art français de compliquer ce qui parait simple. Le tournant est l’arrivée de Raymond Domenech en tant que sélectionneur en 2004 et le point de rupture est la Coupe du Monde 2006. Un tournoi qu’il traversa comme un fantôme avant de louper un tir au but crucial en finale face à… l’Italie. Malgré les réclamations de Zidane, Henry et consorts, Trezeguet n’a le droit qu’à 91 minutes de jeu, ce qui lui fera dire : »Ce fût un mondial négatif du début à la fin pour moi. Je n’ai jamais senti de confiance à mon égard et cela s’est vu sur le terrain. Mais je n’ai rien à me reprocher, j’ai toujours donné le maximum pour l’Equipe de France ».
Il faut dire que déjà que Domenech ne le portait pas dans son cœur, Trezeguet a eu la bonne idée de vouloir lui donner une leçon tactique en direct à la télé juste avant le tournoi. En effet, le buteur français, face à un tableau et feutre en main s’exprime : « Seules trois ou quatre équipes ont la possibilité d’aligner autant d’attaquants que nous. Pourtant, on préfère d’abord mettre l’équipe bien en place en défense et voir comment ça va évoluer. Moi, je pense qu’on a les qualités pour faire mieux ».
Plus tard, Domenech ne l’appellera ni pour l’Euro, ni pour la Coupe du Monde. Même s’il dit : « J’aurais voulu aider. J’aurais voulu finir mon histoire avec les bleus d’une autre manière »; le cœur n’y était plus et on sait que pour lui plus que pour quiconque le cœur a un rôle primordial. Le Roi David était un autodidacte, il ne se souciait pas du jeu de ses équipes, il ne pensait qu’au but. Alors que l’Italie le considère comme une légende, la France lui a tourné le dos donc l’Argentine lui a ouvert les bras.
« Après mon penalty raté, Maradona est venu me réconforter […] alors que Domenech n’est pas venu m’adresser un mot ».
Mais comme à la Juve où il quitte le club dans une période compliquée, et en équipe de France où il n’a pas eu la sortie qu’il méritait, sa fin avec River fut contrastée. Fernando Cavenaghi, vexé de l’influence de Trezeguet supérieure à la sienne dans la remontée du club, agit en interne pour l’écarter. Mission réussie, David part en prêt à Newell’s, mais David part heureux après avoir fait exploser le Monumental.