L’industrie du football est aujourd’hui une telle source de revenus qu’il semble absolument irréaliste qu’elle s’arrête. Et si… ?
Machine à billet
Tant que la machine à billet fonctionne, il n’y a évidemment pas de raison de l’arrêter. Inutile de vous préciser à quel point les montants brassés sont pharamineux rien qu’avec les contrats, billetteries et droits télévisuels. Sans compter les industries qui s’appuient allègrement sur le football comme les marques à la recherche de sponsors ou encore les bookmakers. Inutile aussi de vous rappeler à quel point le football peut être un outil politique puissant, en tant que reflet de la société, cahier de doléances et arme de soft power.
Imaginer le football perdre son trône de sport roi semble déjà relever de la science-fiction, alors le voir disparaître à niveau professionnel, totalement fantasque ? Loin de la chute, le ballon rond est même en croissance. Prenez les deux plus grandes puissances du monde, qui ne sont pourtant pas historiquement des terres de football. Les Américains s’intéressent de plus en plus au soccer, garnissant les stades de MLS et rassemblant les New-Yorkais à Time Square pour la Coupe du monde féminine. Quant aux Chinois, des investissements colossaux sont réalisés pour y développer la pratique du ballon rond. Ils ont même en ligne de mire, pour le centenaire du parti communiste chinois en 2049, de devenir une nation sérieuse du football jouant les premiers rôles au Mondial.
Mieux, le football est en croissance d’intérêt vis-à-vis de la gente féminine, comme l’a prouvé la Coupe du monde féminine. Et bien que les audiences aient eu du mal à se répercuter sur la D1 Arkema, nul doute que de nombreuses petites filles ont eu l’idée, en cette rentrée, de devenir licenciées. Enfin, le football reste maître sur ses terres historiques.
Grain de sable
Soucieux de maintenir sa croissance, le football ne peut pas se détruire de mille façons. Le désintérêt progressif semble, comme on l’a vu, irréalisable. Et même avec l’extrême hypothèse d’une guerre mondiale, bien que le football professionnel marquerait évidemment une pause, ça ne serait pas le cas dans tous les pays – la Nati aurait de beaux jours devant elle. Et surtout, le football resterait un des rares échappatoires des soldats au front, et repartirait de plus belle à la fin du conflit. Non, pour la disparition du football, il ne resterait plus que l’extinction de l’humanité et la destruction du système footballistique par l’intérieur. Comme nous sommes de nature optimiste, optons pour la seconde option.
Le grain de sable de la machine à billet ne serait autre qu’un immense scandale de corruption au sein des instances du football, et à toutes les échelles. Démissions en chaine, chute du système, rupture de confiance. Imaginez l’état du football professionnel après le démantèlement des instances qui le régissent. À la manière des échelons inférieurs du football étatsunien, l’on peut imaginer que plusieurs Ligues fermées clameraient leur légitimité en Europe. Alors, difficile de savoir qui ira où en cas de victoire dans tel championnat, quelle ligue sera réellement l’échelon supérieur de quelle autre, etc. Confusions et concurrences déloyales au programme.
Les perdants et les gagnants
Peu importe la gravité du champ de mine qui resterait du football national, continental et mondial, les grands perdants seraient évidemment les supporters. Le football rythme la vie de nombre d’entre eux, et quoique leur porte-monnaie serait content de ne plus être vidé par des places, abonnements et autres produits dérivés, les fans perdront « une bonne excuse d’être heureux de quelque chose », dixit Valdano. Car, comme le rappelle Arrigo Sacchi, le football « est la plus importante des choses sans importance dans la vie ». Mais il ne faut pas oublier ceux qui en vivent, littéralement. Le ballon rond génère des millions d’emploi, directs ou indirects. Et si certains postes pourraient se recycler dans d’autres sports ou industries, cela laisserait tout de même autant de personne sur la touche, au moins temporairement.
En revanche, il y aurait probablement des gagnants. Le sport roi laisserait tout d’abord une place vacante. Quel sport fera descendre un peuple dans la rue ? Quel sport permettra à tant de gens d’entrer en transe ? Le basket, dont la popularité, bien que ce ne soit parfois que celle de la NBA, est croissante, pourrait reprendre le flambeau. Il jouit d’ores et déjà d’une belle cote en Europe et en Amérique et est présent sur tous les continents. Ce n’est certes qu’à des intensités moindres que le football, mais il y aura un vide à combler. Néanmoins, il semble que quoi qu’il advienne, dans le cas d’une telle catastrophe, le football laisserait indéniablement un vide.