Quinzième et dernier épisode de la saison de Tour du Monde, et atterrissage en douceur entre l’Europe et l’Asie. A quelques kilomètres de la Turquie à peine, sous un climat chaud et agréable, zoom sur l’AS Rhodes, un club pas comme les autres.

A Rhodes, la mer

Cent-quinze mille habitants. Mille-quatre-cent kilomètres carrés. Une île au rivage déchiré par la mer. C’est ça, Rhodes. Une petite île grecque, perdue dans la Mer Egée, au bord de la Méditerranée. Entre l’île de Karpathos et les côtes turques, la mythologique veut qu’Hélios aie vue sortir Rhodes des eaux. Submergé par la beauté du lieu, il décide de donner un éclairage particulier à l’île. Et surtout, Hélios prend l’île sous sa protection après avoir rencontré une nymphe du nom de Rhodé. Un des enfants de cette union a trois fils : Camiros, Lindos et Ialissos, qui, mythologiquement, fondent les premières citées de l’île.

L’histoire de Rhodes montre un très fort attachement à la Grèce. En effet, l’île fournit des navires au Achéens pendant la guerre de Troie, toujours selon la mythologie. Plus prosaïquement, alors qu’à quelques kilomètres de là, la religion musulmane domine, Rhodes est dotée d’un évêché… orthodoxe, bien évidemment. Bref, autant d’éléments qui donnent à Rhodes un côté très Grec.

Mais surtout, ce qui donne à Rhodes sa fierté, c’est son colosse. Oui, le colosse de Rhodes s’est effondré au troisième siècle avant Jésus-Christ. Et oui, il ne reste plus aucune trace de cette merveille du monde. Mais pourtant, la petite île garde bien en tête l’imaginaire de cette statue. Partout, dans les villes, dans les campagnes, on retrouve des références à l’œuvre de Charès de Lindos. Cette statue d’Hélios marque fortement le tourisme de l’île. Nombreux sont les passants à s’arrêter à l’entrée du port, espérant voir surgir du néant les vestiges de ce monument iconique. Sans aucun espoir, bien sûr, quatorze siècles après la destruction complète de la statue par les arabes.

Pas de football

Tout cela ne donne pas à Rhodes un fort penchant pour le football. Dans les rues, les gamins jouent bien sûr à la balle. Comme partout ailleurs. A Jakarta, à Londres, à Rhodes, tout le monde aime jouer au football à sept ou huit ans. Mais la culture change beaucoup de choses. A Rhodes, la culture n’est pas vraiment poussée sur le football. Lorsque l’on se balade, on ne voit pas de maillots, ou alors ceux des touristes venus profiter un instant du soleil et de la mer. Il est plus courant de croiser quelqu’un vêtu de l’équipement du FC Barcelone ou pourquoi pas du Real Madrid que de celui d’un quelconque club grec. Et encore moins du club de Rhodes, l’AS Rhodes.

Lorsque dans les bars, la conversation tombe sur le football – elle tombe toujours sur le football -, bien sûr, le tenancier peut dans un mauvais anglais se rappeler des performances de la Grèce à l’Euro 2004. Il peut aussi même sortir une écharpe de derrière son comptoir, aux couleurs de l’AEK Athènes ou bien du Pana. Ce n’est même pas rare, de voir les soirs de matchs des convives attablés pour regarder la première division grecque. Mais aucun d’entre eux ne penserait une seconde qu’à Rhodes aussi il y a un club. Bien sûr, il y a l’excuse du niveau. Qui voudrait voir un match de troisième division lorsque la Ligue des Champions est diffusée à la télévision ? Certains passionnés, évidemment. Certains fous, plus vraisemblablement, ou alors la famille des joueurs très probablement. Mais personne ne va à Rhodes pour aller regarder un match de football spécifiquement ! Jamais personne ne l’a fait !

Pourtant…

Pourtant, il y a bien un club à Rhodes. L’AS Rhodes, donc. Les anglais de passage sur l’île l’appellent bien souvent « Rhodes FC », mais l’Athletikos Sullopos Rhodos tient à ses couleurs. Blanches et vertes, elles brillent depuis maintenant plus de quinze ans en Gamma Ethniki, la troisième division nationale. Lors de quelques années hors du commun, l’AS Rhodes parvient à se hisser au pied du podium et flirte avec la promotion.

En 2008-2009, le club dispute même un barrage face au Panetolikos pour la montée en deuxième division. Mais le Panetolikos, ce n’est pas rien. Les canaris jouent aujourd’hui en première division, et sont un des clubs historiques du paysage footballistique grec. Des internationaux étrangers, comme Sebastian Eriksson, sont même passés par le Panetolikos. Alors ce n’est pas un hasard que de le voir se maintenir en deuxième division, surtout face à un club aussi modeste que l’AS Rhodes lors des barrages de 2009.

La seule éclaircie pour Rhodes, elle vient peut-être de l’équipe de l’île, qui dispute régulièrement les jeux des îles. Des adversaires de seconde zone, bien sûr, aussi peu côtés sur la scène footballistique que Rhodes. Mais quand même des équipes nationales. En 2007, Rhodes parvient ainsi en finale des jeux des îles, une compétition qui réunit des nations comme l’île de Man, ou bien la Corse. En finale, c’est l’équipe nationale de Gibraltar, qui deviendra membre de l’UEFA en 2013. Le challenge sera malheureusement beaucoup trop important pour la petite île grecque. Quatre buts à rien, cela sera le score de cette confrontation malgré tout rentrée dans l’histoire du football à Rhodes. Car c’est aussi ça, le football : donner la possibilité à des petits groupements humains de se rencontrer, de partager des valeurs autour d’une passion universelle et sans frontière. Et peu importe, à la fin, si l’on gagne ou l’on perd.

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