Le football est un des liants essentiels dans la société moderne. Et ce liant s’exerce dans tous les milieux sociaux. Que l’on soit à la tête de Free, comme Rani Assaf, ou que l’on soit honnête plébéien, on peut être fan de football. Mais s’il y a bien un football qui est toujours oublié, c’est celui de la prison. Trois témoignages anonymes pour lever le voile sur ce tabou.

« Ma seule raison de vivre »

« Ah, le football… Franchement, si j’avais pas eu le football, je sais pas ce que je serais devenu. Aujourd’hui, j’ai un taf, normal, tout va bien, je gagne ma vie honnêtement. Je te dis, je suis rentré en taule pour trois fois rien. Un truc fauché dans un grand magasin, deux ou trois fois de trop. Mais j’ai jamais été violent. La prison, je vais te dire, c’est un autre univers. Alors tu te raccroches à ce que tu trouves. Avant la prison, je peux pas dire que j’étais un grand fan de football. Je regardais la Coupe du Monde, voilà, comme tout le monde. Mais en prison, tout a changé pour moi… Tu as besoin de ce lien social, tu sais.

Je suis devenu supporter du Paris Saint-Germain en rentrant en prison, en 2014. J’en suis sorti il y a deux ans maintenant (en 2016, ndlr, les propos ont été recueillis en août 2018 pour ce témoignage). Et j’ai jamais cessé d’aimer le football depuis. En prison, les premiers mois ont été très durs. Et quand j’ai pu me raccrocher au football, parler avec les co-détenus, les gardiens même parfois… C’était magique. Quand je suis rentré, je savais pas quoi faire de ma vie, je voulais me tuer. Mais le football, c’était un peu ma seule raison de vivre. C’est pour ça que chaque semaine je regardais le temps passer. Aujourd’hui, quand je regarde un match, je repense à tout ça, et je suis bien content. Content d’être dehors. »

« Un passe-temps comme un autre »

« Quand t’es en cabane, le plus dur, c’est de tuer le temps. Tu te fais ch*er à mourir. Non, mais franchement, tu fais rien de tes journées. Alors bien sûr moi comme tous les autres, j’allais à la muscu’, pour faire de l’exercice. Mais ouais, voilà, c’était pas mon kif’. Je prenais pas mon pied à pousser de la fonte comme les autres. Non, vraiment, moi mon vrai truc c’était le ballon. Je suis sorti en 1994, donc l’équipe de France c’était vraiment de la m*rde, mais on regardait, on se tenait au courant de tous les matchs. Je me souviens encore de la tête des gardiens quand y a l’autre Bulgare qui marque… P*tain c’était vraiment l’enfer. Ce but de m*rde qu’on se prend, franchement, j’ai jamais compris.

Mais voilà, le football, c’était un peu un passe-temps comme un autre. Je vais pas dire que c’était, voilà, toute ma vie. Non, non, non. Vraiment, voilà, je kiffais, mais c’était pas le truc que, voilà, tu étais pas devant, enfin moi, toute la journée à attendre le match. C’était quand y avait match j’étais content, c’était même je vais te dire un peu plus détendu. C’était pas les vacances hein ! Mais voilà. J’ai fait un court passage en 2006 aussi, deux semaines pendant la Coupe du Monde, là c’était un peu la folie. Il y avait des gens qui tapaient sur les barreaux à chaque but et tout ! Y avait pas les téléphones dans les cellules avec internet mais on se tenait au courant ! La Coupe du Monde en prison, je souhaite à personne de le vivre. Mais quitte à aller au trou, autant y aller pendant le mondial ! »

« Je suis devenu fou de football »

« Tu sais ce que c’est la première chose que j’ai faite quand je suis sorti de prison ? Je vais te dire ce que c’est. La première chose que j’ai faite quand je suis sorti de prison, je déconne pas hein, c’est aller m’acheter des places pour un match de foot. Je me souviens très bien, c’était le 8 décembre 2002. On joue (le PSG) contre Nantes en Coupe de la Ligue, on perd 3-1 (en fait 3-2, ndlr, buts de Nyarko et Heinze contre Yepes, Armand et Alonzo csc). Je sors le 5, et j’achète mes tickets, les moins chers que je trouve pour le match. J’étais en cabane depuis quoi, six ou sept mois, et ça me manquait trop. En plus, en taule, et c’est vrai ce que je te dis, tout le monde aime le football. Tout le monde ! Les matons aussi ils kiffent ça !

En prison, je suis devenu fou de football. Tout était en lien avec le football. Toute la semaine, avec mes gars, on faisait que ça. On parlait des matchs et tout ! C’était la folie, comme on dit en Amérique du Sud on avait la même grinta dans nos cellules de daube que eux sur le terrain. Et attention hein ! On taclait bien entre nous quand on faisait la promenade ! Mais le football… Pfiouuu… Je te dis. Je suis devenu fou de football. Fou. Complètement timbré ! Aujourd’hui ça va mieux, et heureusement (rires), mais à l’époque… La prison, on dit souvent que ça vous change un homme, et c’est vrai ! On est pas pareil quand on en sort. Et aujourd’hui, je sais que j’y retournerai jamais. J’ai changé, grâce à la prison. Vraiment, la prison, ça aide à grandir et à mûrir quand on est un petit c*n comme je l’étais. »

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« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». (Jonathan Swift, 1667-1745)