Cinq grands championnats en Europe, mais c’est le nôtre le meilleur. C’est plus ou moins ce que pense chaque français, anglais, allemand, espagnol ou italien. Si ce n’est pas le niveau qui triomphe, cela sera bien l’ambiance, la révélation de pépites, l’attractivité ou la spectacularité du championnat qui emportera les faveurs de la foule. Pourtant… Pourtant, le football peut se vivre à la mode étrangère.

A la vie, à la mort

En France, les supporters les plus fanatiques ne sont pas légions. On ne compte que peu des hooligans, ces fameuses personnes si souvent dépeintes dans la presse à scandale et qui font les gros titres des journaux. Tout au plus quelques ultras parfois un peu alcoolisés mais qui reste malgré tout des « petits joueurs » par rapport à ce qui se fait un peu plus à l’est, en Europe centrale – Pologne notamment – voire en Europe de l’est – Ukraine, Russie. Non, le football français n’est pas un football violent dans les tribunes, même si l’on déplore quelques débordements, mais plus souvent face à la police que face à des supporters de l’équipe adverse.

Pourtant, il y a des pays où le football, c’est à la vie, à la mort. La mode étrangère, donc. Partons une seconde ensemble en Amérique du Sud. Allons regarder un match de haute volée entre le Flamengo et Fluminense. Oui, un de ces fameux « Fla-Flu », un des matchs les plus chauds du monde, les plus dangereux aussi. Nous ne sommes plus à l’époque de Preguinho, mais pour ces affrontements, la ferveur est intacte. Dans un Maracaña chauffé à blanc, les supporters s’échangent, entre autres joyeusetés, des insultes, des bouteilles d’eau et des seaux d’urine encore fumante.

Dans le métro, déjà bondé plusieurs heures avant le match, les supporters des deux camps se toisent. Surtout, ils ne se mélangent pas. Les agressions ne sont pas rares, les morts sont violentes. Le football est malheureusement là-bas parfois une question de vie ou de mort. Surtout de mort.

En famille

En France, le public traditionnel des stades n’est pas vraiment bigarré. Ce n’est pas ici des couleurs de peau dont on parle, mais plus du profil sociologique. Des hommes, des mâles cisgenres hétérosexuels, pour reprendre une notion à la mode sur les réseaux sociaux. Si l’on va en Pologne ou bien en Europe de l’est, l’adjectif « blanc » s’impose et s’appose immédiatement. Et l’on parle, dans tous les cas, bien d’hommes, à la limite des adolescents, mais jamais d’enfants ou de familles.

Pourtant, ce raisonnement n’est pas vrai partout dans le monde. Aux États-Unis, le soccer suit le même chemin que le football américain ou que le basketball. Les familles sont présentes dans les tribunes, et les animations, la chorégraphie et la dramaturgie des matchs en font un spectacle très différent de ce que l’on connaît en Europe. Est-ce mieux ? Ou moins bien ? Il serait ridicule de juger cela avec un prisme européocentriste. Il s’agit simplement d’une expérience différente. Mais qui n’en reste pas moins enrichissante.

Car en Allemagne, aussi, on va au stade en famille. En France aussi, de plus en plus, d’ailleurs. En Espagne, il n’est pas rare de voir les jeunes enfants abonnés dès leur naissance. Alors pourquoi pas créer un spectacle, un entertainment footballistique ? Pourquoi forcément critiquer cette démarche ? La question mérite d’être posée, non pas en vue d’un quelconque prosélytisme, mais simplement à des fins de curiosité intellectuelle. Car refuser une évolution parce qu’elle tranche avec le passé est un signe à la fois de lâcheté intellectuelle et d’étroitesse d’esprit. Et puis, si cela peut permettre d’ouvrir le football au plus grand nombre, pourquoi s’y opposer ?

A la mode de chez nous

Pourtant, beaucoup de personnes reviennent de matches à l’étranger en critiquant les pratiques. Pas toutes, bien sûr. On ne va pas critiquer les magnifiques animations de la tribune sud de Dortmund. Ou même remettre en cause la beauté des tifos du virage du Legia Varsovie. Mais voilà, la nature humaine est faite ainsi. Le conservatisme est bien présent dans toutes les têtes, et, tout en endommageant la capacité de réflexion, il ferme des portes qui peuvent être intéressantes. Vouloir conserver les valeurs du passé parce qu’elles sont un héritage est une réflexion culturelle plus qu’intéressante. Mais vouloir les appliquer au quotidien pour cette même raison est d’une stupidité sans nom : aucune personne normalement constituée ne s’opposera à ça, d’ailleurs. Alors changeons un peu notre football, et laissons nous emporter par ce que font nos voisins.

Oui, pourquoi pas, mettons nous à faire des shows à l’américaine avant les matchs. Et pourquoi pas, modifions quelques unes de nos pratiques et de nos traditions archaïques. Car quand les choses ne bougent pas, dans le football comme ailleurs, elles vieillissent mal et deviennent puantes et exécrables. Alors si nous ne voulons pas laisser à nos enfants, à nos neveux et à l’humanité un football en déliquescence, agissons et transformons le football en nous emparant des bonnes pratiques de nos voisins. Le plus dur sera toujours de faire le premier pas, car c’est un saut dans l’inconnu. Mais une fois que petit à petit, les espagnols piocheront en France et en Turquie, que les allemands chercheront en Écosse et au Brésil et que les français, bien que parfois un peu bornés et réfractaires, prendront connaissance du Canada et de l’Afrique du Sud, eh bien le football changera. Et en bien, vous pouvez parier dessus. A la mode étrangère, il y a des bonnes idées.

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