Le football français s’est toujours enrichi des cultures extérieures. Après des débuts compliqués avant la seconde guerre mondiale, il a connu un renouveau grâce aux vagues d’immigrations polonaises dans les années 1950-1960. Et parmi ceux qui ont permis au football français de prendre son envol, il y a Maryan Wisniewski.

Sang & Or

L’histoire de Maryan Wisniewski commence, selon les registres de l’état-civil français, le premier jour du mois de février 1937. Dans la petite commune de Calonne-Ricouart, presque dix-milles habitants à l’époque, la moitié aujourd’hui, la population d’immigrés d’origine polonaise est plutôt monnaie courante. D’ailleurs, un an avant Maryan Wisniewski, un autre Maryan au nom polonais et futur international français dans les années soixante, Maryan Synakowski, verra le jour. Mais à Calonne-Ricouart, les gens ne viennent pas pour le football. Non, ils viennent pour travailler à la mine. Face au déficit de population, les travailleurs polonais viennent fournir de la main d’œuvre bon marché et flexible. C’est le cas des parents des deux Maryan.

Cela n’empêche pas le père et la mère Wisniewski de penser à l’avenir de leurs enfants. En plus des études, il insistent sur l’importance de l’éducation physique. Ne sachant que faire, Maryan choisit le football. Et comme Jean Vincent trois ans avant lui, le jeune Wisniewski rejoint l’US Auchel. Il y restera jusqu’à ses seize ans, âge auquel les grands clubs de la région viennent toquer à la porte. Parmi eux, il y a notamment le grand Stade de Reims – dans lequel Vincent a signé quelques années plus tôt -, mais aussi et surtout le Racing Club de Lens. Et en bon enfant de mineurs, Maryan Wisniewski a son cœur qui bât au rythme des victoires et des défaites des Sang et Or. Alors plutôt qu’un choix purement carriériste, Maryan choisit de rester dans le nord de la France, et signe pour le RC Lens.

Dix ans après

Il ne regrettera jamais ce choix. Maryan intègre le centre de formation du Racing, mais n’y reste pas très longtemps. Car il débute très vite en équipe première, sur son aile droite. Le français d’origine polonaise est doté d’une vision du jeu hors précédent, et sa qualité de centre n’a d’égal que sa prestance technique. Il ne lui faut pas longtemps pour passer de régulier des entraînements à membre de l’équipe première. A dix-huit ans, il marque son tout premier but avec le Racing Club de Lens, dans un match de haute voltige contre l’AS Saint-Étienne.

Dans la foulée, il est sélectionné en équipe de France le 3 avril 1955 contre la Suède. Il est alors le troisième plus jeune joueur de l’histoire de l’équipe de France. Devant lui, Julien Verbrugghe, international à seulement seize ans et dix mois et mort à vingt-six ans lors de la bataille de la Somme. Outre Verbrugghe en 1906, un autre joueur devance Wisniewski : René Gérard, sept sélections et deux buts entre 1932 et 1933. Il avait fait ses débuts à l’âge de dix-sept ans et onze mois. On considère en fait Wisniewski comme le plus jeune international français de l’ère moderne, c’est-à-dire de l’après-seconde guerre mondiale.

Ce statut d’international français se confirme dans les années qui suivent, et Wisniewski accumule les sélections : en 1957, il marque son premier but contre l’Islande. Le prodige du football français, néanmoins, garde les pieds sur terre. Car en 1958, l’habituel titulaire de l’équipe première redescend dans l’équipe jeune du Racing Club de Lens pour venir remporter la Coupe Gambardella face à l’AS Saint-Étienne. Quelques semaines plus tard seulement, il est appelé en équipe de France pour disputer la Coupe du Monde 1958 qui se dispute en Suède et qui sacrera le Brésil de Pelé.

Consécration et rébellion

Cette Coupe du Monde sera une sorte de consécration pour Maryan Wisniewski. L’équipe de France termine la Coupe du Monde au pied du podium, il s’illustre par plusieurs passes décisives et des coups d’éclats. Contre l’Irlande du Nord, il dribble quatre joueurs avant de tromper le gardien d’une frappe subtile. Mais si ce mondial est réussi, autant collectivement qu’individuellement, sa fin sera une bien mauvaise surprise. En rentrant en France, il rentre directement chez lui et est considéré comme déserteur par l’armée. Car Wisniewski effectue alors son service militaire ! En punition, il emprisonné pendant quelques jours, avant de devoir défiler le 14 juillet – pas une sinécure – et d’être envoyé en Algérie.

Pas grave, cela ne repousse qu’un peu son apogée lensoise. En 1963, après une quatrième place à l’Euro 1960, il devient le meilleur buteur de l’histoire lensoise. Il n’a depuis été dépassé que par Ahmed Oudjani, en 1965. Afin d’aider financièrement le Racing, Maryan quitte la France et rejoint l’Italie et la Sampdoria. Mais après un an, l’histoire tournera court. Wisniewski n’est plus appelé en équipe de France, et rejoint les verts en 1964 pour deux saisons, dont une deuxième en demi-teinte. Il s’engage ensuite à Sochaux, où il dispute une centaine de matchs en trois saisons pour une dizaine de buts.

En 1969, à trente-deux ans, il décide d’effectuer une dernière pige pour clôturer sa carrière. Il part au FC Grenoble. Il met un terme, après plus de cinq-cent matchs et cent-trente buts plus trente-trois sélections et douze réalisations, en 1970, à sa carrière de footballeur professionnel. Avec un palmarès quasi-vierge (seule une Coupe Charles Drago est venue le remplir en 1960), Maryan Wisniewski aura quand même été un des plus grands prodiges du football français. Aujourd’hui, Wisniewski coule des jours heureux dans le sud de la France. Il l’a bien mérité.

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