Hillsborough. Ibrox Park. Estadio Nacional. Heysel. Autant de catastrophes qui ont endeuillé le monde du football. Et puis le désastre de Valley Parade. Entre tragédie et soupçons de fraude, retour sur une tragédie qui a bouleversé le football anglais.

De la fête…

11 mai 1985. La troisième division anglaise touche à sa fin, et Bradford City retrouve l’antichambre de l’élite quarante-huit ans après sa dernière apparition. Pour fêter cela, le club affronte Lincoln City. C’est également l’occasion de fêter le titre de champion, et de célébrer cela entre amis pour les supporters. Le petit stade en bois, homologué pour six-mille personnes, est comble. Près de deux heures avant le coup d’envoi, on compte onze-mille personnes dans les tribunes. Afin d’arrêter ce flux de spectateurs, les forces de polices cadenassent les portes du stade.

Le match commence à 15h02, et l’ambiance est au badinage dans les tribunes. Beaucoup de parents sont venus avec leurs enfants et leurs familles, afin de célébrer ce résultat historique entre proches. Les chants retentissent dans les tribunes, et c’est plus sur les gradins que sur le terrain que le spectacle se déroule. Et puis, aux alentours de la quarantième minute, alors que le score est encore de 0-0, un spectateur laisse tomber sa cigarette dans les marches en dessous des gradins.

Et là, tout se passe en une fraction de secondes. Les détritus, amassés depuis des années sous les marches, sont secs et craquants. Le vent attise les braises, et le tout prend feu. 15h43, et l’incendie commence à se déclencher. La fumée monte sous le toit couvert de goudron, avant de s’échapper sur les côtés. Les flammes sont partout, et la tribune est un immense brasier. Alors qu’une annonce à la sono du stade aurait dû avoir lieu, celle-ci, défaillante, est hors d’usage. La police n’est pas tenue au courant, et croit à un canular en entendant le public réclamer l’ouverture des portes, encore verrouillées.

…au drame

Les spectateurs tentent d’échapper à l’incendie en fuyant sur le terrain et en escaladant le muret d’enceinte. Mais des personnes âgées et des petits enfants sont pris au piège. L’entraîneur de Bradford, Terry Yorath, tente d’évacuer sa famille qui se trouve dans les tribunes. Si beaucoup de monde parvient à trouver refuge sur le terrain, les personnes tentant de passer par les portes d’entrées n’ont pas le temps de fuir et sont encerclées par les flammes. Parmi elles, Sam Firth, 86 ans et ancien président de Bradford City.

Cinquante-six personnes trouvent la mort dans l’incendie, et près de deux-cent-soixante sont blessées. Des corps carbonisés sont tirés des tribunes pendant l’enquête, et de nombreux cadavres sont retrouvés amassés devant les portes. Deux personnes âgées sont retrouvées mortes sur leurs sièges, n’ayant eu le temps de fuir. Trois autres sont bloquées dans les toilettes et y trouvent la mort. Les agonies se poursuivent pour certain à l’hôpital.

Mais surtout, ce qui choque profondément l’Angleterre, c’est la diffusion en direct du drame à la télévision. Un peu à l’image de l’effondrement de la tribune d’Armand-Cesari en France, le désastre de Valley Parade est couvert par les caméras de la télévision. Les images insoutenables du désastre de Valley Parade font le tour de l’Angleterre en quelques heures à peine, et choquent dans les foyers. En effet, sur le terrain, alors que des personnes tentent d’échapper aux flammes, on voit des spectateurs faire la fête, chanter et s’amuser. Ces comportements choquent tout autant que les images. La reine Elizabeth II elle-même, tout comme le pape Jean-Paul II ou bien la première ministre de l’époque Margaret Thatcher sont profondément marquées par l’évènement. Les condoléances affluent du monde entier en à peine quelques heures.

Qui est responsable ?

L’interrogation majeure après le désastre de Valley Parade sera celle des responsabilités. En effet, les pompiers avaient prévenus en début de saison les dirigeants du club de la vétusté des tribunes et du danger de l’accumulation de déchets. Afin de mettre fin à cette pratique, une loi sera votée. Depuis, en Angleterre, il est interdit de fumer dans les tribunes en bois. Par ailleurs, celles-ci ont quasiment toutes été supprimées dans les années suivant le désastre de Valley Parade. En outre, les marches des stades outre-Manche sont désormais obligatoirement pleines, afin d’éviter l’accumulation intempestive de déchets sous celles-ci. Le toit bituminé a également été mis en cause, ayant potentiellement entraîné une plus grande inflammabilité de la tribune. Enfin, l’absence d’extincteur a été très fortement critiquée par l’opinion publique. En effet, si le danger avait été pris au sérieux immédiatement, il aurait pu être évité.

En 2010, près de vingt-cinq ans après le drame, l’histoire du désastre de Valley Parade a été ré-ouverte. Martin Fletcher, présent au stade ce jour-là alors qu’il n’avait que douze ans et qui a perdu plusieurs membres de sa famille, a mis en cause la responsabilité de l’équipe dirigeante de l’époque. Il conteste notamment le rapport de police de l’époque, et le paiement des assurances. En effet, le président du club aurait été plus ou moins complice, si ce n’est de l’incendie, au moins du mauvais état des tribunes, afin de toucher les assurances et de pouvoir rebâtir le stade à moindre coût et de s’en mettre plein les poches. Si son livre Fifty-Six : The Story of the Bradford Fire a été vivement critiqué, notamment pour la sensiblerie dont il fait preuve, il a néanmoins le mérite de rappeler que de telles tragédies peuvent arriver n’importe quand et n’importe où.

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