« Nos tribunes sont pleines de recruteurs des meilleurs clubs européens. Ils envoient leurs meilleurs scouts. » Fredi Bobic, le directeur sportif de l’Eintracht Frankfurt, se réjouit à juste titre de l’efficacité de son attaquant. Et pour cause, Luka Jović est en tête du classement des buteurs en Bundesliga.
Le cas Jović
Et Fredi Bobic peut se frotter les mains. Car son joueur risque de rapporter gros au club, sportivement et financièrement. Fait parfois ignoré, Luka Jović n’appartient pas à l’Eintracht mais au Benfica, du moins pour l’instant. Bloqué par Mitroglou, Jiménez et Jonas, il y est en effet prêté par le club lisboète pour deux saisons en 2017. Acheté sept millions d’euros à l’Apollon Limassol, dans une sombre histoire de droits contractuels impliquant Pini Zahavi, le Serbe atteint aujourd’hui les quarante millions de valeur marchande selon le site Transfermarkt. L’Eintracht devrait donc selon toute vraisemblance lever l’option d’achat à hauteur de sept millions d’euros. De quoi promettre au club une belle plus-value cet été, alors que Barcelone et Liverpool sont sur les rangs.
Il faut dire que Jović ne manque pas d’arguments. Commençons par les chiffres. Meilleur buteur de Bundesliga avec quinze unités, nous l’avons dit. Il est aussi le plus jeune joueur de l’histoire du championnat à y inscrire cinq buts. En prime, il s’illustre également en Europe puisqu’il est le deuxième meilleur buteur de l’Europa League. Luka Jović s’impose donc comme un joueur clef de la séduisante équipe de l’Eintracht Frankfurt. De plus, il s’était dès sa première saison à l’Eintracht attiré les faveurs du sélectionneur et a disputé une petite minute de la Coupe du Monde face au Brésil.
Avant cela, il fut le plus jeune buteur de l’histoire de l’Étoile Rouge de Belgrade, son club formateur. Probablement aussi un des plus rapides, son premier but ayant été marqué quelques 120 secondes après son entrée en jeu. En outre, il détient le record d’être le plus jeune joueur du derby de Belgrade entre le Partizan et l’Étoile Rouge, qu’il dispute à 16 ans.
Attaque Frankfurt
La verticalité est au cœur des idées de Adi Hütter, le coach de l’Eintracht. Un bloc haut, une faible possession de balle voulue, une défense à cinq, une contre-attaque éclaire, voilà la machinerie de Frankfurt sous le tacticien autrichien. La ligne haute force les longs ballons aériens adverses (l’Eintracht compte le plus de duels aériens gagnés). À partir de là, les trois défenseurs centraux organisent le jeu par des passes à tout prix verticales, dont le risque qu’elles engendrent est couvert par le nombre important de défenseurs. Le jeu s’organise prioritairement dans l’axe. Celui-ci est occupé tantôt par un double pivot ainsi que deux milieux offensifs centraux, laissant un seul attaquant axial (5-2-2-1), tantôt par un triangle et deux attaquants axiaux (5-3-2).
En attaque, l’Eintracht est très difficile à stopper. Si les adversaires ont tendance à bloquer l’axe, les excellents latéraux Kostić et da Costa prennent le relais, jouissant d’une plus grande liberté avec trois défenseurs dans leur dos. Le « triangle magique » que Luka Jović forme avec le Français Sébastien Haller et le finaliste du Mondial Ante Rebic, maintient son équipe dans le très disputé peloton des places européennes. Le Croate, en meneur de jeu, se montre très mobile entre les lignes et lâché de tout marquage. Le Français et le Serbe jouissent quant à eux de leur supériorité numérique – et souvent technique – pour finir les actions dans la surface.
Luka joue vite
Dans le 5-3-2 francfortois, Luka Jović se positionne aux côtés de Sebastien Haller. Polyvalent, il est également ce deuxième milieu offensif central dans le 5-2-2-1 de Hütter. À l’aise en faux neuf dans une double-pointe, sur les deux ailes ou en meneur, les aptitudes de ces différents postes ainsi que son ambidextrie en font un joueur très imprévisible. La philosophie de Hütter étant de déstabiliser l’adversaire par un jeu vertical dès la perte de balle, la vitesse et la capacité de dribbles du Serbe sont de bonnes armes.
Également à l’aise dans le jeu sans ballon, il optimise au maximum la supériorité numérique offerte par le dispositif. En effet, sa position préférentielle est de recevoir un centre tout juste à l’entrée de la surface. Là où Haller s’incruste jusque dans les six mètres adverses, Jović ralentit sa course entre les défenseurs et les milieux. Ainsi, quand il ne le fait pas en première intention, il ne lui faut que peu de touches de balles pour armer une frappe.
Défense à Serbe
Décisif toutes les 70 minutes, son efficacité est remarquable. Mais Luka Jović n’est bien sûr pas infaillible pour autant. Des équipes comme Leipzig ont su lui poser des problèmes et le rendre muet. Les défenseurs avaient décidé de le marquer de près dans les phases de transition, peu importe que cela occasionne ou non un déséquilibre dans leur positionnement. S’il recevait le ballon, alors une supériorité numérique était créée sur sa personne. De fait, ils le forçaient à s’excentrer et à passer en retrait. Et, bien sûr, l’espace qu’il chérit tant à l’entrée de la surface devait être occupé par une sentinelle ou un défenseur.
Mais un tel plan pour un seul joueur est exigeant et risqué, d’autant que les coéquipiers du Serbe ne sont pas des plots. Surtout, qu’il soit aussi exigeant à neutraliser montre bien l’étendue du talent de Luka Jović.