Dans un pays où le baseball est roi, un petit club de football d’une compagnie industrielle connaît une ascension lente mais certaine, à tel point qu’il compte aujourd’hui plus de supporters que son éternel rival. Pour son huitième épisode, Dans l’ombre d’un géant met le cap sur le pays du soleil levant.
Démarrage diesel
Le FC Tokyo est fondé par le plus grand fournisseur de gaz naturels à Tokyo. La justement nommée compagnie Tokyo Gas crée donc le Tokyo Gas FC en 1935. Cependant, le club reste insignifiant une bonne partie de son histoire et ne prend part qu’aux compétitions locales. N’étant en lice jusqu’en 1986 seulement en Tokyo Metropolitan League, leur promotion en Kanto League (divisions 5 et 6 japonaises) fait alors figure d’événement.
Mais le club ne compte pas en rester là. Le Tokyo FC gravit les échelons et accède vite à la seconde division, soit la Japan Football League (l’ancienne version représentait la division 2, aujourd’hui, la JFL est le quatrième échelon national, derrière la J.League 1, 2 et 3), dès 1992. Cette division n’est pas encore professionnelle, mais le club joue le haut du tableau jusqu’en 1998, où le Tokyo FC remporte la dernière édition de l’histoire de la JFL, avant la réforme du football japonais.
De l’eau dans le gaz
Malgré un succès croissant, le FC Tokyo reste éclipsé par l’autre club de la capitale nipponne, le Tokyo Verdy. Avec sept championnats, huit coupes de la ligue et cinq coupes de l’Empereur remportés, il s’agit du club japonais le plus titré. Il naît en tant que Yomiuri FC, lui aussi en tant que club de la compagnie du même nom. Le journal Yomiuri était d’ailleurs, en plus du quotidien le plus vendu au monde et donc propriétaire du plus grand club de football du pays, propriétaire de la plus grande franchise de baseball au Japon, les Yomiuri Giants, encore aujourd’hui possédés par l’entreprise.
Étant donné que le FC Tokyo n’a jamais affronté le Verdy pendant l’âge d’or du Yomiuri, le bilan des confrontations reste très équilibré. Il n’y a donc que peu de confrontations et quasiment aucune animosité entre les deux clubs, qui partagent d’ailleurs le même stade. En revanche, le Verdy n’a jamais été mieux classé que le FC Tokyo au XXI e siècle, soit depuis que ce dernier figure dans l’élite. Ce fait témoigne particulièrement du déclin soudain du Tokyo Verdy.
Second en 1995, septième en 1996, quinzième en 1997, et à partir de là un squat du ventre mou jusqu’à la relégation en 2005. Le club a véritablement chuté à partir du retrait progressif de Yomiuri de la propriété du club. Dans un premier temps cédées à la branche télévisuelle du groupe, ce qui a occasionné le changement de nom du club, les parts du club ont finalement été vendues en 2009 à la nouvelle compagnie de holding Tokyo Verdy créée pour l’occasion.
Plein gaz
Le FC Tokyo ne demandait pas moins que ce déclin du rival pour commencer à briller. Le club gagne donc une place dans le monde professionnel à l’aube du nouveau millénaire après ladite victoire en JFL 1998. Malgré cela, il reste factuellement à une division de l’élite, en J.League 2. Gagner la D2 et recommencer en D2. Peut-être se sentaient-ils lésés par cette réforme ? Quoi qu’il en soit, ils n’y passeront qu’une saison puisqu’ils finissent à une seconde place synonyme de promotion.
L’arrivée du FC Tokyo en J.League 1 marque un tournant dans le supporteurisme tokyoïte. En effet, l’ascension au même moment de l’équipe nationale caractérisée par la première phase finale d’une Coupe du monde de leur histoire en 1998 puis de la co-organisation de la Coupe du monde 2002 qui verra les Samurai accéder aux huitièmes de finales apporte tout un lot de nouveaux amateurs du ballon rond sur l’Archipel. Tokyo profite particulièrement de cette exposition. Les deux clubs de la capitale voient leur influence grimper de 60% pour le Verdy et de… 600% pour le FC Tokyo.
Ce dernier séduit donc davantage les nouveaux supporters. Il faut dire que si les deux clubs se positionnent dans le milieu de tableau en première moitié de la décennie 2000, cela est davantage synonyme de progression pour le FCT et de déclin pour le Verdy. Néanmoins, on note une très belle performance pour la ville en 2004, puisque le FC Tokyo remporte la Coupe de la Ligue, et le Verdy la Coupe de l’Empereur. En outre, le FC Tokyo attire pour son style de jeu. Entraînés par Hiromi Hara depuis 2002, les Bleus et Rouges pratiquent un jeu ouvertement porté vers l’offensive, avec notamment la star brésilienne Amaral, déjà présente lors du sacre en JFL 1998.
Énergie renouvelée
Preuve que l’héritage de cette époque perdure, le FC Tokyo forme un certain Yuto Nagatomo. Future star du pays avec 110 sélections, il rejoint l’Inter Milan en 2011 après un discours prononcé devant 25 000 supporters tokyoïtes. Il y disputera 210 matchs jusqu’en 2018 et est donc une des plus grandes fiertés du club nippon.
Alors que le Verdy plonge en D2 dès 2005, le FC Tokyo truste toujours le milieu de tableau avec quelques fulgurances en cinquième ou sixième position. Toutefois, le club rate le virage 2010 avec une relégation surprise. Cette sortie de route pour le moins temporaire insuffle suffisamment d’orgueil à l’équipe pour remporter la J.League 2 et la Coupe de l’Empereur l’année suivante. Ce sont à ce jour les derniers trophées en date du club.
Depuis, le club garde sa place dans l’élite japonaise même s’il stagne à nouveau au milieu de tableau. On note tout de même une honorable quatrième place et deux participations à la Ligue des Champions de l’AFC durant lesquelles ils ont atteint les huitièmes de finale. Mais surtout, le FC Tokyo maintient une affluence régulière de 25 000 personnes. C’est-à-dire au niveau de clubs tels que Strasbourg ou Crystal Palace, bien que les populations ne soient évidemment pas comparables.