Qui dit nouvelle croisière à la découverte de clubs plus en retrait à cause du quasi-monopole de leur rival dit nouvelles destinations plus atypiques, bien loin des cinq grands championnats européens. Restons dans le confort et le luxe de l’Occident pour cette première escale : cap sur Los Angeles. Dans l’ombre d’un géant, saison deux.
C’est une romance d’aujourd’hui
Aussi riche soit l’histoire de la MLS, elle s’étend indéniablement peu dans le temps. Sa formation remonte à 1993 et, depuis, plusieurs franchises se sont déjà succédées. On pourra donc difficilement faire un épisode plus ancré dans l’actualité. En effet, le « géant » en question ne joue que depuis 1996, soit depuis la première saison de MLS. Quant à son outsider, il foule les terrains de MLS pour la première fois en… 2018. Le Los Angeles Galaxy et le Los Angeles Football Club n’ont donc pas un historique de confrontations endiablées ou de luttes pour le titre mémorables très développé. Néanmoins, il est très intéressant de témoigner de la naissance de deux clubs et, qui sait, d’une rivalité historique. Chose à laquelle il est rare d’assister en Europe.
Évidemment, la Major League Soccer n’est pas tombée du ciel. Elle repose sur le terreau fertile du soccer américain apporté sur le Nouveau Monde dès le milieu du XIXe siècle. Dans la Cité des Anges, la première équipe professionnelle répond au nom des Kickers et date de 1955. Plus tard, on dénombre les Toros, les Wolves, les Aztecs ou encore le California Surf. Ces derniers jouaient dans la NASL (North American Soccer League), soit l’ancêtre de la MLS. Le football est donc implanté de longue date à Los Angeles. Mais avant l’avènement de Galaxy, peu de ses clubs connaissent le succès puisque les deux titres des Aztecs et le seul des Wolves constituent le maigre palmarès de la deuxième ville des États-Unis.
Les doyens du LA Galaxy
Galaxy est la franchise angelina de toujours en MLS (enfin, de toujours, des 23 saisons jouées jusqu’à présent). Elle prit en effet part à la saison inaugurale du championnat et ne l’a jamais quitté. Le nom se réfère aux stars de Hollywood, mais il peut désormais renvoyer au palmarès de la franchise. Pour cause, il s’agit de l’équipe la plus titrée en MLS avec quatre Supporters’ Shield (le championnat de la saison régulière) et cinq MLS Cup (l’issue des play-offs). À ceci s’ajoutent les deux coupes nationales et une coupe continentale.
LA Galaxy, c’est aussi des joueurs d’exceptions. Parmi ces franchise players, c’est-à-dire le joueur emblématique, selon le vocabulaire sportif américain, on peut citer pêle-mêle Cobi Jones, Landon Donovan, David Beckham et actuellement Zlatan Ibrahimovic. Le Galaxy n’a pas réellement eu d’âge d’or, ou du moins il est trop tôt pour le dire. Chaque saison, ils ont représenté un concurrent sérieux pour le titre et glané des trophées à intervalles réguliers.
Il ne sera donc pas chose aisée pour le Los Angeles Football Club de se faire un nom dans la Cité des Anges. C’est pourtant ce qu’espère la MLS. Son but est de créer un derby, une rivalité sur et hors des terrains à l’image de Londres, Milan voire, peut-on rêver, Buenos Aires. On observe d’ailleurs un travail similaire à l’est avec la création du New York City FC en 2013 qui participa à sa première MLS en 2015.
The Wings
Le Los Angeles FC est quant à lui fondé en 2014 et inauguré pour la saison 2018. Sa création intervient trois jours après la dissolution de l’ancienne franchise de la banlieue angelina : le Chivas USA. Filiale du Chivas Guadalajara depuis 2005, elle avait échoué dans sa quête d’attirer l’importante communauté hispanique de Los Angeles. La MLS a donc rachetée ses droits au propriétaire pour lancer une nouvelle franchise, cette fois au cœur de LA.
Entre donc sur la scène du soccer le très humblement nommé Los Angeles FC. La franchise est détenue par vingt-deux propriétaires, dont le célèbre Magic Johnson, qui ont à cœur de développer une marque et un projet sportif de grande ampleur. Cela passe par la conception d’une académie dernier cri et d’une équipe féminine en plus de l’équipe masculine que l’on imagine assez performante pour bien figurer en MLS. Concernant l’académie, Tom Penn, un des propriétaires principaux et président du club, a souligné l’importance de se positionner « agressivement » sur le sujet.
Ainsi, on ferme très vite l’académie de Chivas USA. Un nouveau centre indépendant sort de terre en 2016, avant même que le LAFC ait sa place en MLS, et s’agrandit à nouveau en 2017. Quant à l’équipe féminine, elle reste aujourd’hui « en discussion ». C’est du moins ce qu’affirme l’ancienne joueuse de l’équipe nationale et actuelle co-propriétaire du club Mia Hamm, sans plus de détails.
Marketing à califourchon
Outre les anciens supporters de Chivas USA, le LAFC cherche toujours à séduire la communauté hispanique. C’est probablement en ce sens que l’on doit comprendre la venue de Carlos Vela ou Diego Rossi dès la saison inaugurale. Toutefois, avec un design plus américain, la franchise cible également des supporters de tout Los Angeles, et pourquoi ne pas convertir même certains supporters de Galaxy. En d’autres termes, le club veut représenter la ville et son peuple.
Partant du fait que les quatre autre sports nationaux (bien que la Californie ne soit pas très touchée par le hockey sur glace) en plus de la vingtaine des franchises de soccer déjà existantes saturent le marché, il a fallu innover. C’est pourquoi le service marketing du LAFC cible aussi les Millenials qui sont plus nombreux que toute autre génération à s’intéresser au soccer. Par les nouveaux moyens de communication, le LAFC a réussi à vendre ses idées et ses objectifs avant de vendre des vrais produits. À titre indicatif, une bonne partie des abonnements étaient vendus avant même que la « Memorial Sports Arena » qui occupait le terrain soit abattue pour construire le stade.
D’ailleurs, la construction d’un stade était une nécessité pour le club. Le LAFC aurait pu jouer ses débuts au Coliseum mais celui-ci a accueilli pas moins de neuf clubs de soccer différents et même un club de baseball, pas vraiment l’idéal pour se forger une identité. Construit juste à côté pour la somme de 250 millions de dollars, le Banc of California Stadium est inauguré fin avril 2018. Si la saison de MLS débute en mars, le LAFC n’a cependant pas eu recours à un stade temporaire et a simplement commencé la compétition avec six matchs à l’extérieur de suite.
« El trafico »
2018 a donc été l’occasion de voir la naissance d’un derby. Il y en eut précisément trois, tous en MLS dans le cadre de la saison régulière, où chacun affronte deux ou trois fois les adversaires de sa propre conférence et une fois les adversaires de l’autre conférence. Les fans surnomment ce derby « El Trafico ». Ce nominatif non dépourvu d’ironie renvoie à la fois à la gestion catastrophique du trafic angelino ainsi qu’au terme espagnol « El Clasico » destiné à ce type de match.
L’histoire retiendra que le premier « Trafico » fut remporté par le LA Galaxy au bout d’un palpitant 4-3 au StubHub Center alors que les Wings menaient de trois buts. C’est aussi le premier match américain de Zlatan Ibrahimovic. Il le concrétise par une entrée à vingt minutes du terme et deux buts dont une reprise de volée d’anthologie à 40 mètres du but pour donner la victoire à son club. Les deux autres derbys connaissent la même issue : matchs nuls.
Néanmoins, le LAFC gagne cette saison la bataille des comparaisons indirectes. Avec une honorable troisième place synonyme de play-offs, il se positionne devant le LA Galaxy et sa septième place, qui lui ne participera pas aux play-offs. Toutefois, le LAFC est éliminé dès sa première confrontation. Cela reste une saison inaugurale très satisfaisante. On attend cependant la première victoire en derby, et bien sûr le premier titre. Mais l’histoire du LAFC n’en est qu’à sa préface…