Vainqueurs de la Coupe du Monde à deux reprises, les français font désormais partie des nationalités respectées du football mondial. Pour autant, il n’en a pas toujours été ainsi. Retour dans le passé et gros plan sur les débuts compliqués du football en France.
Des îlots de résistance au football
Le football français a une implantation initiale assez particulière entre la fin du XIXème siècle et la Grande Guerre. Il est bien sûr extrêmement populaire en Normandie. Les marins britanniques fondent ainsi le HAC, le club doyen, en 1872. Le Havre prendra sa forme sportive actuelle quelques années plus tard, en 1894. Mais le sport reste en proie aux marins britanniques et aux émigrés pendant de nombreuses années. En région parisienne, la majorité des clubs sont fondés par des Écossais, des Anglais ou même des Suisses.
Ainsi, la majorité des clubs sportifs pratiquant « l’association » – le nom historique du football – ont des débuts très liés avec la langue de Shakespeare. C’est en effet bien souvent sous l’impulsion de Britanniques ou de professeurs d’anglais que naissent les premières associations de football. En province, on note cependant également l’influence des banquiers Suisses. À Cette – aujourd’hui Sète –, c’est par la rencontre d’un enseignant et d’un Helvête que le FC Cette voit le jour.
On note également l’importance des patronages catholiques, et ce notamment dans le Sud-Ouest. Alors qu’un autre type de foot-ball, le rugby, est privilégié – notamment parce qu’il prône l’amateurisme –, l’Église encourage de son côté le ballon rond. Elle le juge notamment moins dangereux et surtout plus facile à mettre en place : deux équipes de onze joueurs contre deux équipes de quinze, plus des remplaçants quasi-obligatoires. Le football se popularise globalement au nord d’une ligne Le Havre-Marseille ; séparation qui reste encore visible, dans une certaine mesure, aujourd’hui. Au sud de cette ligne, le rugby est roi.
Le jeu de la capitale
Malgré tous les efforts de toutes les institutions locales, le football, à ses débuts, fait face à une opposition très virile. Nous avons vu dans le Sud-Ouest l’importance de ce que l’on nomme aujourd’hui le rugby. Mais en province, notamment dans le Grand Ouest, c’est au cyclisme que l’association doit se frotter. En effet, le vélo est fortement ancré dans la culture populaire française – et ce phénomène est encore valable aujourd’hui. Les raisons sont multiples. En vrac, le cyclisme est plus facile à déporter à la campagne : une compétition cycliste traverse plus de territoires qu’un match de football, qui se cantonne sur un hectare, souvent protégé par des tribunes.
Le ballon rond doit donc exister concurremment avec la bicyclette. Et ce n’est pas un hasard si, en 1944, quand les Anglo-Américains débarquent en France, il leur est recommandé de se prêter aux us et coutumes cyclistes. On peut ainsi lire dans le guide confié aux GI’s pour se fondre dans le terrain que le football et la bicyclette sont les deux sports favoris des Français. Et même si le vélo perd du terrain, face notamment aux scandales de dopage, il reste, notamment grâce à la présence de l’épreuve-reine de la compétition sur le territoire métropolitain, très fortement présent en France.
Mais revenons au début du siècle. En province, le football est vu comme un jeu d’étranger, comme le jeu de la capitale, et non pas comme un jeu local. En effet, c’est avant tout un sport étranger. Dans un pays marqué par une forte, et même très forte, ruralité ; c’est un point extrêmement négatif. Nombreux sont ceux qui rejettent ce sport des élites au profit des valeurs de l’amateurisme. Ironie du sort, le cyclisme, porté aux nues pour ce point, est en France le premier sport à devenir officiellement professionnel.
La scission entre fédérations
Mais ce qui va rendre les débuts du football très compliqués en France, c’est la scission entre les différentes fédérations. La FFF, telle que nous la connaissons aujourd’hui, ne voit le jour que le 7 avril 1919. En guise de comparaison, la DFB, la Deutscher Fußball-Bund, est créée en 1900, soit près de deux décennies plus tôt. Cette différence chronologique extrêmement importante explique notamment pourquoi les équipes nationales françaises se font régulièrement corriger face aux équivalents anglais (quarante-huit buts encaissés, un seul marqué, sur les quatre premiers affrontements), belges (quinze encaissés, trois marqués en trois matchs) et surtout danois (17-1 et 9-0 lors des Jeux Olympiques 1908).
En effet, le football français est en proie à des guerres intestines qui empêchent la sélection des meilleurs joueurs, tels Gabriel Hanot, pour une question d’allégeance. Les sélections, souvent connues par voie de presse, ne parviennent pas à tous les joueurs. Et les militaires ont rarement les délais suffisants pour quitter leurs quartiers.
Le CFI, le comité français interfédéral, fondé en 1907, est la première tentative d’union des fédérations en France. Toutes les fédérations gérant le football français sont réunies, sauf l’USFSA – la plus importante – et la FSAPF. Celles-ci ne se fondront au sein du CFI que lorsqu’il deviendra la FFF. Mais les fédérations ne disparaissent pas au sein du CFI : elles restent indépendantes et existent concurremment. Elles ne font qu’organiser leurs évènements en accord les unes entre les elles. C’est néanmoins sous l’influence du CFI que le football français va prendre sa forme actuelle, et notamment sous l’influence de son secrétaire général, Charles Simon, fondateur en 1917 de la Coupe de France.