Leader de la Bundesliga, Dortmund est l’attraction européenne de la mi-saison. Si les suiveurs de la Ligue 1 ne sont pas surpris par la réussite de Lucien Favre avec plus de moyens, tous les amateurs du ballon rond s’accordent en tout cas pour déguster chaque match du BVB. Décryptage du jeu des Borussen.
Une relève bienvenue
L’arrivée de Favre fait figure de véritable bouffée d’oxygène dans la Ruhr. Il faut dire que le BVB a eu toutes les peines du monde à assurer l’après-Tuchel. Peter Bosz puis Peter Stöger n’ont jamais instigué aux Borussen ni résultat ni jeu. Pourtant en réussite sur ce point à l’Ajax, le technicien hollandais a échoué pour plusieurs raisons. La plus apparente est le nombre de joueurs absents. Reus, Götze, Schürrle, Piszczek, Schmelzer et Guerreiro remplissaient l’infirmerie quand l’équipe ne rapportait que trois points lors des huit derniers matchs de Bosz. De plus, il y a eu une incapacité à gérer l’engouement et l’attente générée par un départ tonitruant. Bosz était devenu le premier coach à réaliser la performance de n’encaisser aucun but lors des cinq premiers matchs de Bundesliga. Peu de temps après, le BVB s’était écroulé aussi bien en Ligue des Champions qu’en Bundesliga.
Deux paramètres défaillants qui ne touchent pas jusqu’à présent Lucien Favre. Le blessé malheureusement emblématique des Borussen, Marco Reus, enchaîne les matchs et les performances. Actuellement, par exemple, seul Schmelzer récupère d’une fracture à la cheville mais Hakimi le remplace, et avec la manière. Quant à l’engouement, il ne fait que s’intensifier mais Lucien Favre continue de distribuer les leçons de tactique. Ajoutez à cela les révélations de Bruun Larsen, Sancho ou Diallo, et vous obtenez un Dortmund qui demeure invaincu en Bundesliga.
Yellow Submarine
Si les ratios phénoménaux de Jadon Sancho et Paco Alcácer n’auront échappé à personne, le BVB peut néanmoins compter sur une bien plus large palette d’atouts. D’ailleurs, ils sont seize Borussen différents à avoir inscrit un but cette saison. Mais l’atout capital se trouve sur le banc. Lucien Favre a ce talent pour masquer les points faibles de ses équipes, et ça ne manque pas avec Dortmund. L’exemple le plus parlant est celui de la relance. On remarque que le BVB apprécie le recours au gardien pour débuter la construction. Celle-ci s’appuie ensuite sur le quatuor que forment les deux centraux ainsi que le double-pivot avant de trouver un joueur libre. Ainsi, les longs ballons sont très peu utilisés, et les passes aériennes encore moins. Cela correspond bien sûr à la philosophie qu’avait développée Favre à Nice, mais surtout, cela camoufle les faiblesses de son effectif sur les ballons aériens.
Sang froid
Un autre exemple génial est le comportement du BVB dans la défense en avançant. Risquée sur le papier, cette phase de jeu est premièrement très organisée mais est aussi et surtout la meilleure chose à faire, les Borussen n’étant pas en capacité de défendre les assauts sur leur surface regroupés en bloc bas. Alors, tout le génie de Favre prend forme. Les montées au pressing sont intenses, bien coordonnées et aucune zone n’est délaissée grâce à la transformation du 4-2-3-1 en 4-4-1-1 avec les ailiers qui s’alignent sur le double-pivot.
Puis, à la récupération, les coéquipiers de Marco Reus ne cèdent évidemment toujours pas aux balles longues. Des joueurs comme Witsel ou Bruun Larsen usent de leur capacité à effectuer un dribble de dégagement pour ensuite mieux exploiter l’espace d’une passe précise. D’autres comme Jadon Sancho peuvent totalement retourner la défense adverse de plusieurs dribbles rapides – sans pour autant céder à la précipitation – et libérer de la place pour l’attaquant ou l’ailier. De fait, les transitions représentent l’arme la plus dangereuse du Borussia.
Marco réussit
Formation la plus utilisée de Lucien Favre cette saison, le 4-2-3-1 des Schwarz-Gelben penche – sans être une mauvaise chose – légèrement à gauche. On doit cette inclination vers l’aile gauche notamment au fait que Bruun Larsen et Hakimi sont de très bons joueurs de ballon, mais surtout parce que c’est le côté que préfère Marco Reus pour se projeter. En effet, le BVB peut cette année compter sur la star native de Dortmund pour organiser son jeu. Lui qui est pour l’instant – et, par pitié, le plus longtemps possible – épargné par les blessures se distingue comme le meilleur Borussen de cette mi-saison.
Marco Reus dispose d’une très grande indépendance au sein de la disposition de Lucien Favre. S’il est positionné en tant que numéro 10 dépositaire du jeu, il est cependant libre de combiner avec et sur les ailes, de distribuer les caviars d’un peu plus bas en descendant entre les deux milieux ou même de prendre la profondeur lorsque les combinaisons à trois avec Bruun Larsen (ou Hakimi si celui-ci rentre dans l’axe) et Witsel le permettent. C’est pourquoi l’animation offensive du BVB a lieu la plupart du temps sur les ailes. Et plus particulièrement sur l’aile gauche, quand celle de droite essaye de déstabiliser le reste de la défense.
Malgré un tel attrait pour les côtés, Dortmund est l’équipe qui centre le moins de Bundesliga (treize centres en moyenne par match). En fait, les offensives borussen se terminent par un revirement dans l’axe. D’ailleurs, les deux meilleurs buteurs – et de loin – du club, Reus et Alcácer, sont axiaux.
Le titre pour Dortmund ?
L’écart entre les performances de Dortmund et celles du Bayern, bien mis en évidence par le Klassiker au Signal Iduna Park, autorise au BVB quelques faux pas avant de voir sa place de leader menacée. Si Lucien Favre assure ne pas regarder le classement et rester concentré sur ses matchs, il est tout de même clair que les Borussen peuvent viser le titre. Et ils semblent en avoir les capacités.
Avec vingt-trois expected goals pour trente-cinq buts réels, il se peut que le BVB (et en particulier Alcácer) soit dans une phase de sur-performance et de réussite. Néanmoins, cette phase se prolonge et la tactique est on ne peut plus solide. De plus, Dortmund est une équipe jeune, qui peut donc s’améliorer. Si le groupe parvient à bien encaisser et se relever d’une éventuelle première défaite ou d’une période moins favorable, il aura toutes ses chances pour le titre.
Le Nice 2016-2017 de Favre n’avait pas su garder sa première place acquise en début de saison. Mais il ne s’était pas non plus écroulé, et faisait face au formidable Monaco de Jardim. Qu’en sera-t-il de son Dortmund 2018-2019 ?