Le milieu de tableau. Certainement pas ce dont rêvait le club le plus riche du monde. Pourtant, à l’approche de la mi-saison, les Red Devils accusent une médiocre septième place, bien loin du reste du Big Six. Alors, qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez Manchester United ?
Le Loup de Wall Street
Bonne nouvelle, ce n’est pas une question d’argent. Signe de la pérennité de ses finances, United est depuis 2012 le premier club de soccer à être coté à Wall Street. Un coup d’œil sur les bilans économiques du club nous indique une croissance sans faille. Et ce, en dépit des années récentes plus ternes sportivement.
Manchester United, comme tous ses concurrents, dispose de trois types de revenus principaux. Premièrement, les bénéfices d’un jour de match. Malgré le jeu pratiqué pas toujours alléchant, malgré les résultats moins reluisants, ceux-ci sont stables sur toute la décennie. Viennent ensuite les recettes dues aux droits télévisuels. Ce n’est pas un secret, la Premier League est un monde à part sur ce point. De plus, les Red Devils sont souvent mis dans d’excellentes conditions de diffusion, encore plus que le champion City. Les jours, les horaires – United ne figure que très peu dans les multiplex du samedi seize heures – et les chaînes choisies vont souvent dans le sens des mancuniens. Enfin, les retombées économiques liées à la marque MUFC sont colossales. Des contrats à très longs termes sont en vigueur avec Chevrolet et Adidas et des stars comme Pogba permettent à « MU » de figurer à la première place des clubs vendant le plus de maillots.
Premier de la classe
Ainsi, Manchester United a généré au-delà d’un milliard de livres de plus que City, qui devance déjà assez largement les autres clubs de Premier League. Cela est aussi dû à une très bonne gestion des dépenses. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le club contrôle bien l’inflation de ses salaires. C’est d’autant plus remarquable quand on sait que United possède la plus grosse masse salariale de tous les clubs, derrière le Barça. En outre, les intérêts payés sur les prêts des Red Devils sont en constante baisse depuis 2008. Une telle gestion est nécessaire, car le club ne génère que très peu de profit sur les ventes de joueurs. Depuis le départ de Ronaldo, ces bénéfices n’excèdent pas les £25M par an : les joueurs repartent pour moins cher qu’ils ne sont venus.
De fait, Manchester United possède une énorme puissance financière. Si grande qu’elle ne dépend pas, à court et moyen termes, des performances sportives des joueurs. Et comment dire… Heureusement ?
Sur le terrain…
Peu flamboyants aussi bien dans le jeu que dans les résultats, c’est bien sur le rectangle vert que les Red Devils s’attirent la foudre des critiques. Malgré des difficultés évidentes et contrairement à ce qui a pu être dit, le jeu de Mourinho ne souffre pas d’un manque d’identité. Ses idées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, restent identifiables. On observe toujours le 4-3-3 traditionnel du Mou, sa formation favorite avec le 4-3-2-1.
Sans le ballon, ce 4-3-3 peut devenir un 4-1-4-1. Le coach lusitanien insiste pour avoir un bloc médian avec des milieux qui pressent haut. Il arrive d’ailleurs à ce pressing de créer une instabilité, mais nous y reviendrons plus tard. Une fois le cuir récupéré, le jeu s’oriente vers un 3-4-3. La sentinelle descend auprès de ses centraux pendant que les latéraux partent au large. Dans le cas d’une remontée du ballon par le sol, des triangles entre le latéral, le relayeur et l’ailier se forment pour une progression fluide et valable sur les deux ailes. Nous voilà alors arrivés dans le dernier tiers. Ici, Lukaku se sert de son gabarit et de son sens du positionnement pour attirer au moins deux défenseurs sur sa personne. Ce qui génère – théoriquement – un bon lot d’opportunités que ce soit sur les ailes ou dans l’axe.
Voilà pour la théorie. En pratique, les Red Devils se permettent souvent des phases de transition moins reluisantes. Avec Lukaku, Fellaini ou encore Pogba, il est tentant d’exploiter le jeu aérien. Une solution d’autant plus prisée par les Mancuniens compte tenu de leurs difficultés à se sortir d’un pressing. Moins attrayant que la relance de Guardiola, les transitions de Klopp ou les diamants de Sarri et même comparé au kick & rush, ce style vaut à Mourinho pléthore de critiques.
Old Trafford, Old Method
Mais si les transitions étaient les seuls maux de United, les supporters en seraient déjà ravis. Défensivement, le pressing des milieux mentionné plus haut peut poser problème. S’il échoue, c’est toute une équipe qui se retrouve coupée en deux alors que les assaillants adverses s’approchent de la surface de De Gea. La ligne arrière, déjà abandonnée par ses sentinelles, souffre en plus de carences en termes d’alignements défensifs. Bref, toute l’animation défensive est à revoir. Ces difficultés se ressentent grandement sur les statistiques. United encaisse 1.75 but par match contre 0.74 durant la saison dernière avec un De Gea en excellente forme. Un comble pour Mourinho, à qui on attribuait une solidité défensive à toute épreuve.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la clef pour résoudre les problèmes défensifs pourrait être l’arme offensive de United. Les deux rencontres – qui se sont suivies – contre Newcastle puis Chelsea en sont les exemples parfaits. A deux reprises, les mancuniens ont été menés à la pause. A deux reprises, ils sont revenus plus conquérants dans l’esprit comme dans la tactique et ont repris l’avantage en seconde mi-temps. Sitôt que les attaquants et les latéraux sont libérés et non plus obsédés par la défense, tout fonctionne mieux. Les talents de Martial, Mata ou Rashford ressurgissent, Lukaku redevient le puissant et mobile avant-centre qu’il est en sélection, et le jeu en ressort gagnant. La défense aussi.
MourinhOUT ?
Mourinho, dépassé selon ses détracteurs, pourrait être débarqué par le board s’il ne montre pas d’amélioration significative. Pourtant, cela restreindrait évidemment les options quant au choix de son remplaçant. Sur la short-list des tacticiens libres, on retrouverait Antonio Conte. Expérimenté et vainqueur de la Premier League avec Chelsea, il sait vaincre les grosses comme les petites écuries. Cependant, le système à 3 défenseurs, son fer de lance, semble délicat d’application à United tant les options à ce poste sont faibles. De plus, les équivalents mancuniens de Kanté ou Hazard, même à moindre mesure, n’existent pas.
Autre option souvent mentionnée par les médias outre-Manche : Zinédine Zidane. L’arrivée du Français créerait un engouement gigantesque que les finances et les terrains de Manchester sauront apprécier. Quant au vestiaire, l’ancien Madrilène sait gérer les égos et semble plus « United-compatible » que son homologue italien. Outre le point commun du 4-3-3, son système de pressing est en effet comparable à ce que souhaiterait faire Mourinho.
On pourrait trouver un autre frenchy pour le banc d’Old Trafford en la personne de Laurent Blanc. S’il a su prouver par le passé ses talents de coaching à Bordeaux et à Paris, se caractérisant par une philosophie tactique affirmée (entêtée, parfois ?), il n’a cependant pas entraîné depuis 2016 et est privé de son emblématique adjoint Jean-Louis Gasset, en poste à Saint-Étienne. Si Mourinho est éjecté et qu’aucun de ces noms n’est son remplaçant, on peut alors imaginer que le board mancunien opérerait un choix plus risqué. Pourquoi ne pas aller piocher chez les anciens de la maison ? Ryan Giggs et Michael Carrick sont en pleine reconversion…