Que serait un tour des États-Unis sans une visite sur la côte ouest ? Cette semaine, Carnets de voyages atterrit à Los Angeles, ville d’un club qui aura vu des personnages illustres tels que George Best, Johann Cruyff, Rinus Michels et… Elton John. Bienvenue chez les Aztecs de Los Angeles.
Un docteur fanatique de soccer
Tout commence en 1974 avec une série de matchs amicaux internationaux au Los Angeles Memorial Coliseum. Des équipes telles que la Pologne ou le Mexique s’affrontent avant de préparer la Coupe du Monde qui doit se dérouler en Allemagne de l’Ouest la même année.
Si le lieu de ces amicaux semble original, c’est parce qu’il a été choisi par un groupe d’amateurs de soccer américain. En effet, c’est le Dr Jack Gregory et ses amis qui ont invité à leur charge les sélections à venir jouer dans la gigantesque antre angelena de près de 94 000 places.
Le docteur ne rêve que d’une seule chose : amener dans sa ville le sport qu’il aime tant. Alors, dès qu’il entend qu’une expansion se libère en NASL, il n’hésite pas à appeler le président de la ligue pour lui faire part de son projet de créer un club. Il lui suffit de payer la franchise et voilà. Les Aztecs de Los Angeles sont nés.
Wolverhampton à L.A.
Les Aztecs ne sont pourtant pas le premier club de soccer professionnel de L.A. Avant eux, deux équipes se partagent le Coliseum : les Toros et les Wolves de Los Angeles.
Si cette dernière vous rappelle une certaine équipe anglaise, c’est normal : en 1967, deux projets de ligues éclosent. La première est la NPSL. Elle accueillera l’autre club de Los Angeles, les Toros, ainsi que les Chiefs d’Atlanta ou les Stars de Saint Louis. La deuxième est l’USA (United Soccer Association), et son histoire est particulière.
L’USA voulait absolument voir le jour avant la NPSL. Elle s’est alors vue dans l’obligation d’importer des équipes européennes ou sud-américaines plutôt que de chercher des initiatives locales. Ainsi, elle a demandé à des clubs dont Wolverhampton, Cagliari, Aberdeen ou Sunderland s’ils souhaitaient posséder une franchise outre-Atlantique. Wolverhampton choisit Los Angeles et les Wolves.
Durant leur première saison en USA, les Wolves s’imposent dans leur division et gagnent même la coupe contre les Washington Whips (franchise d’Aberdeen). L’année suivante, l’USA et la NPSL fusionnent et deviennent la ligue qui nous intéresse aujourd’hui : la NASL. N’ayant plus de raison d’exister, les Wolves sont dissouts après seulement deux ans. Wolverhampton, en revanche, réitèrera l’expérience en NASL avec les Spurs de Kansas City.
Aztecs, ou l’appel du sud
Le Dr Gregory et sa femme décident d’appeler leur club les Aztecs. Ils espèrent ainsi s’attirer les faveurs des communautés mexicaines friandes de football mais encore très attachées à leurs clubs mexicains. Ils cherchaient par ailleurs un nom qui puisse donner l’image d’une équipe coriace et combattive. Pour le Dr, les Aztecs « possédaient une merveilleuse histoire de combattants » : il espérait ainsi que ses joueurs s’inspire de cet ethos.
Les premiers matchs des Aztecs se déroulent justement contre des clubs mexicains : Club América, C.F. Monterrey, Pumas UNAM… « Nous avions beaucoup de supporters issus de la communauté latine, mais ils supportaient toujours les équipes mexicaines, pas nous ! » se rappelle Gregory. Malgré cela, les Aztecs trouvent tout de suite un public. Avec environ 5 000 spectateurs par match, ils se placent un peu au-dessus de la moyenne de NASL.
Une première saison brillante
Lors de la première année de leur existence, l’année 1974, les Aztecs roulent sur leur division et sur la NASL tout entière. Ils gagnent la finale du Soccer Bowl contre les Toros de Miami (rien à voir avec les Toros de Los Angeles, qui est devenu par la suite les Toros de San Diego). Ce match est historique : c’est le premier a être télédiffusé aux États-Unis.
Après avoir tout gagné, le Dr Gregory, abasourdi par ce succès, décide de vendre le club :
Le club a grandi tellement vite qu’il m’a échappé des mains. J’étais encore docteur, je pratiquais la médecine à plein-temps, je n’aurais jamais pu m’en occuper après ça.
Sir Elton John et George Best
Le nouveau propriétaire, John Chaffetz, organise un grand coup dès son arrivée en 1975. Il annonce que Sir Elton John est co-propriétaire de la franchise. Le chanteur anglais dira dans une interview que le Los Angeles est comme « une deuxième maison » pour lui. L’artiste est aussi passionné de football (il est d’ailleurs président à vie du club de Watford).
À peine arrivé à Los Angeles, Elton John fait déjà des miracles. En 1976, il convainc George Best de sortir de retraite pour venir jouer dans son équipe. Cette signature de renom vient faire concurrence aux Cosmos de New York, qui ont fait signer Pelé l’année d’avant. Les deux légendes s’affrontent d’ailleurs le 11 avril 1976 devant 29 232 spectateurs au Coliseum de Los Angeles. Les Cosmos remportent le match 1-0.
Georgie Best marque beaucoup. En 1976, c’est 15 buts pour 26 apparitions. C’est aussi 18 passes décisives, dont un certain nombre pour le meilleur buteur de la ligue, Steve David (26 buts).
Malheureusement, l’histoire ne dure pas. En 1978 (le club aura été vendu une nouvelle fois entre temps), Best est suspendu sans paye pour son attitude. L’Anglais est alcoolique et ne vient plus aux entraînements. Ceux auxquels il assiste sont complétement ratés. Il est finalement transféré vers les Strikers de Fort-Lauderdale la même année.
Le football total à L.A.
EN 1979, les Aztecs secouent le monde du football en annonçant l’arrivée de deux géants venus remplacer Best : Johann Cruyff et son maître, Rinus Michels. Ce sont eux qui, avec leur style de football total, emmenèrent la sélection des Pays-Bas en finale de la Coupe du Monde 1974.
Rinus Michels vient en tant que coach et Cruyff est toujours sur les terrains. Le premier restera deux saisons, tandis que le deuxième ne portera le maillot des Aztecs qu’une seule année. Cruyff sera tout de même élu Most Valuable Player de la saison 1979.
Vente et instabilité
Malgré ces renforts, l’équipe manque d’identité. Elle se retrouve tiraillée entre l’Angleterre d’Elton John et de Best, les Pays-Bas de Michels et Cruyff, les États-Unis et le Mexique.
Le club est racheté une nouvelle fois fin 1979 par une chaîne de télévision mexicaine, Televisa. Les nouveaux propriétaires décident de vendre sur-le-champ Cruyff aux Diplomats de Washington. Les audiences s’en ressentent. Même si l’équipe est encore compétitive en 1980 grâce à son attaquant brésilien Luis Fernando, l’atmosphère qui l’entoure est proche du néant. Les Angelinos ne vont plus au stade, principalement parce que celui-ci change systématiquement. Durant leur sept ans d’existence, les Aztecs auront connu cinq stades différents.
Une nouvelle tragique vient finalement ponctuer l’histoire des Aztecs. Leur entraîneur de l’époque, Claudio Coutinho, meurt dans un accident de plongée le 27 novembre 1981 à seulement 42 ans. Deux semaines plus tard, le club annonce sa dissolution.
Aztecs, Chivas USA, L.A. Galaxy
Si l’histoire peut nous apprendre quelque chose, c’est que l’on tend à refaire toujours les mêmes erreurs. Le modèle très ambitieux mais trop international de la NASL aura été à la fois son succès et sa chute. Dans sa course aux grands noms, il aura oublié le plus important : pérenniser le marché local, l’économie et surtout, le développement sportif. Ces erreurs se manifestent encore aujourd’hui avec le défunt club Chivas USA, dont l’ambition était de rassembler les communautés mexicaines présentes à Los Angeles. Désormais, c’est le Los Angeles Galaxy de Zlatan Ibrahimović qui fait parler de lui, comme on a pu parler de Georgie Best ou de Johann Cruyff auparavant.
Oui, la MLS souhaite à tout prix s’inscrire dans la durée. Mais elle rencontre malgré cela les mêmes problématiques que ses prédécesseurs. À elle désormais de créer les fondations nécessaires pour le soccer américain.