Quand on remonte l’histoire du football, on découvre des histoires originales, étonnantes ou surprenantes. Parmi celles-ci, il y a celle de Preguinho.
Multisport
Pour parler de Preguinho, il ne faut pas parler que de football. Il serait même plus juste de comparer Preguinho avec Bob Hayes, vainqueur du Superbowl sous le maillot des Cow-boys de Dallas et détenteur du record du monde du cent mètres (dix secondes), ou bien Lev Yashine, hockeyeur de haut niveau en parallèle de sa carrière de footballeur, qu’avec des grands attaquants de l’époque comme Arthur Friedenreich. Pourtant, Preguinho était lui aussi un attaquant. Et lui aussi, il était, racé, buteur, brésilien. Leurs années d’activité se recoupent, même. Preguinho est un peu plus tardif. Il joue de la deuxième moitié des années vingt jusqu’à la guerre, quand Friedenreich commence en 1909 et prend sa retraite en 1935.
Preguinho, de son vrai nom João Coelho Netto, voit le jour le 8 février 1905, à Rio de Janeiro. Il est le fils de l’écrivain Coelho Netto, auteur notamment du Raja du Pendjab en 1898 et du Roi Nègre en 1914. La mère de Preguinho, Maria Gabriela, est, elle aussi, plutôt lettrée. En effet, elle est professeure de piano. Preguinho est d’ailleurs un assez bon joueur de piano, avant d’être un joueur de football et un sportif accompli. Dans sa jeunesse, il se produit lors des auditions de sa mère. Mais il ne prend pas de plaisir particulier à alterner les blanches et les noires sur le clavier.
Le plaisir, João le trouve dans le sport et la culture physique. Il arpente, au pas de course, les rues de Rio et les squares. Dès qu’un match de football se dispute, il est de la partie. Il n’est pas rare de le voir nager, en eau vive ou dans les piscines de la ville. Bref, Prego n’est pas un intellectuel mais un sportif.
L’art et la manière
La carrière de Preguinho est intimement liée au club multisport à l’époque de Fluminense. En effet le jeune homme est engagé dans plusieurs sections du club. Football, évidemment, mais aussi athlétisme et natation. C’est dans cette dernière catégorie qu’il s’illustre en premier. Nous sommes au printemps 1925, et Preguinho vient de fêter ses vingt ans. Avec Fluminense, il participe à sa première compétition officielle pour adultes : le championnat de natation de Rio de Janeiro 1925. Engagé dans les moyennes et longues distance, il remporte le six-cent mètres nage libre. Quelques semaines plus tard seulement, sa carrière va prendre son envol dans un autre sport, le football.
Nous sommes au mois d’avril 1925. Fluminense reçoit Bangu, à domicile, à l’Estádio das Laranjeiras, un stade où le premier but a été inscrit par Arthur Friedenreich. Les attaquants habituels du Flu sont absents, et Preguinho est titulaire à la pointe de l’attaque. S’il ne marque pas, il réalise un bon match qui lui permet de se faire une place dans l’effectif du club brésilien. Un match très symbolique, au-delà de ça, pour Preguinho. En effet, son frère, Mano, avait été joueur du club au début des années 1920, avant de décéder d’une hémorragie interne à la suite d’un coup reçu alors qu’il portait les couleurs de Bangu.
Pour honorer la mémoire du jeune homme décédé en 1922, Bangu offre au début du match un portrait de Mano à Preguinho. Mais Preguinho, bien que très ému, sera sans pitié au cours de sa carrière contre Bangu. En effet, au soir de sa retraite et au moment de faire les comptes, Bangu apparaît comme l’adversaire favori de Preguinho, auteur de dix-sept buts contre eux. Pour sa première saison, Prego remporte le Torneio Inico de Rio de Janeiro avec Fluminense.
Champion
Un titre qui se suivra de trois championnats Carioca dans les années 1930. Mais sa légende, Preguinho va aussi l’écrire avec l’équipe du Brésil. Il rentre dans la mémoire des gens, en tant que footballeur, à l’été 1930. Sélectionné dans les vingt-quatre brésiliens pour le mondial, il inscrit le tout premier but de l’histoire du Brésil en Coupe du Monde. Certes, le Brésil s’incline 2-1, mais, brassard au bras – le premier de l’histoire de la sélection brésilienne en Coupe du Monde -, Preguinho peut s’enorgueillir d’être celui qui a montré la voie à Pelé, à Garrincha, à Ronaldo et à tous les grands joueurs qui lui succéderont. Sous le maillot du Brésil, il inscrit quatre buts en trois matchs, entre l’été 1930 et l’année 1932.
Champion, le milieu très offensif ou avant-centre continuera de l’être dans tous les autres sports qu’il pratique. Il rapporte en effet en vingt ans la bagatelle de trois-cent-quatre-vingt-sept médailles à Fluminense ! En prime, il s’offre cinquante-cinq médailles d’or parmi celles-ci. Les sports pratiqués sont aussi divers que possible. Football, bien sûr, mais aussi natation, aviron, water-polo, saut artistique, athlétisme, basketball et volleyball. L’échec est un mot quasiment inconnu pour lui, sauf en hockey à roulettes et en tennis de table, où il ne remporte aucun titre au cours de sa longue carrière. Même les super-héros ont des défauts.
Après sa retraite, Preguinho continuera à apporter beaucoup au Fluminense, son club de toujours avec lequel il a marqué cent-cinquante-trois buts en cent-soixante-quatorze matchs. En effet, le fils de Coelho Netto deviendra directeur sportif du club de Rio de Janeiro, puis membre d’honneur du comité de direction, jusqu’à sa mort, le 1er octobre 1979, chez lui, à Rio, à la suite de problèmes pulmonaires. Dans l’anonymat, mais avec la satisfaction d’avoir laissé son nom gravé dans le marbre de l’histoire.