Tous les mardis, Carnets de voyage vous fait découvrir une nouvelle destination du soccer américain. Cette semaine, notre périple nous fait nous arrêter en Floride, terre d’une équipe de NASL historique, pourtant restée dans l’ombre des Cosmos de New York. C’est à St. Petersburg que l’on part retrouver les Rowdies de Tampa Bay.
Des débuts étincelants
Dans les années 1970, Tampa est une ville banale des États-Unis. Sans spécificité particulière, elle n’attire ni le sport professionnel, ni le tourisme. L’arrivée d’un club à dimension nationale ainsi que de grands joueurs venus d’autres continents constitue donc une grande surprise pour ses habitants.
Le nom ne vous dit peut-être rien, mais les Tampa Bay Rowdies est un club important dans l’histoire du soccer américain. Il voit le jour en 1975 et rejoint la ligue américaine de l’époque, la North American Soccer League (NASL). À l’époque, il évolue dans la division est, aux côtés des Diplomats de Washington et des Atoms de Philadelphie. Le nouveau club floridien obtient très vite les bonnes grâces des habitants de Tampa et des environs. Dès la première saison, la ferveur populaire est telle qu’elle rivalise déjà avec celles de clubs déjà établis. Toute la baie adopte cette nouvelle équipe, comme pour les remercier d’avoir importé le sport professionnel dans une ville qui en rêvait.
L’année de leur intronisation, les Rowdies, portés par leurs supporters, réalisent une excellente performance. Ils finissent premiers de leur division et remportent même le graal : le Soccer Bowl.
La saison suivante annonce de grands changements : l’arrivée de nouveaux clubs en NASL provoque une réorganisation des divisions. Les Cosmos rejoignent Tampa en division est. Pour concurrencer ceux qui deviendront leur meilleur ennemi, les Rowdies font l’acquisition de Rodney Marsh, attaquant de Manchester City. Ce dernier décide de rejoindre l’Amérique après de nombreux déboires dans son club anglais. En effet, Marsh est un personnage extravagant. Par exemple, le président des Rowdies dit de lui, à sa signature, qu’il est « le Pelé blanc ». Et Marsh de répondre que c’est plutôt Pelé qui est « le Marsh noir ». Durant sa première saison, Marsh réalise une bonne performance : il marque 11 buts en 26 apparitions.
Rowdies, rival des Cosmos
La division est voit s’affronter deux géants. La rivalité des Cosmos et des Rowdies devient l’attraction principale de la NASL. En effet, leurs rencontres attirent les foules : un match de playoffs de 1980 se jouera face à plus de 52 000 spectateurs.
La concurrence dans la division est commence dès 1976. Les deux équipes se disputent la première place. C’est finalement les Rowdies qui l’obtiendront grâce à leur buteur sud-africain, Derek Smethurst. L’ancien de Chelsea mène la danse des meilleurs buteurs de la NASL avec 20 buts et 5 passes décisives sur la saison. Seul le New-yorkais Giorgio Chinaglia, fraîchement recruté de la Lazio Rome, fera mieux avec 19 buts et 11 passes décisives.
Cette année-là, la bataille des playoffs verra les Rowdies s’imposer face à l’équipe de Pelé et Chinaglia. Ils perdront finalement en demi-finale face au Toronto Metros-Croatia et leur équipe entièrement yougoslave.
Le derby de Floride
L’année 1977 annonce l’hégémonie des Cosmos et l’arrivée d’un nouveau rival local : les Strikers de Fort-Lauderdale. Anciennement connus sous le nom de Miami Toros, les Strikers s’imposent comme la nouvelle équipe à suivre. Armés de leur meilleur atout, le gardien de but anglais Gordon Banks (il revient sur les terrains après avoir arrêté sa carrière quatre ans plus tôt, devenu borgne après un accident de voiture), les anciens de Miami gagnent la division de 77 à la surprise générale. lls détrônent ainsi les Rowdies et les Cosmos et perpétuent une tradition rivale avec Tampa qui avait commencé à l’époque des Toros.
En effet, le derby de Floride naît le 6 juin 1975 lors du premier match entre les Rowdies et les Toros. Quatre minutes seulement après le coup d’envoi, deux joueurs, John Boyle de Tampa et Esteban Aranguiz de Miami s’interpellent. S’ensuit une bagarre générale impliquant les deux équipes ainsi que les supporters miaméens, accusés après la rencontre d’avoir jeté des pierres sur l’équipe adverse.
Depuis, la rivalité entre les Rowdies et les Strikers s’est illustrée comme étant l’une des plus féroces, l’un des seuls « vrais » derbies des États-Unis.
Fin et suite
Entre 1981 et 1984, dernière saison avant la faillite de la NASL, les Rowdies perdent cette dynamique qui les a menés à plusieurs titres. En effet, s’ils gagnent la division en 1980, ils terminent 4e ou 3e (sur 4) les années suivantes. Le rêve vert et jaune prend fin, tout comme la NASL, emportée par son ambition et sa mauvaise gestion.
Pourtant, le club ne meurt pas. D’abord, il évolue en tant qu’équipe indépendante. En 1986, les Rowdies jouent plusieurs matchs d’une coupe privée Coca-Cola. Trois joueurs de l’ère NASL subsistent, les autres ayant résilié leur contrat après la faillite de la ligue. Le reste de l’équipe est composé de joueurs des Queens Park Rangers, invités pour l’occasion.
Ensuite, les Rowdies se reconvertissent en équipe de futsal, expérience qui ne dure que le temps de la saison 86-87. Finalement, de 88 à 93, Tampa rejoint l’American Soccer League (ASL, puis APSL). Durant ces cinq années, l’équipe gagne un seul trophée. Finalement, en 93, le club fait faillite. La cause de cet échec : le manque de ferveur et l’arrivée massive d’autres sports sur le marché tampaïen.
Comme les Cosmos, les Rowdies renaissent en 2010. S’il participent d’abord à la nouvelle version de la NASL, ils quittent ce championnat déchu en 2016 pour rejoindre l’USL, nouveau 2e palier. Il n’ont pour l’instant qu’un trophée à leur actif, le Soccer Bowl de 2012.
En 2016, les Rowdies créent la surprise en signant le milieu offensif Joe Cole. Pour sa première saison, l’Anglais marque 9 buts.
La MLS, un objectif difficile à atteindre
Depuis 2016, les Rowdies briguent un accès dans la première ligue du soccer américain. Les pourparlers, initiés par l’ancien président, ont été poursuivis par les nouveaux propriétaires. En effet, ce sont les Tampa Bay Rays (franchise de baseball) qui ont racheté le club en 2018. Ces derniers comptent bien réaffirmer leur volonté de rejoindre l’élite, et aimeraient pour cela agrandir le Al Lang Stadium à 18 000 places.
Mais la concurrence à l’expansion MLS est rude. La Floride, qui compte déjà le Orlando City F.C., va bientôt voir émerger la franchise de David Beckham, l’Inter Miami C.F. Un troisième club en Floride serait sans doute de trop aux yeux des dirigeants de la ligue. Les tampaïens ne peuvent désormais que croiser les doigts pour espérer revoir un jour leur club de coeur aux sommets.