Avec Ingolstadt, Augsbourg et surtout Nuremberg, la Bavière est une terre footballistique riche avant même d’entrer dans sa capitale. Si le Bayern est évidemment le club que supportent le plus de munichois, le TSV 1860 n’est pas en reste. Comptant un titre de Bundesliga et deux coupes nationales, les Lions ont aussi eu leur âge d’or et ont plus d’adhérents qu’on ne le croit. Dans l’ombre d’un géant, premier épisode.
Derbys de Munich : inexorablement rouges
Le football fait son apparition relativement tard à Munich. A la fin du XIXe siècle, plusieurs clubs existent sans qu’aucun n’asseye une quelconque supériorité. Parmi eux, le TSV 1860 Munich est fondé (suspens…) en 1860. Cependant, la section football de ce club omnisport ne voit le jour qu’en 1899. En 1902, le premier derby entre le 1860 et le Bayern voit ce dernier l’emporter 3-0. Mais à l’époque, la rencontre que tous les Roten attendent n’est pas la confrontation avec le TSV, mais celle avec le MTV 1879. Il s’agit non seulement du club sportif le plus important du moment, mais surtout, le Bayern en est issu d’une scission depuis 1900. Ces matchs sont très disputés, parfois violents, mais tournent le plus souvent à l’avantage du Bayern.
Plus tard dans le début du XXe siècle, c’est la rivalité entre le Bayern et le Karslruher SC (club dominant l’Allemagne du sud) qui prend le relai. En outre, les matchs contre d’autres formations munichoises comme le FC Wacker et le MTV fédèrent mieux les foules qu’un TSV-Bayern. Ces rencontres souffrent en effet d’un déséquilibre flagrant, le Bayern ayant remporté la totalité des onze matchs entre 1908 et 1912. Il faudra attendre les années vingt pour que le 1860 parvienne à rivaliser. Ainsi naît le mythe d’un derby entre ces deux clubs. Ils figurent tout deux dans le haut de tableau et suscitent un certain engouement en Allemagne. Mais à Munich, le FC Wacker joue les trouble-fêtes et l’on parle toujours d’un trio pour désigner les trois meilleurs clubs munichois.
Bien aidés par le nazisme
La nazification progressive du TSV exacerbe la rivalité avec le Bayern. Celui-ci, qualifié de « club juif » avec effectivement un président, un entraîneur et de nombreux joueurs de confession juive, est freiné par le régime national-socialiste dès son arrivée au pouvoir en 1933. Le Bayern se définit comme plus jeune et plus progressiste, mais aussi plus bourgeois.
La Grande Dépression impacte de fait moins les Roten. Mais le club subit une nazification forcée : le président est contraint à la démission et l’intégralité des joueurs sont envoyés au front. De l’autre côté, le 1860 répond à des valeurs plus prolétaires mais reçoit le soutien des autorités. Leurs joueurs sont simplement envoyés faire un tour au service civique. Par conséquent, le club domine le football allemand derrière Nuremberg sous la réorganisation nazie et remporte la coupe en 1942, premier véritable trophée des Lions.
Pendant la guerre, la pénurie d’hommes et donc de joueurs pousse certaines réserves à fusionner. C’est étonnamment le cas de celles du Bayern et du 1860, qui partagent déjà le même terrain chez les pros. Alors que le Bayern continue de bien figurer malgré les exactions antisémites, le championnat est de plus en plus difficile à organiser dans cette dernière phase de la guerre qui voit l’Axe plier. Ainsi, les autorités l’annulent par deux fois lorsque, hasard ou non, le Bayern était sur le point de le remporter. Vingt-huit derbys ont eu lieu durant la période nazie, les Roten sortent malgré tout vainqueurs avec treize victoires contre huit pour les Lions.
Des hauts…
Après la guerre, les deux clubs s’affrontent régulièrement en Oberliga Sud, la Bavière étant sous autorité américaine. La rivalité entre supporters se poursuit dans les cadres sportifs et sociaux que l’on connaît. Mais jusqu’à la création de la Bundesliga et leur première confrontation sous ce format en 1965, les résultats sont moyens, oscillant entre bas de tableau et la lutte contre la relégation. La BuLi marque néanmoins un tournant dans l’histoire de la joute munichoise. Les deux clubs sont désormais les deux seuls shérifs en ville.
Le premier match dans l’élite allemande telle qu’on la connait aujourd’hui se solde par une victoire du TSV sur la plus petite des marges au terme d’un match très violent. Cette même saison, le 1860 remporte l’unique championnat de son histoire et ramène la première Deutsche Meisterschale à Munich. C’est un beau coup d’éclat que de l’avoir fait avant le Bayern. Cet exercice ainsi que le suivant marquent l’âge d’or du 1860 et donc l’apogée de la rivalité, puisqu’un an plus tard, les deux ennemis se retrouvent en demi-finale de DFB Pokal. Rencontre que le Bayern remporte cette fois-ci.
… et des bas
En 1969, le Bayern remporte sa première Bundesliga quand le TSV entame son déclin en entrant en division 2 puis en jouant l’ascenseur. Les Roten commencent alors leur âge d’or qui ne s’arrêtera jamais vraiment jusqu’à nos jours. Tandis que le 1860 connait la division 3, les derbys perdent donc drastiquement en intérêt. Les deux clubs organisent néanmoins quelques matchs « amicaux » et se croisent durant les rares saisons en Bundesliga du 1860. On peut citer une rencontre de légende en 1977 que le TSV remporte et au cours de laquelle Rummenigge est exclu après avoir giflé un joueur.
Le 1860 signe son retour en Bundesliga en 1994, treize ans après leur relégation. Le derby des grandes retrouvailles se déroule dans un certain chaos avec trois expulsions. Le Bayern l’emporte 3-1, dans la phase aller comme au retour. Ces derniers jouent en effet le titre quand le 1860 se contenterait déjà bien d’une place dans le ventre mou. Les derbys restent donc déséquilibrés et l’intérêt pour ce rendez-vous ne cesse de diminuer dans les deux camps. En 1999, le TSV met fin à vingt-deux ans sans victoire face au géant bavarois pour le dernier derby du millénaire. Il réussit même l’exploit de le gagner également au retour. Ce qui signe une saison exceptionnelle pour le 1860 qui termine quatrième, là où le Bayern… est champion. Le dernier derby en Bundesliga est aussi celui du centenaire en 2003, et est remporté par le Bayern.
Depuis, les deux clubs évoluent à nouveau dans deux championnats différents. Même s’il faut mentionner ce passionnant quart de finale de DFB Pokal 2008 que Ribéry conclut d’une panenka dans les prolongations.
Les stades en garde alternée
Malgré leurs différents, les frères ennemis ont très régulièrement partagé leur stade au cours de l’histoire. Premièrement, le Grünwalder Stadion appartenant au TSV est aussi utilisé par le Bayern à partir de 1925. Ce stade mythique subit malheureusement les bombardements Alliés et doit attendre sa reconstruction après la guerre. On a d’ailleurs retrouvé une bombe dans la surface de réparation lors de sa rénovation en 2007.
Construit pour les J.O. de 1972, c’est l’Olympiastadion de Munich (et non de Berlin) qui est ensuite conjointement utilisé par les deux clubs, même si le 1860 n’y a jamais totalement migré. Les supporters le boudent dans les années 90, le jugeant inadapté au football moderne. En 2001, les deux clubs engagent ensemble une procédure en vue de la construction d’un stade pour 2006. Le FIFA World Cup Stadium Munich, plus tard nommé Allianz Arena, est en effet érigé et utilisé jusqu’en 2016. Finalement, en raison des trop faibles affluences, le 1860 annonce son retour au Grünwalder Stadion, laissant l’Alllianz Arena au Bayern seul, qui se fera une joie de le personnaliser à ses couleurs.