Nouvelle série du mardi, Carnets de voyage vous emmène à la découverte du Nouveau Monde, de ses clubs et de ses villes. Notre port d’arrivée : l’Inter Miami, une franchise de MLS censée débuter en 2020. Son créateur ? Le très ambitieux David Beckham. À vos octants, boussoles et cocktails fruités, cette semaine on vogue vers le soleil. Une playlist contextuelle est disponible à la fin de l’article.
La conquête de l’Amérique
Le décor choisi par David Beckham pour établir son club se trouve au bord des plages, entre les palmiers et les bâtiments art-déco. Pourtant, c’est de l’autre côté du pays que tout commence. En janvier 2007, le milieu star annonce qu’il quittera le Real Madrid en fin de saison pour le L.A. Galaxy. À la clé, un contrat de cinq ans de trente-deux millions de dollars. Pourtant, à l’époque, les médias créent la sensation en le présentant comme un contrat de deux-cent cinquante millions ! En réalité, cette somme irréaliste est un plafond comptant toutes les primes possibles.
Son choix étonne, voire énerve : les observateurs ne comprennent pas sa décision, qu’ils voient comme une régression sportive. En effet, Beckham a trente-et-un ans et est au sommet de sa carrière au Real Madrid. Drôle de décision que de quitter subitement un des meilleurs clubs du monde pour rejoindre la MLS, une ligue inférieure, et un club avant-dernier de sa conférence. Son choix est d’autant plus surprenant que Beckham attire encore les convoitises des plus grands d’Europe. Il refuse une prolongation de contrat avec son club. Mais aussi les offres de l’Inter Milan et du Milan A.C., qui seront respectivement premier du championnat italien et vainqueur de la Ligue des Champions 2006-2007.
Un anglais à L.A.
Pourtant, une fois arrivé outre-Atlantique, le parcours de l’homme aux cent-quinze sélections nationales est semé d’embûches. Érigé dès le premier jour en idole, Beckham s’adapte mal à la MLS. Déjà, le rythme du championnat n’est pas le même qu’en Europe. Évoluant sur un calendrier différent (mars-octobre), les déplacements sont souvent longs et difficiles. De plus, le niveau de son équipe est une galaxie en dessous de celui du Real et de la Liga. Pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter une mésentente dans les vestiaires (le capitaine de l’époque, Landon Donovan, n’ayant pas apprécié que l’anglais lui pique le brassard), Beckham n’arrive pas à briller.
Le milieu de terrain enchaîne les blessures et joue peu. On lui reproche de ne pas s’investir assez dans le club, et de préférer toujours l’Europe. En effet, il est toujours à l’époque la star incontestée de la sélection anglaise. Il doit donc jongler entre elle et son club et est forcé de traverser l’Atlantique pendant les trêves internationales.
Après plusieurs prêts au Milan A.C. durant l’intersaison américaine, le constat semble flagrant : l’expérience est un échec.
Mais, paradoxalement, c’est une blessure au tendon d’Achille qui va permettre à Beckham de retrouver les sommets. Le joueur est dans l’impossibilité de jouer la Coupe du Monde 2010 et la majorité de la saison de MLS. Il décide donc de réévaluer sa fidélité au club qui l’a accueilli. À son retour sur les pelouses, il fait ses deux meilleures saisons aux États-Unis, et est l’élément essentiel des victoires en MLS Cup de 2011 et 2012.
Partir pour mieux revenir
Le passage de David Beckham aux États-Unis est une véritable histoire d’amour. Un amour tumultueux, plein de rebondissements et de je-t’aime-moi-non-plus, mais qui se finit sur un happy ending. La venue de l’anglais en MLS n’était pas seulement une question de contrats publicitaires et de gros sous. Elle constituait aussi une opportunité pour lui de faire progresser le soccer américain.
La première petite révolution signée Beckham provient de son transfert. Il est à l’origine de la règle du designated player, un joueur désigné dont le salaire peut dépasser le salary cap. C’est grâce à cette règle que la MLS peut se « payer » des stars comme Zlatan Ibrahimović aujourd’hui, tout en gardant les finances au vert.
La deuxième nous mène directement à la création de l’Inter Miami C.F. En effet, une clause du contrat initial de 2007 inclut la possibilité pour Beckham de créer une franchise de MLS dans la ville de son choix (à l’exception de New York) pour vingt-cinq millions de dollars, soit bien moins que les cent-cinquante millions requis aujourd’hui. Cette clause est activée en 2014, au moment de la retraite du joueur qui finit sa carrière au Paris Saint-Germain. Parmi les grandes villes encore sans franchise, il y a Miami, laissée sans club après la faillite en 2001 du Miami Fusion.
In search of Freedom… Park
Avant même d’avoir décidé d’un nom ou de couleurs pour leur équipe, Beckham et ses collaborateurs ont annoncé leur volonté de créer un stade. En effet, celui-ci est requis par la MLS dans ses « conditions » d’expansion.
Trois endroits sont d’abord évoqués : le port de Miami, le Museum Park, et une parcelle à Overtown, un quartier défavorisé de la ville. Mais les propositions ne plaisent pas à la mairie de Miami. Cette dernière refuse d’injecter quelque subvention que ce soit à la création d’un stade privé. Les dirigeants changent donc de stratégie et adoptent un financement entièrement privé. Cette fois, ils visent plus grand encore. Cette recherche les conduit, 1 614 jours après l’annonce de la création de la franchise, au projet du Miami Freedom Park.
This is Miami Freedom Park. #ThisIsMiami #ThisIsMiamiFreedomPark #Miami #MLS pic.twitter.com/hqPOtAJrng
— Inter Miami CF (@InterMiamiCF) July 8, 2018
Le stade serait situé proche de l’aéroport international de Miami, et sa parcelle de cinquante-trois hectares permettrait une capacité de 25 000 places assises, ainsi que des terrains de football annexes ouverts à tous. Adjacent au stade, un espace de 93 000m2 pour des bureaux, des commerces et plusieurs hôtels.
Un vote de la ville de Miami, le 6 novembre 2018, devra décider de l’approbation du projet.
Inter Miami, Club Internacional de Fútbol
À l’instar de l’ancien club C.D. Chivas USA, disparu en 2014, l’Inter Miami C.F. se distingue par sa consonance hispanique. Ce nom, le Club Internacional de Fútbol le tient de la communauté hispanique et internationale de Miami, qui représente 70% de la population. Parmi les communautés présentes, la communauté cubaine (ayant immigré après l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir), est la plus nombreuse.
Ce nom marque la volonté des créateurs du club d’inclure la diversité dans leur identité. Pourtant, malgré des intentions louables, il ne fait pas l’unanimité. Son officialisation, le 5 septembre 2018, a vu l’émergence de beaucoup de critiques. On reproche au club d’avoir notamment repris un « lieu commun » du football : le nom Inter Miami est pour certains une pâle copie de l’Inter Milan. D’autres se moquent plutôt que le club américain ait choisi l’espagnol comme langue officielle du blason, représentée par le « C.F. », plutôt que le « F.C. » classique. Ajoutée à cela une devise latine, Libertas. Unitas. Fortuna., le mélange des langues peut paraître artificiel.
Ce problème n’est par ailleurs pas nouveau à Miami. La ville a longtemps vu s’opposer ses communautés anglophones et hispanophones. En 1980, une loi interdit le bilinguisme dans le comté de Dade. L’ordonnance finira par être abrogée en 1993, mais cristalise encore les conflits.
Le héron et le flamant
Contrairement au nom, qui n’a pas fini de faire parler ses détracteurs, l’identité visuelle de l’Inter Miami semble avoir conquis aussi bien les miaméens que les observateurs extérieurs. Le logo, créé par une agence new-yorkaise, représente deux hérons – et non flamants, oiseaux pourtant présents en Floride – dont la position rappelle le M de Miami. Le choix est simple : le héron est un prédateur floridien vorace, et donc le symbole parfait de la rage de vaincre.
Entre les hérons, une éclipse, la totalité de la journée et de la nuit, la ville qui ne dort pas. Le soleil, lui, a sept rayons, référence au numéro de son propriétaire.
Le rose, c’est la couleur de l’aube et du crépuscule, celle du soleil à l’horizon. « C’est l’impression que quelque chose va arriver, l’impression d’un potentiel, quand tu commences ta journée ou ta nuit » affirme Pete Macia, directeur artistique du projet.
C’est aussi l’avis de Beckham lui-même.
Chaque élément du blason a son importance et célèbre l’énergie, la diversité, l’inclusivité et l’ambition d’une ville qui fait partie des plus incroyables au monde. C’était fou de voir la réaction des gens, et la réponse à été exactement celle qu’on attendait, je suis très fier.
En attendant la saison inaugurale de l’Inter Miami, en 2020, un groupe de supporter s’est déjà créé, la Southern Legion. Il affiche déjà complet.
En supplément, chaque semaine, une playlist pour accompagner la lecture.