En France, la culture du derby n’est pas très répandue. Pour preuve, un seul grand derby existe, celui opposant l’Olympique Lyonnais à l’AS Saint-Étienne, plus un derby moins régulier entre le Nîmes Olympique et le Montpellier HSC. Mais dans certains pays, la culture derby est bien ancrée dans les mœurs. Bien placé au classement, la Grèce, où l’Olympiakos et le Panathinaïkos se livrent une guerre sans merci dans le derby des éternels ennemis.

Animosité culturelle

Comme dans beaucoup de derbys, la haine entre les deux camps n’est pas seulement sportive. En France, ce sont les bourgeois lyonnais contre les mineurs stéphanois. En Espagne, on a le combat des indépendantistes catalans du Barça face aux centralistes de l’Espanyol. Outre-Manche, la rivalité entre Everton et Liverpool dépasse le cadre purement sportif. Il en va exactement de même en Grèce. Le Panathinaïkos est le club du centre de la ville. La grande bourgeoisie de la ville est associée au club. Les grandes figures du club sont des érudits davantage que des ouvriers. Le meilleur exemple est sans doute le deuxième entraîneur de l’histoire du club, de 1918 à 1924, Giorgios Kalafatis. Attaquant à la fin des années 1890, il était non seulement footballeur mais aussi médecin et amiral de l’armée grecque.

En face, l’Olympiakos. Dans ses gênes, le club du Pirée est celui de la classe ouvrière. Les dockers sur le port suaient nuit et jour pour pouvoir supporter, le soir, sous la lumière faiblissante, les meilleurs d’entre eux au football. Une des grandes figures de l’histoire de l’Olympiakos, Nikos Kampouros, était comme Kalafatis un militaire. Mais ce n’était pas un Amiral ou un officier. Non, c’était un vulgaire soldat de l’armée de l’air grecque naissante, un inconnu dans l’histoire militaire du pays. Alors forcément, les classes opprimées, soutenant l’Olympiakos, s’opposent frontalement aux plus aisés qui supportent le « Pana ».

Hooligans

Et forcément, la popularité et l’opposition frontale entraîne des différents. Les deux frères ennemis ont tous deux été le berceau du hooliganisme grec. Malheureusement, ces éléments ont été assez mal pris en charge par les autorités. Et en quelques années, la rivalité sportive et économique est devenue une guerre entre deux ennemis, au sens propre du terme. Outre les divers incidents de tribune, des véritables combats à l’arme blanche ont eu lieu. Le 29 mars 2007, alors qu’à Paiania, dans le cadre de la coupe féminine de volleyball, le Pana et l’Olympiakos s’affrontaient, des hooligans ont fait leur apparition. Peu nombreuses, les forces de police ont été prises à défaut. Des échanges violents ont lieu. Ce moment, le rendez-vous de la mort, est organisé par certains groupes de délinquants fanatiques, confondant le football et la guerre.

Des hooligans de l’Olympiakos venus de Peristeri donnent d’abord des coups de couteau à Marko, un joueur de l’équipe locale, vêtu de vert. Puis arrive le drame, quand Mihalis Filopoulos est poignardé par deux personnes se prévalant de la qualité de supporters de l’Olympiakos. Les ennemis sont devenus des assassins. Le jeune homme de vingt-deux-ans décède dans les minutes qui suivent. Le football grec en prend un coup, et le championnat est stoppé durant deux semaines. Ce moment est le plus violent dans la rivalité multisports que se livrent le Panatinhaïkos et l’Olympiakos. Le derby des éternels ennemis perd sa coloration sportive pour devenir le derby de la délinquance, du meurtre et des actes insensés.

Rivalité footballistique

Fort heureusement, la rivalité est depuis redevenue un peu plus calme. Mieux encadrés, les différents groupes se livrent à des affrontements moins violents et surtout moins longs. Sur le terrain, l’avantage est du côté de l’Olympiakos, avec quatre-vingt victoires toutes compétitions confondues, contre cinquante pour le Panathinaïkos et soixante-sept matchs nuls. Mais c’est le Pana qui détient le record de la plus large victoire. En effet, le 1er juin 1930, le club du centre-ville s’impose huit buts à deux face à son rival.

Dans l’histoire, quelques joueurs ont marqué les esprits. Du côté de l’Olympiakos, ce sont les attaquants Giorgios Sideris (treize buts) et Nikos Anastopoulos (onze réalisations). Les deux buteurs grecs, respectivement en activité dans les années soixante et quatre-vingt, ont été les terreurs offensives du club du Pirée. Chez les ennemis du Pana, ce sont les noms de Dimitris Saravakos (seize buts de 1984 à 1994), du milieu offensif Mimis Domazos, neuf fois buteur entre 1959 et 1978 et du polonais Krzysztof Warzycha (neuf buts aussi de 1989 à 2004) qui font jaillir des souvenirs.

Ces dernières années, c’est l’Olympiakos qui enchaîne les championnats. Mais la rivalité entre les deux clubs reste présente et vive. Chacun des matchs est placé sous haute protection judiciaire. Et quand les tribunes s’enflamment pour les buts de leur équipe, alors le spectacle est magnifique.

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