Si l’Angleterre est historiquement la première nation du football européen, l’Italie n’est pas en reste. Deux fois championne du monde avec le génial Vittorio Pozzo à sa tête, elle rentre dans les prémices du football professionnel dès les années dix. Retour sur l’histoire du premier grand talent du football italien, Renzo De Vecchi.

Le gamin de Milan

Renzo De Vecchi est un gamin de Milan. C’est là qu’il voit le jour le 3 février 1894. Il ne faut pas imaginer le Milan de l’époque comme celui qu’il est aujourd’hui. Non, la cité Lombarde est tout sauf la cité de tourisme haut de gamme et pointe basse de la dorsale européenne. Au détours des années 1900, Milan est une ville un peu crasseuse. Dans les rues, les gamins d’ouvrier ne vont pas à l’école et sont plus proches de la délinquance que de grandes études. C’est dans ce contexte que Renzo De Vecchi vit son enfance. Ses parents ne sont pas des nobles, malgré ce que la particule pourrait laisser penser. Ils ne font pas partie des plus pauvres, non plus, mais ne roulent assurément pas sur l’or.

Renzo De Vecchi fréquente sûrement une école primaire religieuse, même si aucune source d’époque ne vient confirmer – ou infirmer – la chose. C’est cependant assurément dans la rue qu’il commence à taquiner la balle. A l’époque, la région située entre Milan et Gênes est très dynamique sur le plan footballistique, notamment grâce à l’intense commerce avec le reste de l’Europe. Les ballons sont une denrée relativement chère, mais aux sphères de cuir se substituent bien souvent des amas de chiffons sales. Pieds nus, les jeunes hommes développent une qualité technique à part, et un sens du jeu un peu similaire à ce que l’on retrouve aujourd’hui dans les potreros argentins. Fils d’un fan du Milan, Renzo De Vecchi joue dans la rue sans doutes dès ses six ou sept ans, et n’arrêtera que quand il signera dans un club.

Renzo De Vecchi, le fils de Dieu

Renzo De Vecchi est particulièrement précoce. Il n’a que quinze ans quand l’AC Milan, qui n’est pas encore l’institution qu’il est devenu, mais qui commence à acquérir une certaine célébrité, fait des pieds et des mains pour l’attirer. Enfant de Milan, il n’est pas des plus durs à convaincre. Très vite, après seulement quelques entraînements, il fait ses débuts avec l’équipe première en championnat italien. A l’époque, le championnat italien connaît des grandes modifications. En effet, la saison 1909-1910 est la toute première de l’histoire à se disputer avec un seul groupe pour tout le pays – un choix entériné dix ans plus tard avec la création de la Série A. C’est aussi la première fois que le championnat comporte des matchs aller et retour, répartis sur deux années civiles.

C’est donc dans ce contexte de grands changements que Renzo De Vecchi s’impose au sein de l’axe de la défense milanaise. Impressionnant de sérénité malgré son jeune âge, il se voit affublé du surnom de « Figlio di Dio », fils de Dieu, par le journaliste de la Gazzeta Emilio Colombo. Cela se passe lors de son premier match en1909 face à Ausonia. La prestation de Vecchi fait pleurer le grand journaliste, qui voit en ce jeune homme l’avenir du football. L’avenir du football, justement, Renzo De Vecchi va le représenter quand il fait ses débuts en équipe nationale. Nous sommes en 1910, il a tout juste seize ans, et s’impose comme un cadre de l’équipe. Encore aujourd’hui, il reste le plus jeune joueur de l’histoire à avoir début avec l’équipe nationale italienne.

Article d'époque sur Renzo De Vecchi
Article d’époque sur Renzo De Vecchi

Un jeune homme élégant

Le talent de Renzo De Vecchi lui permet de jouer à plusieurs postes sur le terrain. Si en équipe de jeunes, il évolue à ce poste si particulier de « demi », cela n’est pas le cas plus tard. Quand il devient professionnel, il s’impose d’abord dans l’axe, avant d’être très vite décalé à une position naissante d’arrière gauche. Rien à voir entre Renzo De Vecchi et Roberto Carlos. Vecchi n’est pas très puissant physiquement, pas très grand non plus. Mais sa débauche d’énergie lui permet très largement de compenser ses rares déficiences sur le plan physique. Les tifosis, des plus mesurés aux plus extrêmes, adorent Renzo De Vecchi. Celui-ci leur rend bien leur amour, en étant un des leaders du vestiaire et un des leaders sur le terrain alors qu’il est loin d’être majeur. Le Milan a certes déjà trois championnats, mais ne peut rivaliser face aux voisins piémontais.

Car même si le championnat n’est officiellement qu’amateur, personne ne s’y trompe. Les meilleurs joueurs ont des postes fictifs très bien rémunérés dans les compagnies à la tête des clubs. Après quatre saisons au Milan, une soixantaine de matchs et sept buts, Renzo De Vecchi va chercher à remplir son palmarès. Car pour le moment, il n’a remporté qu’une coupe amicale sous le maillot rouge et noir. Et vu son niveau, il peut prétendre à beaucoup mieux. Son choix de carrière n’aurait aucun sens dans le football moderne. En effet, afin de remplir son palmarès, il quitte l’AC Milan pour rejoindre le Genoa. Le Genoa compte déjà six championnats à son actif. Avec Renzo De Vecchi, il va en remporter trois autres. Depuis 1924, il n’en a pas remporté le moindre.

Un véritable diamant

Mais revenons en 1913. Renzo De Vecchi vient de rejoindre le Genoa, et s’impose là aussi sans difficultés dans l’effectif du club littoral. Ce n’est cependant pas que pour la possibilité de gagner des titres que Renzo De Vecchi signe à Gênes. A Milan, il était employé de la Banca Commerciale di Milano. Son salaire est celui d’un employé de bon niveau, mais n’a rien de somptueux. A la même époque, Vercelli lui propose un chèque en blanc, avec un montant au choix mais pas de job. A Gênes, la Comit, la banque commerciale de la ville, lui propose un emploi de premier rang. Son salaire est du jamais vu. Aucun footballeur n’a jamais gagné autant dans le football italien.

Et même avec l’inflation des salaires due à l’explosion de l’amateurisme marron au cours des années 1920, le salaire de Renzo De Vecchi reste très confortable. Suffisamment, en tout cas, pour le convaincre de rester quatorze saisons à Gênes, avant de prendre sa retraite en 1929. Trois fois champion, il ne connaîtra jamais la gloire d’un sacre en Coupe du Monde, abandonnant la sélection en 1925, neuf ans avant que Pozzo emmène l’Italie sur le toit du monde. Mais Renzo a déjà trente-cinq ans quand il prend sa retraite, un âge très avancé dans le football à l’époque.

Avec quarante-trois sélections en équipe nationale entre 1910 et 1925, dont vingt-six en tant que capitaine, Renzo De Vecchi est le premier très grand défenseur du football italien. Renzo De Vecchi décède le 14 mai 1967 à Milan, sa ville natale. Lors de l’inauguration du Hall of Fame de l’AC Milan, il fait partie de la première génération de la sélection de grands joueurs du club.

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