Les rivalités sont le sel et l’histoire de tout championnat. C’est particulièrement vrai dans un sport aussi populaire que le football. En France nous en avons quelques-unes dignes d’intérêt. De l’historique Lyon-Saint-Etienne, en passant par OM-PSG ou Lille-Lens… Toutes ont leur particularité et des faits marquants qui leur sont propres. Comme l’Histoire du football ne cesse de s’écrire, certaines apparues plus récemment sont aujourd’hui bien plus exacerbées. C’est précisément le cas de la rivalité OM-OL. Bref retour historique et tentative d’explication.

Pape Diouf et Jean-Michel Aulas à la genèse de la rivalité OM-OL

L’été 2006 marque l’avènement de la rivalité OM-OL. Nous sommes alors en pleine période hégémonique de l’OL, qui vient de rafler son cinquième titre consécutif. Sur le plan sportif, l’OM ne suit pas et a terminé l’exercice précédent- la saison 2005-2006 – à une décevante cinquième place. Lyon a pris pour habitude de siphonner les talents de la L1 (Abidal, Alou Diarra, Pedretti, Frau, Bodmer…). En cet été 2006, c’est Franck Ribéry, révélation du mondial allemand et auteur d’une grosse saison avec l’OM, qui est convoité par Jean-Michel Aulas. L’affaire semble actée, le joueur a publiquement exprimé au 20h de TF1 son désir de rejoindre le club rhodanien. Oui, sauf que Pape Diouf, président de l’OM depuis 2005, entend redonner au club phocéen son prestige d’antan. Et cela commence par une équipe capable de viser le titre et de concurrencer l’OL. Hors de question de laisser filer son meilleur élément dans le club qu’il compte concurrencer à court terme. Qui plus est un an seulement après sa prise de fonction.

Le rôle de Pape Diouf dans l’émergence de cette rivalité est à souligner. A partir de début 2000, Jean-Michel Aulas prend une importance considérable. Son club débute une période de domination sans précédent sur la L1. Pressions plus ou moins fantasmées sur les arbitres, déclarations tapageuses, il s’impose comme LE boss du football français. Aulas s’en prenait d’ailleurs déjà à l’OM en 1999. « Les arbitres ne prennent pas totalement leurs responsabilités au Vélodrome et il est évident qu’il faut être une fois et demie plus fort que l’OM pour gagner là-bas ». Pape Diouf donnera un coup de pied dans la fourmilière et se mettra à contester Aulas, médiatiquement puis sportivement. Il en fît d’ailleurs une affaire personnelle en 2006. Ribéry ne rejoindra pas l’OL, quitte à le faire jouer avec la CFA le reste de la saison. Le président de l’OM sort vainqueur de de ce mano a mano. Aulas est amer et déclare encore aujourd’hui « cela aurait été le plus beau coup de ma vie ». La rivalité OM-OL est lancée.

Des marseillais en difficulté sur le plan sportif

Diouf et Aulas sont certes influents et s’envoient des piques par voies de presse interposées. C’est surtout le rapprochement du niveau sportif des deux clubs à la fin des années 2000 qui nourrit la rivalité. L’ère lyonnaise prend fin en 2008, au moment où l’OM se dote d’une équipe compétitive. Par deux fois en trois saisons, l’OL réduira à néant les espoirs de titre marseillais. D’abord en 2008-2009. A trois journées de la fin, Marseille et Bordeaux sont ex-aeqo, avec un goal average favorable pour l’OM. Si les hommes d’Erik Gerets remportent leurs trois derniers matchs, ils ont de grandes chances d’être sacrés Champion pour la première fois depuis 17 ans. Sur la route du graal provençal se dresse l’Olympique Lyonnais au soir de la trente-sixième journée. Un Vélodrome survolté veut montrer à l’OL que sa domination touche à sa fin. Le scénario tourne au cauchemar pour les marseillais. Ils sont sèchement battus (1-3) par une équipe lyonnaise pleine d’orgueil et emmenée par un grand Benzema, auteur d’un doublé. La pilule est difficile à avaler pour les marseillais.

Les lyonnais se font décidément un plaisir de ruiner les espoirs marseillais puisqu’ils vont remettre le couvert deux ans plus tard. La situation est légèrement différente, puisque l’OM, repris par Didier Deschamps à l’été 2009, vient de reconquérir le titre en 2010 après 18 ans, devant… l’Olympique Lyonnais. Lors de la saison 2010-2011, les phocéens sont favoris à leur propre succession. Malgré des résultats en dents de scie, ils sont encore dans la course début mai. Ils peuvent revenir à un point du LOSC, alors leader et futur champion, s’ils s’imposent au stade de Gerland lors de la trente-quatrième journée. Les marseillais sont une nouvelle fois battus, leurs rêves de « back-to-back » anéantis, comme ceux de s’imposer comme le nouveau cador du championnat. La rivalité OM-OL se durcit.

Avec l’arrivée des qataris, qui pour être la deuxième puissance du championnat ?

Alors que l’OM et l’OL étaient à la lutte pour être la première puissance du championnat, l’été 2011 change radicalement la donne. L’arrivée des investisseurs qataris au PSG place durablement le club de la capitale comme la première force de l’hexagone. Puisqu’il est désormais (presque) impossible d’être premier, la lutte pour la deuxième place devient un vrai enjeu. Au fil des années, Lyon, Monaco et Marseille se dessinent comme y étant les plus sérieux prétendants. Monaco est un club moins médiatique et avec un soutien populaire bien en-deçà de celui des deux Olympiques. Dès lors, la rivalité OM-OL est lancée pour être « le meilleur des 19 autres clubs à part le PSG ».

Cette rivalité olympique est bien plus qu’une simple opposition sur le terrain entre la deuxième et la troisième ville de France. Nous avons ici affaire à une question de suprématie. L’OL est devant aux niveaux sportifs et économiques, avec des résultats plus réguliers (trois podiums sur les cinq dernières années) et un modèle économique plus sain (l’OL est notamment propriétaire de son stade). L’OM a pour lui les côtés historiques et populaires. Tant que le PSG ne parvient pas à s’imposer dans la reine des compétitions européennes, l’OM reste le seul club français à avoir remporté la C1. Il reste également beaucoup plus populaire que son rival lyonnais, en atteste le nombre followers deux fois plus important de l’OM – près de trois millions pour l’OM contre un peu plus d’un million et demi pour l’OL.

Une guéguerre permanente

Au gré des dernières saisons, la rivalité OM-OL devient prégnante, et même parfois malsaine. Les deux clubs convoitent souvent les mêmes joueurs (Claudio Beauvue, Jason Denayer, Léo Dubois…). Jean-Michel Aulas se délecte d’attirer dans son escarcelle d’anciens joueurs de l’OM (Nkoulou, Morel et surtout Valbuena). Tout le monde garde en mémoire cet OM-OL de septembre 2015 lorsque les supporters marseillais avaient affiché dans les tribunes un pantin de Valbuena pendu. Ce même Aulas se fait également un malin plaisir de s’en prendre à ses homologues marseillais, notamment le célèbre «je lui ai dit que c’était un guignol » qu’il avait raconté avoir dit à Vincent Labrune.

La seconde partie de saison 2017-2018 semble avoir définitivement installé la rivalité OM-OL comme la vraie rivalité de la Ligue 1. Jacques-Henri Eyraud, président de l’OM depuis le rachat du club en 2016 par l’américain Frank McCourt, tente de s’attaquer à la toute puissance d’Aulas dans le football français. Les deux hommes se livrent une passe d’armes médiatiques durant les mois de mars et avril qui ne font que jeter de l’huile sur le feu.

Enfin, la finale de Ligue Europa au Groupama Stadium de Lyon comme clou du spectacle. Les « Jean-Michel Aulas, on va la gagner chez toi » (pour rester poli) fusent côté marseillais pour narguer le président de l’OL. Ce dernier l’a mauvaise alors qu’il avait promis à ses supporters que leur équipe disputerait cette finale. Du côté des lyonnais, le refus est catégorique de voir l’OM remporter une coupe d’Europe dans leur stade. Le point de non-retour est dépassé. les dirigeants et les supporters des clubs se haïssent, la rivalité OM-OL semble partie pour durer un certain nombre d’années. Seule l’histoire pourra donner raison à une des deux parties. Prochain épisode ce dimanche à 21h au Groupama Stadium.

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De toute façon, le GOAT, c'est soit Muhammad Ali, soit Bouna Sarr