La bonne nouvelle est tombée un soir de mai 2018. Après trois montées successives, le Parme Calcio 1913 est de retour en Serie A. Et c’est une superbe nouvelle pour ce club et pour tous les amoureux de ballon tant les trente dernières années ont semblé irréelles. Retour sur trois décennies d’une histoire complètement folle.
L’émergence d’un géant
Lorsqu’en 1989, Nevio Scala est nommé à la tête de l’équipe, le peuple parmesan ne sait pas encore le bond qui vient d’être fait dans l’histoire du club. Promu dans l’élite du calcio à l’issu de la première saison de Scala pour la première fois de son existence, le Parme AC d’alors va réussir à s’imposer comme une force incontournable d’Italie et d’Europe à une époque où le championnat italien était ce qui se faisait de mieux au monde. Autour d’un projet alléchant va se former petit à petit un effectif de prestige avec les signatures de nombreux cadors. Dans la première moitié de la décennie, Taffarel, Fernando Couto, Dino Baggio et autres Brolin arrivent. Puis se constituera la génération dorée de la saison 1999 : Buffon, Cannavaro, Thuram, Veròn ou encore Crespo dont les carrières éclabousseront l’Europe les années suivantes.
Jamais classé en deçà de la septième place, deux fois troisième, une fois deuxième en 1997, le club obtient de nombreux trophées lors des années 1990 à coups d’épopées européennes qui doivent aujourd’hui encore faire rêver les tiffosi autant que cauchemarder Laurent Blanc. Vainqueurs de la Coupe des coupes et de la Supercoupe de l’UEFA en 1993, de la coupe de l’UEFA une première fois en 1995 contre la Juventus de Ravanelli puis en 1999 face à l’OM du même Ravanelli (suspendu pour la finale), ils ne sont pas non plus en reste sur le plan domestique avec trois Coppa Italia (1992, 1999 et 2002) et une Supercoupe d’Italie. Le palmarès parle de lui-même: Parme est devenu en l’espace de dix ans, un grand d’Europe et peu importe que le scudetto lui échappe.
Scandales financiers et décrépitudes sportives
Pourtant au début des années 2000, le géant laitier Parmalat, actionnaire principal du club depuis les années 1980 va complètement s’effondrer à la suite d’un scandale financier laissant les infrastructures financières du club pour mortes. Sur fond d’usage de faux et provision bidon de près de 4 milliards d’euros, les actifs du club fondent comme neige au soleil. Nous sommes alors en 2004 et cette année-là, le club se sauve in extremis au barrage contre le rival Bolognais après une triste 18ème place au tableau. Après quelques saisons d’errance et le rachat en 2007 par le truculent Tommaso Ghirardi, le club tente en vain de retrouver la stabilité. Car après une relégation, une promotion et des résultats en dent de scie, les tiffosi, déjà bien essoufflés de toutes ces péripéties, vont devoir affronter le pire.
Une énième crise va en effet embourber le club dans une nouvelle faillite – la deuxième en dix ans -, illustrant encore la crise du football italien par laquelle une vingtaine de club ont coulé dans les années 2010 (Bari et Cesena étant les plus récents). On accuse cette fois-ci, à raison, le club de recyclage de capitaux illicites. Sa dette va se chiffrer à 218 millions d’euros, au point tel que le club se trouvera dans l’incapacité de payer ses joueurs. Si certains pointent l’incompétence de la fédé italienne (la FIGC) et de ses contrôles, l’insanité des finances du club est criante et celles-ci dépendent trop des droits TV. Conséquence lors de la saison 2014-2015, le club, déjà disqualifié de l’Europa League par le fair-play financier, échoue à la vingtième place. Essoré sportivement et abattu institutionnellement, la sentence tombe : c’est en Serie D qu’évoluera le club la saison suivante.
Parme de retour des abîmes (et pour de bon ?)
Pourtant, les Gialloblù vont accomplir l’impensable et devenir les premiers à obtenir trois montées successives. C’est au courage et au talent qu’ils vont réussir la vertigineuse ascension qui les séparent de l’élite. Les héros de cette épopée se nomment Baraye (32 buts), Calaìo (32 aussi), Corapi, Scavone, ou encore Gagliolo. Mais surtout, c’est Alessandro Lucarelli (41 ans), resté loyal quand le navire a coulé, qui a véritablement tenu la barre dans cette galère. Capitaine exemplaire, il est le seul joueur, à être resté. Il avait fait la promesse de continuer tant que Parme ne retrouverait pas sa place en A. Dès la promotion acquise, il a mis un terme à sa carrière après 333 matches en jaune et bleu. Pour lui rendre hommage, le club a opportunément retiré son numéro 6. « Je suis mort avec Parme et je veux renaître avec Parme » disait-il en 2015. C’est chose faite.
Racheté en 2017 à 60% par l’entrepreneur chinois Jiang Lizhang, également propriétaire du club espagnol de Granada FC et actionnaire minoritaire de la franchise NBA des Minnesota Timberwolves, l’on a envie de croire à une gestion de qualité sous la houlette du milliardaire asiatique. D’autant qu’il a nommé la légende et toujours meilleur buteur du club Hernan Crespo en tant que vice-président pour seconder le très estimé Nevio Scala. Suffisant pour redevenir attractif ? En tout cas, assez pour convaincre Jonathan Biabiany, figure du club post-Parmalat ou encore Gervinho. Les fans du Stade Ennio-Tardini auront donc eux aussi le droit de voir passer par chez eux les meilleures écuries transalpines. Et l’on a tous de quoi s’en réjouir.