Si la sélection portugaise semble retrouver les couleurs qu’elle avait perdues un soir d’été 2004, le championnat portugais, lui, est en grande difficulté. La domination des trois cadors du championnat entraîne de nombreuses inégalités. Cela provoque l’exaspération de certains présidents de club, allant même jusqu’à appeler au boycott du championnat. De plus, les décisions litigieuses que prennent les arbitres en faveur de ces trois cadors ainsi que la crise qui touche le Sporting CP plongent davantage le pays en crise. Entre corruption, crise ou encore problèmes économique, retour sur les difficultés auxquels doit faire face le football lusitanien.
Des stades désertés
Les enceintes portugaises se sont majoritairement développées à l’occasion de l’Euro 2004. Si les stades du Benfica, du Sporting et de Porto affichent de bonnes affluences, les autres enceintes peinent à obtenir ne serait ce que 50% de taux de remplissage moyen. Sur la saison 2016/2017, douze clubs de première division ont affichés une affluence moyenne inférieure à 50%. La principale cause de ces faibles affluences est le manque de suspense présent au Portugal. Mise à part les trois cadors et, peut-être, Braga et Guimaraes, toutes les équipes semblent se valoir. Une autre raison est la popularité de ces trois cadors. On estime que 51% de la population portugaise supporte le Benfica Lisbonne. Ainsi, il est assez impressionnant de voir des stades rouges de socios Benfiquista même lorsqu’ils jouent à l’extérieur.
Une période Post Euro 2004 mal négociée
Au Portugal, on compte douze stades possédant une capacité d’au moins 29 000 places. A titre de comparaison, on en compte quatorze en France. C’est en vue de l’Euro 2004 que ces nombreux stades ont été construits. Toutefois, les clubs n’ont pas pu assumer le coût de ces stades dans les années qui suivirent, les plongeant majoritairement dans une crise entraînant la faillite.
Prenons par exemple le cas de Boavista. Sacré champion du Portugal en 2001, le club basé à Porto pensait que c’était le début d’une nouvelle ère. Ils décident de construire une nouvelle enceinte. Inaugurée lors de l’Euro 2004, ce fut finalement un gouffre financier pour Boavista. Le club fait faillite et est rétrogradé financièrement. L’enceinte de 30 000 places n’aura servi que pour un mois de compétition. Même si le club est remonté dans l’élite du football portugais en 2014, les affluences ne suivent pas. Boavista affichait la saison passée une affluence moyenne inférieure à 6000 spectateurs.
Le stade de Boavista est loin d’être un cas isolé. On pourrait citer l’Estadio Algarve, situé à Faro. Le club à connu le même sort que Boavista, et le stade sert maintenant de stade national pour la sélection de Gibraltar… Ainsi, ces faibles affluences sont dues au manque de concurrence, dues à son tour à un problème économique majeur au Portugal, devenu source de polémiques : les droits TV.
Les droits TV, une polémique devenue un scandale national
Avant toute chose, il faut savoir que le Portugal est encore à l’heure actuelle l’un des seuls pays européens où les droits TV ne sont pas centralisés. C’est à dire que chaque club est libre de négocier avec qui il souhaite la vente de ses droits TV. Ainsi, tout le monde prend d’assaut les trois cadors. Le reste du championnat doit se partager les miettes. On estime que 90% des recettes TV sont distribuées entre Benfica, Porto et le Sporting.
Benfica s’est donc lié avec l’opérateur NOS pour dix saisons, et les droits TV leur rapporteront au moins quatre-cents millions d’euros. Le voisin lisboète, également chez NOS, gagnera quant à lui cinq-cent-quinze millions d’euros pour un contrat de dix ans, qui comporte également un sponsoring maillot. Enfin, Porto s’est lié à Altice pour douze saisons et quelques quatre-cent-soixante millions d’euros à la clé.
NOS a également obtenu les droits TV de huit autres clubs du championnat. Parmi ces huit clubs, c’est Braga qui obtient le plus en ce qui concerne les droits TV. Pour la période 2019/2026, ils empocheront quarante-deux millions d’euros. Soit neuf fois moins que Benfica et onze fois moins que Porto…
Des présidents désespérés
La différence de budget entre les trois cadors et les autres clubs a plongé le championnat en crise. Certains présidents affirment que les accords qu’ont réalisés Benfica, Porto et le Sporting sont illégaux. Pedro Proença, président de la ligue, admet que « nous allons de travers et oublions les bons exemples comme l’Angleterre où la distribution des revenus de la télévision est équitable ». D’autres, comme Antonio Fuzia, président de Gil Vicente (D2), demande « l’intervention du gouvernement ». Certains présidents se sont également réunis et menacent d’arrêter le championnat si rien ne bouge dans les saisons à venir.
Le Sporting Portugal en crise
Le 16 mai dernier, une cinquantaine de supporters lisboètes ont forcé la sécurité du centre d’entraînement du Sporting Portugal. Ces « supporters » sont venus s’en prendre physiquement aux membres de l’équipe et du staff. Bas Dost, pourtant meilleur buteur du club (34 buts en 54 apparitions) est l’un de ceux qui fut le plus violemment agressé. Marcos Acuna, Josep Misic ou encore l’entraîneur Jorge Jesus furent également pris à partie. Ces agressions ont eu lieu quelques jours après la défaite face à Maritimo, enlevant ainsi tout espoir de qualification en Ligue des Champions. Moins d’une semaine après ces évènements, le Sporting Portugal s’inclinait en finale de la coupe du Portugal contre le modeste club d’Aves.
Si la crise qui suivit au sein du club est en grande partie due à ces agressions, elle n’est pas pour autant l’élément déclencheur. En effet, en avril dernier, Bruno de Carvalho, président du club Lisboète, avait pris la décision de suspendre tous les joueurs de l’effectif suite à des critiques émises à son encontre après l’élimination en Europa League contre l’Atletico Madrid. Quelques jours plus tard, il revenait sur sa décision, mais c’était trop tard. Le club était plongé dans une crise sans précédent et alors qu’ils étaient très bien engagé pour s’emparer d’un titre de champion qu’ils attendaient depuis 2002, le Sporting enchaîna les mauvais résultats pour finir troisième.
Des conséquences terribles
Le Sporting Portugal finit la saison à la troisième place. Suite aux agressions des joueurs et du staff, se pose la question de qui va rester. Les joueurs se réunissent, le club retient son souffle. Le 11 juin, ce n’est pas un, mais quatre communiqués qui sont publiés par le Sporting. Les Internationaux Portugais William Carvalho, Gelson Martins et Bruno Fernandes ont rompu unilatéralement leur contrat avec le Sporting Portugal. Le quatrième communiqué est pour le néerlandais Bas Dost. C’est une hécatombe. Quelque jours plus tard, c’est au tour de l’entraîneur, Jorge Jesus de démissionner. Enfin, le président Bruno de Carvalho est suspendu. La raison ? Le journal Publico a affirmé avoir des preuves montrant que le président a contacté des membres de la Juve Leo (principal groupe de supporter du Sporting) et serait à l’origine de l’agression du centre d’entraînement en mai.
Le club a organisé l’élection d’un nouveau président, qui se déroulera le 8 septembre prochain. En attendant, c’est Artur Torres Pereira qui assure l’intérim. Ce dernier parvient miraculeusement à convaincre William Carvalho, Bruno Fernandes et Bas Dost de revenir au club. Toutefois, l’un des joueurs les plus important du club quitte le navire : Rui Patricio, qui a également rompu unilatéralement son contrat. Au final, quatre joueurs sont partis librement suite à une rupture unilatéral de leur contrat. Il s’agit de Gelson Martins (Atletico Madrid), Rui Patricio (Wolverhampton), Daniel Podence (Olympiakos) et Rafael Leao (LOSC). Le dernier cité, buteur de 19 ans, était l’un des plus précieux joyaux du club.
Crise économique
Après avoir perdu ses joueurs, son coach et son président, la valeur du club a chuté de 17% en bourse. Le Sporting est le 25e club le plus endetté au monde, et les principaux revenus mis à part les droits TV sont la vente de leur joueurs. Si le club a finalement réussi à vendre William Carvalho au Betis Séville pour vingt millions d’euros, les cinq joueurs ayant rompu unilatéralement leur contrat n’ont rien rapporté. Le Sporting réclamerait ainsi 200 millions d’euros de compensation financière. Le club réclame 50 millions pour Rui Patricio,100 millions pour Gelson Martins, 30 millions pour Daniel Podence et 30 millions pour Rafael Leao. Pas sûr que les lisboètes obtiennent gain de cause.
Des affaires de corruption touchant les trois cadors
Le 8 mars dernier, un responsable du Benfica Lisbonne ainsi que quatre autres personnes ont été placés en détention provisoire pour une affaire de corruption. Paulo Goncalves, directeur du département juridique de Benfica, est soupçonné de « crimes de corruption active et passive, violation du secret d’instruction, fraude informatique et favoritisme ». Ce n’est pas la première fois que le club est impliqué dans une affaire de corruption. En octobre 2017, ce même Paulo Gonçalves fut mis en examen dans l’affaire des e-mails, qui était un système de corruption d’arbitres visant à favoriser Benfica.
Le FC Porto fut également accusé d’avoir truqué la rencontre Estoril – Porto. Les hommes de Sergio Conceicao perdaient 1-0 à la mi temps pour finalement s’imposer 3-1 et rester dans la lutte du titre avec Benfica.
Enfin, le Sporting est accusé d’avoir versé des pots-de-vin à des joueurs ainsi qu’au corps arbitral. Entre trois et dix milles euros pour les joueurs selon l’équipe. André Geraldes, bras droit de l’ex président du Sporting, est accusé de 8 crimes de corruption.
Le Portugal est, depuis quelques années, entré dans une crise dont il peine à s’en échapper. Les récents résultats des clubs Portugais en Europe (Benfica dernier de son groupe, défait 5-0 à Bâle la saison passée) montre le malaise qui règne dans le pays. L’écart présent entre les équipes rend le championnat moins attractif, que ce soit pour les joueurs ou les supporters. Enfin, les problèmes de corruption ne semblent pas près de se terminer. En effet, le 27 août, le Benfica Lisbonne fut de nouveau inculpé dans une affaire de corruption. Malheureusement, la crise présente au Portugal n’est pas un cas isolé dans le monde du football. En effet, la situation au Brésil semble également critique, comme nous l’avions précisé il y a quelques semaines.