Petit tremblement de terre au Canada, un samedi de mai 2017. À l’abris des regards indiscrets, la Canadian Soccer Association vote à l’unanimité la création d’une première ligue professionnelle. Retour sur ce qui pourrait bien être la déclaration d’indépendance du soccer canadien.
État des lieux
Si vous voyagez au Canada, vous verrez qu’il n’existe que deux sports là-bas : le hockey et le soccer. À Montréal, par exemple, on trouve d’un côté les fervents « partisans » des Canadiens de Montréal, majoritairement anglophones, et de l’autre les fanatiques de l’Impact, plutôt francophones.
Pourtant, si le hockey retrouve souvent la gloire sur la scène internationale (championnats du monde de 2015 et 2016), le soccer, lui, peine à évoluer. Exemple criant, le Canada ne compte qu’une seule apparition en Coupe du Monde, en 1986. Le reste du temps, il est éliminé lors des tours préliminaires.
La mauvaise réussite du soccer canadien, qui compte pourtant plusieurs millions de joueurs, peut s’expliquer par son système. S’il fallait établir une tératologie du football mondial, classant les systèmes les plus mal-foutus, le Canada serait parmi les pires. La pyramide canadienne est en effet plus incompréhensible encore que celle du voisin états-unien. Et encore pire que celle du Brésil.
Comme l’indique le schéma, il n’existe pas pour l’instant de première ou de deuxième division canadienne. À cause de ce manque d’organisation, les quelques équipes professionnelles canadiennes ont choisi d’évoluer sous l’United States Soccer Federation et jouent dans les ligues américaines comme la MLS (Toronto FC, Vancouver Whitecaps, Impact Montréal) ou l’USL (Ottawa Fury FC et Toronto FC II). Plus surprenant encore, certaines équipes amateures ont choisi de jouer en PDL malgré l’existence de ligues canadiennes équivalentes.
Pour couronner le tout, il n’existe pas de promotion ou de relégation entre les ligues amateures régionales et la League1 Ontario et la Première Ligue du soccer du Québec.
Corruption et tabula rasa
Mais le problème du soccer canadien ne vient pas seulement de son système embryonnaire. Le tournant se produit en 2013, lorsque plusieurs équipes de la Canadian Soccer League (CSL, seule ligue nationale à l’époque), sont accusées d’avoir truqué des matchs. La CSA désaccrédite sur le champ la CSL, qui doit alors rejoindre une autre fédération non-FIFA.
Devant le Centre de Règlement des Différends Sportifs (SDRCC), le président de la CSA revient sur les raisons de sa décision. L’exclusion de la CSL n’est pas liée aux matchs truqués, mais fait exclusivement suite à un plan de renouvellement du soccer canadien, le James Easton Report. Ce dossier de 32 pages étudie la possibilité d’une ligue 3 semi-professionnelle divisée en régions. Par-là, la fédération canadienne annonce son ambition : repartir à zéro et reconstruire un système complet.
Dans le cadre de ce plan de restructuration naît la même année la League1 Ontario, qui suit d’un an la création de la Première Ligue de soccer du Québec, toutes deux semi-professionnelles.
La CanPL, renouveau du soccer canadien
En 2017, suivant toujours la perspective d’un renouvellement, la CSA entreprend la création de la Canadian Premier League. Cette première ligue professionnelle occuperait logiquement le 1er tiers du schéma pyramidal. Ses créateurs : l’ancien président de la CSA, Victor Montagliani, et le propriétaire des Hamilton Tiger-Cats, Bob Young.
Pour le lancement de sa saison inaugurale de 2019, la CanPL compte déjà sept équipes : Cavalry de Calgary, le FC Edmonton, les Wanderers d’Halifax, le Valour de Winnipeg, le York 9 FC, le Forge de Hamilton et le Pacific FC. La ligue en attend encore trois pour la saison. À terme, il sera question d’une vingtaine d’équipes divisées en deux niveaux, pour pouvoir incorporer un système de promotion et de relégation. En ce qui concerne les équipes professionnelles canadiennes déjà présentes en MLS, elles resteront chez le voisin états-unien. À moins d’un renversement de situation inattendu !
Le but est donc de créer, avec la CanPL, une vraie alternative sur la scène nord-américaine. Elle ferait concurrence avec les systèmes fermés et permettrait aussi d’accueillir les joueurs canadiens qui peinent à s’imposer à l’international. Elle leur promet pour cela un salaire compris entre 40 000$ et 60 000$ par mois. Loin, donc, des 3 000$ que touchent certains joueurs d’USL. Ce salary cap accompagnera une règle obligeant les équipes à avoir au moins 50% de joueurs canadiens. Cette règle faciliterait l’éclosion locale de jeunes talents et le renforcement du soccer national. La CanPL n’est pas loin, en cela, du modèle russe, fondé sur le home-grown.
En somme, la Première Ligue Canadienne est une nouvelle rafraîchissante pour tous les amateurs de soccer. Loin d’être une ligue champagne, elle se concentre sur un développement local. Elle permet ainsi une évolution concrète pour le sport canadien. Rendez-vous en 2019 désormais.