Lorsqu’au printemps 2017, on a vu à la rédaction Demivolee.com qu’une équipe de MLS toute neuve affichait des records de remplissage digne d’un cador de Ligue 1, on s’est demandé ce qui se passait au pays des Yankees. Qu’est-ce qui justifiait un tel engouement pour du soccer dans un championnat rempli de vieilles gloires usées et de starlettes qui n’ont pas réussi à faire leur trou dans nos championnats Européens ? Nous avons donc enquêté. Et comme l’argent coule à flot par chez nous, nous avons dépêché un envoyé spécial sur place pour enquêter au plus près (votre serviteur). Parce qu’on ne fait pas les choses à moitié. Zoom sur Atlanta United, un club symbole d’un virage de la MLS.
Une ville… qui incarne la lose
Atlanta est une petite bourgade de quelques 470 000 habitants, centre d’une métropole de près de six millions d’individus (la septième des Etats-Unis) et la 10e métropole économique des USA (dix-huitième dans le monde) avec un taux de croissance qui ne subit pas la crise (deuxième du pays) portée par sa nouvelle industrie technologique et son historique secteur financier. Capitale de Géorgie, elle possède l’aéroport le plus fréquenté du monde ce qui en fait un point de passage essentiel. Mais n’épiloguons pas sur les chiffres et rentrons dans le vif du sujet, le sport.
Atlanta est une ville de sport, elle a vu grandir des grands hommes du football américain (Heisman et son match d’anthologie par exemple). C’est même une ville pionnière dans le sport universitaire étant donné qu’elle a été un membre fondateur des ligues universitaires. Cependant, Atlanta est surtout une ville de la lose. Une ville qui perd, et ce au point d’être affublé du surnom de « Loserville ». Et ce n’est pas la finale du Superbowl des Falcons en 2017 qui fera démentir ce surnom.
Et malgré tout ça Atlanta United est en train de casser tous les records de fréquentation avec une moyenne pour cette saison 2018 de 51 799 spectateurs, en progression par rapport à la moyenne de 2017 (48 200). Et détient de très loin le record d’affluence de MLS. Ce record, le club le brise régulièrement au fil des mois depuis son installation en septembre dernier dans son nouveau stade modulable qui peut monter jusqu’à 80 000 places en cas d’événement extraordinaire (comme le Super Bowl) et de 72 243 places maximum pour du football autrement.
We set records, and then we set the bar higher
72,243 is your new @MLS single-match attendance record. Thank you, Atlanta! pic.twitter.com/PzV7d4a5y6
— Atlanta United FC (@ATLUTD) July 15, 2018
Ce record fait d’Atlanta United le détenteur de la quatrième affluence de football de toute la saison (depuis septembre 2017). Surprenant. Des chiffres qui en somme feraient rougir d’envie tous les gestionnaires de Ligue 1 et voir probablement de toute l’Europe hors Bundesliga et qui hisse ce club dans le top 18 mondial. Ici en MLS, un club dépasse donc tous les chiffres de notre modeste Ligue 1, et de très loin.
Un stade… joyau de technologie
Un colosse au milieu de la ville
Lorsqu’on a débarqué en été 2017 du côté d’Atlanta on s’attendait à beaucoup de chose (bon peut être pas le contraste entre l’hiver des bâtiments et la chaleur étouffante extérieure tout au long de l’année). Mais on pensait que le football restait un marché de niche malgré son succès… Mais quel ne fut pas notre surprise en plein centre-ville de voir toute la ville affublée de fanions, drapeaux et de maillots d’Atlanta United. On s’est dit que c’était peut être le repas de la compagnie aérienne qui nous faisait halluciner. Ou encore qu’on avait pris notre chambre d’hôtel en plein milieu d’un quartier de supporters, près de leur camp d’entraînement.
Nous nous trompions grandement, que ce soit à Midtown ou Downtown (les deux quartiers centraux de la ville), les bars affichent fièrement les couleurs d’Atlanta United. Les boutiques affichent très souvent des stickers et autres symboles d’encouragement au club. En clair, la ville semble acquise à la cause Atlanta United, ce qui détonne complètement des préjugés sur le football étasunien. Mieux, il n’est pas rare de croiser des voitures avec un stickers Atlanta United, comme quoi le marketing semble avoir réussi.
Mais pour en être sûr, il vaut mieux s’installer dans le stade et voir cela de nous-même. Et quel stade d’ailleurs, un vrai bijou. Et même si le Georgia Dome qui trônait à ses côtés à notre arrivée n’existe plus désormais le nouveau stade dénommé Mercedes-Benz Stadium (MBS) brille toujours de mille feux. Bon, pour un milliard et demi de dollars, heureusement que le stade est joli. Mais soulignons que les choses ont été bien faite. Nous devions arriver pour l’inauguration. Mais, par la faute d’une organisation défaillante, nous n’avons pas réussi à avoir des places pour le match des Falcons ce jour là (et franchement on était venu voir le vrai football à la base). Et, croyez le ou non, mais on a pas voulu nous filer une accréditation presse… Incroyable.
Du coup on est allé au 2e match dans le stade, le premier match inaugural de la saison de NCAA, un match sponsorisé par le KFC local, traditionnellement organisé à Atlanta tous les ans (on vous a pas menti sur le fait que c’est une ville de sport). Un match qui n’a pas porté chance aux locaux et vu encore une fois une équipe d’Atlanta s’incliner d’un point. Un comble. Mais il y avait du bruit, c’était beau, c’était joyeux. Tout était peu cher dans le stade (on y reviendra) et on s’est pris au jeu. Et on s’est demandé ce qu’une foule de supporters mieux organisés que des étudiants (pour la plupart) pourrait donner niveau sonore.
Une expérience américaine
Puis on est revenu une fois pour voir le vrai football, puis deux, et on a enchaîné pris par la ferveur. Puis rapidement la saison s’est terminée. Et malheureusement Atlanta United n’est pas allé assez loin en play-off pour vous offrir des images d’anthologie maintenant qu’on s’était équipé… Pour compenser, on vous offre un montage magnifique du toit du stade.
👀🔄
The greatest roof in sports is now finished!#MBStadium pic.twitter.com/rfvd1LoZBo
— MercedesBenzStadium (@MBStadium) July 25, 2018
Que sortir de cette expérience ? Le football aux États-Unis semble être un mix entre la NBA et notre football. Il y a ce côté spectacle dans tout ce qui entoure le match, l’ambiance est très bonne dans le stade. Les supporters du club avec qui nous avons pu discuter sont très heureux d’avoir enfin un vrai stade et non plus une équipe itinérante. Ils se réjouissent de pouvoir supporter une équipe locale au quotidien. La plupart sont des amateurs de football européen et apprécient la qualité de jeu et la spectacularité des matchs d’Atlanta United qui détonne un peu en MLS.
On a aussi apprécié (contrairement aux voisins de la Philipps Arena) les consommations peu chère. Et même si le refill à volonté ferait grincer des dents en France, ici à Coca Cola City ça ne semble gêner personne. Et à l’instar de la NBA, les boutiques à l’intérieur du stade pratiquent un marketing agressif le jour du match avec des promos qui tournent et sur des produits premiums (sweats, maillots, etc).
Une vision : imposer la MLS dans le jeu mondial des transferts
Cette politique de menu « fan friendly » est voulue. Le but est de servir au mieux le spectateur et de faire de son après-midi (les matchs sont rarement tardifs). Et les fans le rendent bien puisque avec plus de 37 000 abonnés pour la saison 2018 et plusieurs milliers de gens en liste d’attente, le stade ne désemplit pas. Tout est bien dans le meilleur des mondes, même si, murmure-t-on du côté des supporters avec qui nous avons gardé le contact, les gens sont un poil mécontents de la hausse des abonnements prévus pour 2019. Une hausse due à une très forte demande des billets.
Et puisqu’il est question de révolutionner les pratiques, il est temps de rentrer dans le vif du sujet. Atlanta United est un symbole d’une révolution qui agite la MLS : celle d’une ligue qui fait tout pour se placer sur l’échiquier mondial et qui a compris que ça passerait par des ressources financières accrues. Et si l’augmentation des droits TV et des droits de sponsoring de la ligue (tout est centralisé à la façon NBA) à venir permettrait de replacer la MLS au niveau du Brésil et de la SuperLeague chinoise, c’est aussi et surtout par sa nouvelle stratégie que la MLS souhaite s’imposer.
En effet, la MLS cherche à devenir une plateforme intermédiaire entre les ligues sud-américaines et l’Europe. De sorte à capter la manne financière européenne. Ainsi Ezequiel Barco, Diego Rossi, Josue Colman, Jesus Medina, Milton Valenzuela, Alejandro Fuenmayor sont les exemples les plus récents de jeunes sud-américains arrivés en MLS qui peut leur offrir un salaire, un calme de vie et une stabilité qui leur permet de se mettre en valeur.
Et Atlanta United est le symbole de la réussite de cette nouvelle identité de la MLS, aux antipodes de son image de ligue de retraité et de vieilles stars fanées. N’imaginez pas pour autant que la MLS a tout révolutionné du jour au lendemain. Le système est imparfait et la coexistence avec les ligues universitaires est un problème toujours irrésolu pour les jeunes talents locaux, malgré un vivier incroyable.
Une influence latine… dans l’antre du Dirty South
Atlanta United est donc une équipe qui incarne ce virage latin de la MLS. Mais on vous a vu venir, n’allez pas croire que le succès d’Atlanta United provient de cette image latine qui réunirait un communautarisme local. Déjà parce que la démographie d’Atlanta n’est pas du tout latine (5% dans Atlanta même, 10% dans la métropole avec principalement des Mexicains et des Porto Ricains, soit deux fois moins que la moyenne nationale). De plus, les gens qui sont attirés au stade ne sont pas exclusivement latinos. Au contraire vous pouvez croiser dans les virages du MBS toute la démographie d’Atlanta : la grande communauté afro-américaine, les WASP, la communauté coréenne, la communauté hispanique etc.. Dans les travées, cela supporte Manchester United, le Barça, Boca Juniors. On a même croisé un aventurier avec un maillot du FC Metz aux alentours du stade.
Ce qui est notable, c’est qu’à l’inverse des matchs de football US auxquels nous avons assisté, la moyenne d’âge pour les matchs de foot est plus faible. On croise beaucoup de familles et par moment le stade à des allures de petite fête de village. Les Américains viennent en avance. Ainsi, ils peuvent faire des barbecues géants dans l’avant-match du côté des parkings dans la tradition des États du Sud. Et puis une fois la fin du match arrivée, un dernier tour dans les boutiques du stade et puis on saute dans le MARTA (les transports publics) ou dans un Lyft/Uber qui disposent de zones spécifiques pour accélérer le trafic. Ou alors un petit tour du côté du Parc du Centenaire pour continuer l’après-midi en beauté.
Toute l’expérience Atlanta United est centré sur l’idée de plaisir. En allant chercher Gerardo « Tata » Martino le président a fait le choix d’un homme qui n’est pas forcément le plus brillant leader d’hommes. Mais c’est un coach qui a su montrer son goût pour le jeu et pour prôner un football offensif. C’est peut être ce qu’il manquait à la MLS : un coefficient de spectaculaire plus élevé. En tout cas Atlanta United on a essayé, on a pratiqué plusieurs mois et on a aimé. Une équipe à l’image de son leader, jeune, insouciante et agréable à regarder. Ce leader a vingt-quatre ans et il s’appelle Miguel Almiron.
Un joueur… Miguel Almiron
Comment vous présenter Miguel Almiron ? « Miguel Almiron est une lueur dans la nuit, la chaleur d’une flamme dans l’obscurité glaciale qui a illuminé notre cœur et soulève les foules », pourrait dire Omar da Fonseca. Miguel Almiron est un numéro 10 élégant, vif et technique. La vision du jeu d’Almiron casse les lignes défensives de la MLS. Ses chiffres sont assez stratosphériques (8 buts, 11 assists en 20 matchs au moment d’écrire ces lignes) et en font probablement le meilleur joueur de MLS de loin. Un comble pour un joueur qui rechigne aux efforts défensifs et qui pèche dans le duel physique. Et même si les golgoths des préjugés sur la MLS existent vraiment, que peuvent-ils faire face à la beauté technique du football ?
N’importe quel joueur d’Atlanta United peut être retiré sans gripper la machine sauf Miguel Almiron. L’international Paraguayen de 24 ans qui brillait déjà à Lanus (Argentine) avant de parapher son contrat de 2,3M$ avec Atlanta est le symbole de la révolution évoquée plus tôt.
On aurait pu vous parler d’Ezequiel Barco qui vient d’arriver – un joueur que nous avions repéré alors qu’il n’était pas encore à Atlanta – ou de Josef Martinez qui casse tous les records de but, mais non. Almiron va peut être débarquer en Europe cet été et ça fait chaud au cœur.