Lors de la Coupe du Monde, le football brésilien n’a pas montré au monde sa meilleure image. Entre les roulades de Neymar qui ont fait le buzz et une piteuse élimination contre la Belgique en quart-de-finale, les auriverdes ne sont pas parvenus à redorer leur blason. Un blason déjà salement amoché par la défaite sept buts à un il y a quatre ans à domicile. Alors une question se pose : le football brésilien est-il en crise ?

Le problème de l’export

L’exportation des joueurs est un réel problème pour le football brésilien. En effet, aujourd’hui, la structure financière des clubs du Brasileirão, le championnat de première division du pays, n’est pas viable. Beaucoup de clubs sont criblés de dettes. Les infrastructures sont vétustes, et les stades non-rénovés pour 2014 tombent en décrépitude. D’autre part, beaucoup de stades de 2014 sont disproportionnés. Cela engendre donc des coûts énormes pour les clubs. Ceux-ci sont alors obligés de trouver une source de revenu.

Mais le sponsoring ne suffit pas. En effet, la visibilité internationale du championnat est quasi-nulle. Aucune chaîne européenne de grande envergure n’est prête à dépenser des sommes importantes pour diffuser la compétition. Et même sur le plan national, les sommes déboursées sont faibles. Le contrat de sponsoring avec Chevrolet n’est pas suffisant pour nourrir les clubs. Et même la fédération se retrouve dans une situation délicate.

La solution financière trouvée par les clubs du Brasileirão est donc l’export massif de joueur. Cette stratégie est effective à haute intensité depuis au moins quinze ans. Cependant, elle s’accélère depuis plusieurs années, avec des exportations de joueurs de plus en plus jeunes. Pour ne citer qu’un exemple récent, le transfert de Vinicius. A seize ans seulement, il a été acheté 45M€ par le Real Madrid.

Des difficultés structurelles pour le football brésilien

En outre, le football brésilien a des difficultés sur le plan de la formation des entraîneurs. Peu d’entraîneurs de haut niveau ont émergés sur les dix dernières années. Et peu de techniciens brésiliens de grande envergure figurent dans le haut du tableau. Cela force une réutilisation d’entraîneurs, qui provoque une certaine consanguinité dans le football brésilien. Cela dit, ce n’est pas une spécificité brésilienne. En Argentine aussi, on a des grosses difficultés structurelles au niveau de la fédération.

Mais le contraste est flagrant par rapport à l’Uruguay. Quart-de-finaliste du mondial aussi, l’Uruguay a une population cinquante fois inférieure aux deux-cent millions d’habitants. Pourtant, le football local est bien mieux organisé. Des détections sont organisées sur l’intégralité du territoire du pays. Les clubs de première division ont obligation chaque semaine de libérer leurs meilleurs jeunes d’au moins quinze ans pour des stages avec la fédération. Le niveau de jeu prodigué par le pays par rapport à la population dont il dispose est assez impressionnant : il y a une véritable attention à la formation des joueurs. Et même si le championnat national n’est pas hyper-compétitif, il n’est pas un simple marché pour les jeunes joueurs.

Ce que le Brasileirão est lui devenu. Les jeunes joueurs sont formés à l’attention des clubs européens, et il y a une perte de traçabilité dans la manière dont la formation est effectuée. Nous avons vu qu’il était très courant pour les jeunes de partir avant même d’avoir une saison dans les jambes. Ils se retrouvent post-formés en Europe, et perdent donc les spécificités nationales. L’attention portée au physique et à la tactique a supplantée celle portée au beau jeu. Si le Joga Bonito a été la marque de fabrique historique du football brésilien, elle est aujourd’hui morte et enterrée.

Un manque d’identification

La dernière difficulté majeure que rencontre le football brésilien est le manque d’identification des supporters aux joueurs. En effet, de par leur départ très jeune, ils ne sont plus assimilés à un club et donc ne participent que plus faiblement à l’attachement des supporters à la sélection. Le football brésilien s’est construit autour de stars proches d’un club : Garrincha et Botafogo, Pelé et Santos, Socrates et les Corinthians, Roberto Dinamite et Vasco… Et même si ces joueurs partaient à l’étranger, ils restaient symbole d’un club. Et revenaient bien souvent. Walter Casagrande, par exemple, est revenu aux Corinthians après son passage au Torino et à Porto. Mais, plus important, il n’était parti à l’étranger qu’après avoir près de vingt sélections avec l’équipe nationale brésilienne.

Origine des joueurs brésiliens à la Coupe du Monde

Ce manque d’identification conduit à un désintérêt grandissant des spectateurs brésilien pour le football. Quand le désastre du Maracanaço avait été vécu comme un drame national, aujourd’hui les brésiliens ne regardent plus la Coupe du Monde. On estime que près de cent-dix millions de brésiliens n’ont pas suivi la Coupe du Monde, et qu’un quart d’entre eux n’ont pas regardé le moindre match. Mais la fédération brésilienne ne semble pas prendre la mesure du travail à effectuer pour redonner de l’intérêt au football pour les brésiliens.

Dans quatre ans au Qatar, cela fera vingt ans que le Brésil n’aura pas gagné la Coupe du Monde. Le Brésil n’a pas gagné la Copa America depuis 2007. Une éternité pour un des plus beaux palmarès du football mondial. Le travail à effectuer pour tout le football brésilien est gigantesque afin de résorber la crise structurelle du pays. Et c’est à la fédération d’enclencher cela, en commençant par protéger les jeunes joueurs et en limitant leur export. Cela passe par une amélioration des structures de formation locales. C’est une nécessité pour l’avenir du football brésilien.

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