Le football n’a pas toujours été le jeu mondial que l’on connaît. Des Hommes ont contribué à lui donner sa grandeur. Parmi eux, Gabriel Hanot. Portrait de cet homme qui fût un des instigateurs de la dimension européenne et mondiale du football.
L’Alsacien
La commune de Wangenbourg-Engenthal n’a pas beaucoup de raisons d’être connue au monde. En fait, elle n’a même que deux personnalités liées à elle. Le premier est connu de tous : Charles de Gaulle. Le futur président de la République française vécut, colonel, quelques mois à Wangenbourg-Egenthal. L’autre est un peu moins connu : il s’agit de Gabriel Hanot. Mais avant de le voir à Wangebourg-Egenthal, il faut remonter à la fin des années 1880.
Nous sommes au début du mois de novembre 1889, à Arras. Un gamin voit le jour dans une famille de petite envergure, sans liens évidents avec le football. En même temps, normal : les premiers matchs internationaux ne sont organisés en Grande-Bretagne que depuis quelques années. Sa famille déménage assez tôt à Tourcoing, non loin de Lille et de Roubaix. Et c’est là que Gabriel Hanot fait connaissance avec le sport-roi. Quel âge a-t-il ? On ne sait pas vraiment. Il est au lycée, peut-être au collège. En tout cas, c’est dans la cour de récréation qu’il tâte ses premiers cuirs.
A dix-sept ans, cependant, alors qu’il est sur le point d’avoir son bachot, il se rapproche très fortement de ce qui sera son seul amour : le football. En effet, il prend sa première licence, avec l’US Tourcoing. Très vite, l’histoire entre l’homme et le club est fusionnelle. Il s’impose dans le onze, dans la ligne de cinq de devant, au poste d’ailier gauche. Il honore même à dix-huit ans et quatre mois sa première cape en bleu, soit un peu plus jeune que Kylian Mbappé près d’un siècle plus tard. Et encore, Hanot est titulaire dans cette équipe de France ! En effet, le règlement n’autorise pas encore les changements – sauf ceux entre frères jumeaux dans les vestiaires à la mi-temps, mais c’est une autre histoire.
Eine deutsche Geschichte
L’histoire devient peu à peu allemande pour Gabriel Hanot. Nous sommes en 1910, et le jeune français vient d’être sacré champion de France USFSA avec l’US Tourcoing. En parallèle, il est écarté de l’équipe de France, pour cause de conflit entre la fédération USFSA et le Comité français interfédéral. Alors Hanot profite de ses études en allemand pour lier l’utile à l’agréable. Il part à Berlin en voyages d’étude pour deux ans, et retrouve là bas un club : le FC Preussen de Berlin. Fondé en 1894, le Preussen évolue aujourd’hui en sixième division allemande. Mais à l’époque, l’arrivée d’Hanot n’en fait pas la superstar de l’équipe. En effet, suite aux pénuries de latéraux dans l’équipe, Hanot descend d’un cran et s’impose comme arrière gauche. Sans parler de révolutonner le poste, il se pose néanmoins comme un joueur de grand talent, qui éclabousse le championnat allemand de sa classe.
Après avoir perfectionné son allemand outre-Rhin, il revient en France en 1912. Entre temps, l’USFSA et le CFI se sont réconcilié. Gabriel Hanot en profite, et honore huit nouvelles sélections en équipe nationale. Mais l’histoire allemande va revenir. En effet, en 1914, la Grande Guerre éclate. Engagé en tant que soldat, Gabriel Hanot est fait prisonnier par les allemands en 1915, mais parvient à s’échapper en 1916. Et loin d’en profiter pour se la couler douce, Hanot se réengage, cette fois-ci dans l’aviation. Durant son temps libre, il joue avec l’équipe de France amicale – un ersatz de sélection nationale durant la guerre – et surtout avec l’AS Française. Ce club sera son dernier, et lui permettra de retrouver une dernière fois l’équipe de France – avec le brassard de capitaine, s’il vous plaît. Gabriel Hanot met fin à sa carrière de joueur en 1919. Il aura compté douze sélections en bleu, pour trois réalisations.
La reconversion
Le football n’offre cependant pas beaucoup de possibilités de reconversion professionnelles en 1920. Et ses qualités de germaniste ne sont pas spécialement mises en avant, le ressentiment anti-allemand était peut-être à son paroxysme. Cependant, c’est par le développement de la presse que Gabriel Hanot va faire carrière. Il est engagé au Miroir des Sports et quelques années après à l’Équipe. Son talent stylo à la main va faire changer définitivement la face du football français, tant du côté de la presse que du côté des joueurs. En effet, en 1932, il est un des instigateurs du professionnalisme français. L’ancien aviateur écrit également de magnifiques papiers dans le quotidien sportif français, et permet au football de se faire un place de choix dans la presse sportive.
L’Allemagne va à nouveau participer à l’évolution de sa carrière. En effet, la seconde guerre éclate. Hanot va en profiter pour perfectionner sa connaissance sanitaire du football. Il développe de nombreuses stratégies afin de développer l’hygiène dans le football. Et en 1945, à la Libération, il est nommé aux côtés de Gaston Barreau sélectionneur de la sélection nationale. Il prend des décisions fortes, comme nommer Jean Prouff capitaine. Pas vraiment une nouveauté pour lui : il était déjà entraîneur adjoint officieux durant l’entre-deux-guerres. Mais le culot de Gabriel Hanot va éclater au grand jour quand en mai 1949 il écrit un papier appelant à la démission du sélectionneur des bleus. L’équipe de France n’a pas gagné depuis un an. Un papier qu’il ne signe pas cependant. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est lui-même encore sélectionneur de l’équipe de France ! La Fédération accède à sa demande, et il est débarqué le lendemain.
Pas de place pour l’imposture
Quelques années avant, Gabriel Hanot avait créé l’Amicale des éducateurs de football. Au sein de l’association, il œuvre pour que les clubs se structurent encore plus en profondeur. Il laisse la présidence à Vandooren puis à Baron, pour se concentrer sur son travail de journaliste. Entre temps, il crée aussi le Concours du Jeune footballeur, une série de tests pour les jeunes footballeurs, qui se tiendra en 1930 pour la première fois et ne disparaîtra qu’en 1979. Ce concours a notamment permis de révéler Jean-Michel Larqué, mais aussi Raymond Kopa. Mais les rapports entre les deux hommes ne seront pas toujours au beau fixe. En effet, il reproche au Stade de Reims de l’attaquant franco-polonais de ne pas pratiquer un jeu assez direct et de trop faire de grigris avec le ballon. Adepte d’un jeu direct, il critique notamment énormément le corner à la rémoise. Raymond Kopa, influent dans le monde du football, ne manque pas une occasion de lui répondre.
Mais surtout, Gabriel Hanot œuvre à créer la Ligue des Champions. En effet, la direction de l’Équipe se rend compte que les tirages du journaux baissent le mercredi. Afin de remédier à cela, il fait part à ses camarades de la rédaction son idée : une compétition regroupant les plus grands clubs du continent. La compétition est plus grande encore que la CEE qui commence à se créer : elle traverse le « rideau de fer, de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique ». Le Gwardia Varsovie – qui révélera Wladyslaw Zmuda quelques décennies plus tard – participe ainsi à la première édition. Au mois de décembre 1954, l’idée est ficelée : Jacques Goddet, Jacques de Ryswiek, Jacques Ferrari et Gabriel Hanot créent officiellement la Coupe des Clubs Champions Européens – plus ou moins contre l’avis de la UEFA naissante à l’époque, mais avec l’appui de la FIFA. La première édition se tiendra l’année suivante.
Consécration oubliée
Et encouragé par le succès de son idée, Gabriel Hanot propose quelques mois plus tard un nouveau concept révolutionnaire, cette fois-ci afin de booster les ventes de l’hebdomadaire France Football. Il s’agit du ballon d’or. Afin de contribuer à la création de celui-ci, il démarche les journaux de l’Europe entière, jusqu’à obtenir ce qu’il souhaitait. Le ballon d’or sera décerné tous les ans au meilleur joueur européen. Après plusieurs décennies sous ce fonctionnement, le trophée récompense le meilleur joueur du monde tout court. Et, comme l’histoire est taquine, Raymond Kopa en sera un des premiers lauréats. La création du ballon d’or sera la dernière œuvre d’ampleur du meilleur journaliste français du XXe siècle. Il s’éteint à Wangenbourg-Engenthal le 10 août 1968, à l’âge de 78 ans.
Il aura fallu des années à Kazimierz Deyna pour recevoir l’hommage qu’il mérite de la part du Legia Varsovie et de la fédération polonaise. Gabriel Hanot, lui, est encore plus malheureux. Car le football français ne lui rendra pas l’hommage qu’il mérite. Pour preuve, la FFF enregistre la date de naissance de Gabriel Hanot au 13 décembre 1901. Il aurait donc été international à six ans pour la première fois. Et l’État français ne lui est pas plus reconnaissant. Aucune statue à Arras ou à Wagenbourg-Engenthal, aucune rue à son nom. Pas de photos à Boulogne-Billancourt dans les locaux de l’Équipe ou de France Football. Les grands hommes meurent souvent oubliés. Mais leurs œuvres traversent les âges.
Pingback: Ces finales qui ont marqué le football français – Reims / Madrid - DV.com()