Quand l’arbitre siffle un penalty, les supporters retiennent leur souffle. Les uns espèrent l’exploit du gardien, les autres un but pour leur équipe. Et, bien souvent, c’est l’attaquant qui l’emporte. En effet, 85% des penaltys finissent au fond. Une question se pose : comment augmenter la chance d’arrêter le penalty pour le gardien ? Comment l’attaquant peut-il faire pour augmenter son pourcentage de réussite et ainsi sa chance de marquer ? Explications.

Qui va frapper ?

Il faut déjà séparer deux cas : les séances de tir-au-but et les penaltys sifflés en plein match. Dans le premier cas, les frappeurs de penalty sont moins prévisibles, puisqu’il y a rarement plus de deux ou trois tireurs de penaltys réguliers dans une équipe. Par exemple, lors de la Coupe du Monde 1998, l’anglais David Batty a dû frapper contre l’Argentine… et c’était la première fois de sa carrière qu’il s’essayait dans cet exercice. Ce qui peut contribuer à expliquer son échec face à Carlos Roa.

Cependant, cela n’empêche pas les gardiens de se préparer à ces séquences aléatoires. Tout le monde a en mémoire la finale de Moscou où Edwin van der Sar a stoppé deux tentatives de Chelsea. Lors de cette finale, les joueurs de Chelsea étaient prévenus. En effet, Ignacio Palacios-Huerta, un grand ami d’Avram Grant, chercheur, avait réalisé une étude sur les penaltys et Manchester United. Il avait trouvé quatre points clés.

– L’équipe qui gagne le toss doit tirer en premier. En effet, l’équipe tirant en premier gagne 60% des matchs [un chiffre qui depuis a été contesté].

– Si Cristiano Ronaldo arrête sa course d’élan, il frappe dans 85% des cas du côté droit du gardien.

– Van der Sar stoppe quasi-exclusivement les penaltys tirés à mi-hauteur, entre un mètre et un mètre cinquante.

– Van der Sar plonge majoritairement à sa droite lorsque le tireur est droitier, et à sa gauche lorsque le tireur est gaucher.

Et Chelsea suit les conseils de Palacios-Huerta. Enfin presque, puisqu’Anelka décide de ne pas suivre les informations de son staff et voit son tir arrêté par van der Sar. Et Manchester United s’impose : un penalty à arrêter, voilà tout. Une preuve donc, que les statistiques et les tireurs méritent d’être étudiés.

Et où frapper ?

Mais en match, impossible d’établir réellement des stratégies. Alors les statistiques viennent au secours des gardiens. Ou plus exactement des attaquants. En effet, une étude a montré que près de 97% des penaltys cadrés et frappés à plus de deux tiers de hauteur vont au fond. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est très compliqué pour le gardien de parvenir à s’imposer. Mais pour autant, seulement 13% des tirs de réparation sont frappé dans la zone supérieure du cadre. Sans doute, conclut l’étude, parce que la technicité de la frappe est supérieure.

Mais les tireurs réguliers se savent épiés par les gardiens. Anthony Lopes, en 2013, avait avoué avoir étudié les penaltys d’Abdul Majeed Waris, ce qui lui avait permis d’en arrêter un lors d’un Valenciennes FC – Olympique lyonnais.

A 3 minutes sur la vidéo.

C’est là que se distinguent les meilleurs tireurs et les moins bons. Prenons l’exemple de Franck Ribéry, étudié par Palacios-Huerta. Celui-ci était alors le tireur de penalty attitré de l’équipe de France et du Bayern de Munich. Palacios-Huerta a découvert que Ribéry tirait ses penalty de manière parfaitement aléatoire. C’est-à-dire que la distribution de ses penaltys dans le but était la même dans quasiment tous les endroits. Et Ribéry avait avoué qu’il ne savait lui-même jamais où il ne tirerait le prochain penalty. C’est la randomisation du tir.

A l’inverse, Diego Forlan ne tirait jamais deux fois au même endroit d’affilée. Pourtant, c’était un mauvais tireur dans le domaine de la randomisation. En effet, Diego Forlan tirait en effet selon un schéma très classique : droite-gauche-droite-gauche-droite-gauche-droite-…, et cela indéfiniment. Un gardien ayant étudié les tirs du joueur peut donc très clairement définir la prochaine destination, et arrêter la frappe. C’est donc confondre changement et randomisation.

Et si le gardien plonge ?

La question est donc : si le gardien plonge du bon côté, qu’est-ce qui va se passer ? Le tireur risque-t-il de moins bien marquer ? Le gardien peut-il plus facilement arrêter ? Palacios-Huerta a également mené son analyse. Il a pour cela analysé la modique quantité de 1417 penalty entre 1995 et 2000.

Son premier travail a été de regarder les proportions. Pour cela, il a regardé les différents penaltys, et a analysé quatre situations. Soit le gardien plongeait du bon côté, et le tireur marquait ou non ; soit le gardien plongeait du mauvais côté, et le tireur marquait ou non. Présentons les résultats de l’étude dans un tableau.

Le taux de réussite est sensiblement plus important si le joueur frappe de son bon côté, et ce quelque soit le choix du gardien. En effet, l’échec est de douze points plus importants si le gardien plonge, et de trois points s’il ne plonge pas. Le joueur cadre en effet moins de son moins bon côté.

Ignacio Palacios-Huerta a donc dessiné un joueur optimal. Celui-ci, afin de maximiser ses chances de marquer, devrait frapper 61,5% du temps de son côté favori et 38,5% de l’autre coté. En réalité, les tireurs observés par Palacios-Huerta s’approchaient assez bien de ce modèle statistique. En effet, afin de maximiser leurs chances de marquer, il frappaient dans 40% des cas de leur mauvais côté, et 60% du temps de leur bon côté.

Comment empêcher l’attaquant de marquer ?

C’est cette question qui est la plus souvent revenue dans les oreilles de Palacios-Huerta. Le basque a donc également mis au point un modèle statistique pour le gardien. Selon lui, la meilleure stratégie à adopter serait de plonger du côté favorable du tireur dans 58% des cas, et de l’autre côté 42% du temps. C’est ce modèle qui est adopté naturellement par les gardiens (57% et 43%). Une autre équipe, emmenée par Levitt, sur des penaltys plus récents, a trouvée elle aussi ces pourcentages.

Mais lors de la Coupe du Monde sud-africaine, Palacios-Huerta a ajouté un élément à son étude : les séries suivies par le gardien ou par le tireur. Il a notamment regardé celles de Gonzalo Higuain avec l’Argentine et en club, ainsi que celles de l’allemand et bavarois Manuel Neuer. Palacios-Huerta s’est aperçu que durant la saison, Higuain avait beaucoup choisi le côté droit du gardien. Neuer avait quand à lui quasi-systématiquement plongé dans une série gauche-droite-gauche-droite, semblable à celle de Diego Forlan.

Un autre cas particulier est celui de Frank Lampard. Au cours de toute sa carrière, il a utilisé une randomisation quasi-parfaite… sauf en 2009-2010. Au cours de cette saison, il frappa 13 fois sur 15 du côté droit du gardien. Les deux essais restants ont été fait au cours du même match, où Lampard avait dû retirer trois fois son penalty.

Au final, Palacios-Huerta a dressé une conclusion lapidaire : les gardiens sont plus enclins à suivre des conseils que les attaquants. Il faut donc étudier parfaitement les séries de chaque tireurs, afin de maximiser ses chances d’arrêter une frappe… et pour un attaquant, de ne pas marquer.

Les petits papiers

La dernière astuce qui peut être utilisée par les gardiens est celle des petits papiers. Glissés dans une chaussette, ou bien donnée par l’entraîneur spécifique juste avant la séance, ils ont un double avantage. Le gardien augmente ses chances d’arrêt, et l’attaquant est déstabilisé. Ses chances de marquer diminuent. Ainsi le prouve une séquence de tirs-au-buts célèbres. A Berlin, en 2006, Jens Lehmann avait été conseillé par Andreas Köpke. Un petit papier lui avait été donné, juste avant la rencontre, qu’il avait glissé dans sa chaussette. Köpke avait préparé le papier dans sa chambre d’hôtel de Grunewald. Sur ce papier étaient inscrits les mots suivants :

1. Riquelme : gauche.

2. Crespo : longue course -> droite ; courte course -> gauche.

3. Heinze : en bas à gauche.

4. Ayala : 2 [son numéro de maillot, pour que Lehmann puisse le reconnaître], attend longtemps, longue course, à droite.

5. Messi : gauche.

6. Aimar : 16, attend longtemps, gauche.

7. Rodriguez : 18, gauche.

L’Allemagne avait étudié des dizaines de penalty pour établir cette liste. Sur les sept, seuls Ayala et Rodriguez prirent leur chance. Et firent exactement comme prévu. Ainsi, Ayala échoua devant Lehmann, mais Rodriguez frappa à la perfection. Le dernier tireur était hors de la liste, c’était Esteban Cambiasso. L’Allemagne menait alors 4-2. Lehmann sortit son papier de sa chaussette, tout en sachant que son nom n’y figurait pas. Il continua quand même de lire le papier pendant au moins trente secondes, ostensiblement. Cambiasso gambergea, et frappe relativement mal, ce qui permis à Lehmann de sortir sa frappe et de qualifier son équipe.

L’utilité des petits papiers n’est plus à prouver. Il s’agit en définitive de l’un des dispositifs les plus efficaces afin de réduire les chances de marquer du tireur. Mais celui-ci doit se concentrer le plus attentivement possible afin de ne pas se laisser influencer par le gardien… et doit essayer de frapper le plus précisément qu’il peut. Car c’est le seul moyen dont il dispose pour être sûr de marquer.

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