En attribuant à Carlo Ancelotti le surnom de mister, les médias ont ôtés une large part à l’histoire du football. Car la tactique ne commence pas au détour des années 2000. Et, comme on l’entend souvent, le football moderne ne voit pas le jour seulement au détour des années 80. Dans la catégorie des entraîneurs révolutionnaires, George Kimpton était un précurseur. Portrait du mister, premier du nom.
Anonymous
George Kimpton voit le jour sous le nom de Gabriel Sibley Kimpton à Leavesden, en Angleterre. Cette ville, du sud-est du pays, est désormais célèbre pour accueillir les studios de la franchise Harry Potter et de la saga des James Bond. Nous sommes alors le 12 août 1887. Rien ne semble lier celui qui prend vite le surnom de « Sid » au football. La grande ville la plus proche, Watford, peut-être… Mais ce n’est pas là que l’attaquant va faire ses débuts. En effet, il échoue en 1909 lors d’un test pour le club local. Aux alentours de 1910, il rejoint un club de la Southern League, Southampton. Et après un petit match avec l’équipe réserve, il fait ses débuts en octobre en championnat, avant de marquer la semaine suivante son premier but. Avec ses sept buts en vingt-neuf matchs, il parvient à sauver son équipe de la relégation.
Et afin de rendre le jeu un peu plus serein, le nouvel entraîneur George Swift va, en 1911, recruter onze joueurs, dont un attaquant – Henry Hamilton, qui évoluait jusque là à Hueddersfield. Kimpton parvient à s’adapter au changement, puisqu’il se décale couloir droit, devenant ainsi demi droit. Ses performances en demi-teinte l’amènent à se décaler inter droit à la mi-saison. Et à la fin de la saison, le club se sauve à nouveau in extremis. Avec la démission de Georges Swift et l’arrivée de Jimmy McIntyre, Kimpton trouve encore un nouveau poste : ailier droit. Les années suivantes seront du même acabit. Seulement, la guerre viendra interrompre tout cela. Et en 1918, il est resigné par Southampton, mais ne joue quasiment plus. Il termine sa carrière en 1920 après 149 apparitions et trente buts.
The coach
Mais après une carrière relativement anonyme, au sens où l’on ne se souvient pas vraiment de lui aujourd’hui, c’est en tant qu’entraîneur que celui que l’on appellera bientôt George Kimpton va marquer l’histoire. Tout va commencer en 1921, quand il va prendre les rênes du DFC Prague. Si l’aventure ne dure pas très longtemps, cela marque un coup d’envoi à sa carrière de coach. Après cette aventure, il part en Pologne, entraîner le Polonia Warszawa, le deuxième club de la capitale après le Legia. Après deux ans à la tête du Polonia, il continue son aventure à la tête du Cracovia Krakow, qu’il quitte à la fin de l’année 1923.
C’est alors qu’il rejoint la France, pour une première expérience au Havre. Expérience qui ne sera pas mémorable, mais qui le fera connaître dans la patrie de Louis XII. Il quitte la France en 1926, pour retourner en Angleterre, à Coventry. Pendant plusieurs années, il va entraîner le Coventry City. Et en 1934, il va faire son retour au pays de Voltaire. Il met d’abord en place les premiers stages de formation d’entraîneur que prévoit la Fédération Française de Football Amateur, qui à l’époque est la grande institution de football. Et face aux difficultés des bleus, George Kimpton est appelé pour devenir conseiller technique du trio Barreau-Rigal-Delanghe durant le mondial italien de 1934 où s’illustre Luis Monti.
En tant que conseiller technique, il donne des avis très tranchés sur l’équipe de France de l’époque. Ainsi déclarait-il à L’Auto ces mots assez durs :
L’équipe de France pourrait mieux faire. (…) Mais il faut que les joueurs français se plient à la discipline du football.
Magicien britannique
Et lors de ce mondial, il impose très rapidement son style de coaching très original. En effet, en France, le WM est très peu populaire. Et ce schéma tactique est très prisé en Angleterre. Marqué par le football anglais, George Kimpton le propose donc à ces joueurs, le tout doublé d’un marquage à la culotte révolutionnaire pour l’époque. Ainsi, lors du France-Autriche de mai 1934, au cours de la Coupe du Monde italienne, une de ses consignes est restée célèbre. A son milieu Georges Verriest, il impose un marquage très serré sur la star autrichienne au destin tragique Matthias Sindelar. Pierre Delaunay rapportera ainsi ces propos :
« Vous suivrez Sindelar partout… même aux W.C.! »
Mais cela ne suffit pas à la France, qui s’inclinera sur un score de trois buts à deux. Cependant, la population verra cela comme une véritable victoire. Car à l’époque, la Wunderteam autrichienne est quasiment imprenable. Cela ne suffira pas pour sauver la peau de George Kimpton. En effet, ses choix tactiques sont très contestés au sein du staff français, notamment par Georges Barreau. Et il est donc dès la fin du mondial évincé du staff français, et revient à ses occupations précédentes. Soit des stages d’entraînement dans la capitale française où il initie toute une génération d’entraîneur au WM. C’est par exemple à cette époque que le Racing Club de Paris, aujourd’hui défunt, alors entraîné par Victor Mestre, adopte le schéma tactique en question.
George Kimpton, le sauveur
Et Kimpton ne restera pas longtemps éloigné de l’équipe de France. Après seulement une saison « au chômage », il rejoint à nouveau le staff des bleus. En effet, la FFFA a très mal pris la défaite 3-1 contre l’Allemagne, et souhaite mieux former ses joueurs au WM dont George Kimpton est le spécialiste incontesté au France. C’est donc en tant qu’assistant tactique que Kimpton est nommé. Cependant, il ne participe qu’à quelques séquences d’entraînement espacées, et reste manager du Racing. D’autant plus qu’en 1936, à la suite de mauvais résultats, Kimpton devient préparateur physique… et Barreau redevient maître de la tactique nationale.
Et malheur pour lui, George Kimpton n’est pas épargné par le public parisien. Les supporters du Racing lui reprochent notamment de ne pas assez aller de l’avant. Ce qui ne l’empêche pas de gagner le championnat et la Coupe de France en 1936. Une Coupe de France qui sera suivie d’une autre en 1939, mais dans un rôle d’homme de l’ombre. Car en 1938, il quitte le Racing Paris pour rejoindre le FC Metz. Mais malgré un WM immuable, il ne parvient pas à engranger des succès et part à la mi-saison.
A la mi-mai 1939, il s’engage au FC Rouen. Seulement, le début de la seconde guerre mondiale met un terme provisoire à ses activités. Mais pas pour longtemps. Car après la seconde guerre mondiale, à la suite d’un internement à Saint-Denis par les nazis, il reprend la tête du FC Rouen. C’est à la tête des diables rouges qu’il remporte le dernier championnat de guerre de l’histoire. Sa carrière s’achève après deux piges anonyme au Havre et à Cherbourg. George Kimpton décède dans sa ville de naissance le 15 février 1968.